Paul Ariès dit vrai : « On reste dans l’idée que la croissance est la solution, alors qu’elle est le problème, écologiquement, socialement et politiquement… La gauche n’est pas à la hauteur de l’enjeu… Mais la remise en cause du mythe de la croissance est en recul. »* Il estime que les partisans de la décroissance ont une responsabilité dans ce reflux. Ce serait d’après lui contre-productif de revendiquer l’austérité, comme le fait par exemple le mensuel « La décroissance ». On ne changerait pas la société en culpabilisant les gens, « il faudrait susciter le désir ». Alors, que propose-t-il ? Des vœux pieux comme le «buen vivir» sud-américain** ou l’expansion de la gratuité. Un peu court comme alternative. Ce n’est pas en nous voilant la face que nous convaincrons les masses populaires, mais en montrant que nous sommes en situation d’urgence. La plupart des pays sont entrés dans un maelström de turbulences socio-économiques et écologiques qui ne peuvent que durer : surendettement, descente énergétique, réchauffement climatique, stress hydrique, etc. Pour répondre à cela, il n’y a qu’une voie : rigueur budgétaire, limitation de la masse monétaire, recentrage sur les besoins essentiels des ménages, fin programmée de la publicité, etc. Tous ceux que disent le contraire ne veulent pas voir la réalité en face. Même l’expert Dominique Bourg ne croit plus au « développement durable ». Il prévoit lui-aussi un effondrement de notre système. Dominique Bourg n’est pas une dame patronesse. Il écrit pourtant dans le mensuel La Décroissance !
Notons que sur l’ensemble de l’année 2012, la croissance française est de zéro. Croissance-zéro cela ne vous dit rien ? En 1972, un rapport du Club de Rome indiquait que les croissances exponentielles de l’activité économique allaient se heurter au plafond des ressources de la planète. Il fallait donc décélérer jusqu’à atteindre une croissance zéro (stabilité) qui nous permettrait de rester juste au-dessous de ce plafond. Nous n’avons pas entendu ces avertissements et nous avons crevé le plafond ; notre empreinte écologique dépasse déjà de 25 à 30 % les capacités de renouvellement des écosystèmes. Une grave crise socio-économique va donc s’ensuivre, la Grèce nous en montre déjà le chemin. Dans ce contexte, il ne faut pas confondre société de décroissance et récession économique. D’un côté austérité coordonnée, assumée et partagée ; de l’autre austérité éclatée, imposée et injuste. Dénonçons les vrais coupables : la crise économique est l’aboutissement inévitable d’une volonté de croissance dans un monde fini.
Un objecteur de croissance préfère la décroissance voulue. Il récuse la décroissance subie, celle que nous prépare un capitalisme avide. La décroissance, c’est l’austérité, mais une austérité qui doit, pour être acceptée, s’accompagner d’une limitation drastique des inégalités de revenus et de modes de vie. Ceux qui pratiquent la simplicité volonté et la sobriété énergétique sont des précurseurs qu’il nous faudra imiter un jour ou l’autre, de gré ou de force.
* http://www.liberation.fr/economie/2013/02/14/la-decroissance-ce-n-est-pas-l-austerite_881828
** Paul Ariès, « Le Socialisme gourmand – Le bien vivre un nouveau projet politique (Editions La Découverte)