Le texte suivant montre clairement l’antagonisme qui existe dans le débat sur la transition énergétique (paradoxalement syndicats et patronat se retrouvent sur la même ligne ou presque). Notre société n’a pas encore compris que les citoyens devront limiter leurs besoins. A quoi sert en effet une bonne isolation thermique de sa maison (efficacité énergétique) si on en retire l’idée qu’on peut augmenter la température de son foyer (refus de la sobriété). Il est d’ailleurs significatif qu’on confonde généralement dans les débats « économies d’énergie » et « efficacité énergétique », ce qui permet de passer la sobriété à la trappe.
Efficacité et sobriété énergétique : un « bon sens » à géométrie variable
Thème majeur du Débat national en cours sur la transition énergétique, l’amélioration de l’efficacité est approuvée par l’ensemble des acteurs. En revanche, l’idée même de sobriété, autre objectif fixé par le gouvernement pour consommer moins d’énergie, divise les parties prenantes.
1) L’efficacité énergétique, que l’on peut définir comme le fait de consommer moins d’énergie pour un résultat équivalent ou supérieur, « relève du bon sens », souligne le rapport du groupe de travail (GT) dédié à cette thématique dans le cadre du Débat national sur la transition énergétique (DNTE).
2) Toutefois, le sujet qui oppose le plus les acteurs, jusqu’à provoquer de vifs débats, concerne la sobriété. Un concept central de la pensée de l’association négaWatt, qui propose de « s’interroger sur nos besoins » et de faire la part entre ce qui est « utile » et ce qui est « futile ».
– Secrétaire fédéral FO Energie et Mines, Jacky Chorin estime qu’une telle approche relève de la liberté individuelle et que « mélanger efficacité énergétique et sobriété énergétique résulte d’un choix politique qu’on peut ne pas partager ». Il se déclare donc « en désaccord le plus total avec une inscription dans la prochaine loi d’une division par deux (d’ici 2050) de la consommation d’énergie » qu’envisagent des scénarios mis en avant par le rapport du GT.
– Représentant du Medef au DNTE, le président de l’Union française de l’électricité (UFE) Robert Durdilly est sur la même ligne. Prétendre « que l’on doit diviser la demande, donc la consommation, par deux pour atteindre le Facteur 4 (la division par quatre des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050, ndlr) est un raccourci et un parti pris », accuse-t-il. Car il estime que d’autres voies sont possibles. Comme le recours au nucléaire ou les « ruptures technologiques ».
Avec d’autres, il dénonce la « partialité » des deux experts sollicités par le GT. L’un d’eux, le président de négaWatt Thierry Salomon, pourfendeur de « l’ébriété énergétique », a dû se sentir principalement visé…
Ce clivage entre les apôtres de deux logiques s’opposant frontalement – l’une privilégiant l’offre, l’autre, la demande – est à vrai dire au cœur de l’ensemble du débat autour de la transition énergétique. Les premiers accusant les seconds de prôner la décroissance, les seconds reprochant aux premiers de porter une vision productiviste.
Entre ces deux idéologies, la position du gouvernement demeure imprécise. En particulier, sur le sens de cette « croissance verte » brandie par la ministre Delphine Batho, dont la France devrait devenir « une référence planétaire ».
3) La question de l’obligation s’est régulièrement posée dans les échanges entre les participants du GT Efficacité et Sobriété du DNTE, dès lors qu’il s’agissait d’aller au-delà d’un diagnostic en général partagé. Par exemple, faut-il imposer au particulier la rénovation thermique de son logement ? Oui, estime le Comité de liaison énergies renouvelables (CLER), car on « n’a pas le choix de faire ou de ne pas faire » lorsqu’il y a un gisement considérable d’économies d’énergie.
Non, rétorquent les syndicats FO et CGT, en mettant en avant le pouvoir d’achat. A se demander si « ce débat n’est pas déconnecté de la vraie vie », s’est même interrogé le cégétiste Dominique Launay. En rejetant, toujours pour des raisons de pouvoir d’achat, l’instauration d’un bonus-malus sur l’électroménager.
(source : La Gazette des communes, 15/05/13)
Je ne sais pas si les membres de négawatt ne veulent surtout pas reconnaitre que leur scénario est décroissant, mais ce que je sais c’est que passer de 1900 Twh en 2010 à 850 twh en 2050 cela s’appelle une décroissance de grande ampleur. Le seul reproche (de taille) que je fais à leur démarche n’est pas un irréalisme technique, mais un manque de lucidité politique : toute politique de décroissance qui ne soit pas barbare (voir le Grèce) ne peut pas faire l’impasse d’une remise en cause radicale du système économico-politique existant.
Témoignage d’un correspondant
Parler de sobriété en temps de crise n’est pas évident. Ce qu’il faut comprendre, c’est que la sobriété est récessive, c-a-d réduit le PIB. Prenons par exemple la mesure phare de négaWatt, le covoiturage. Si presque tout le monde co-voiture, ça signifie moins de voitures sur les routes, moins d’emploi dans l’automobile, les pneus, les raffineries, le SAMU, les autoroutes, les garagistes, les pneumologues, le BTP, etc. C’est toute l’activité du secteur lié aux déplacement qui en sera impacté, donc le PIB, l’emploi, le pouvoir d’achats de millions de personnes, etc. Idem si on chauffe moins, roule moins vite, voyage moins loin, moins longtemps, si on achète moins de gadgets : toutes ces mesures de sobriété réduisent l’activité économique, font baisser le PIB, détruises (toutes choses égales par ailleurs) des emplois, etc …
Faut-il donc s’étonner que personne ne veuille de la sobriété, sauf quelques décroissants comme nous ? Les membres de nW ne veulent surtout pas reconnaître que leur scénario est décroissant, et d’autre part sont très prudent sur la sobriété, qui ne représente qu’un quart de la réduction des consommations. Leur scénario est complètement irréaliste, à mon avis.
Les Grecs ou les Espagnols ne sont devenus très sobres qu’avec la crise, leur empreinte écologique baisse, .. de vrai écolos.
Pour un approfondissement critique du scénario négawatt, lire Benoît Thévard
Pour en savoir plus sur l’association Négawatt
L’association négaWatt a été crée en septembre 2001. Le premier scénario négaWatt fut lancé en 2003 comme un défi adressé au Premier ministre Raffarin qui s’était engagé à diviser par 4, d’ici à 2050, les émissions de gaz à effet de serre de la France. Cet objectif s’était concrétisé par une « Loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique », sans s’en donner réellement les moyens.
La démarche négaWatt se décline en trois temps : sobriété, efficacité, renouvelables. Voici deux résumés de livres de l’association négaWatt, cliquez sur le titre pour en savoir encore plus :
Manifeste négaWatt (réussir la transition énergétique) (2012)
La notion de sobriété nous invite à nous interroger personnellement sur nos besoins, sur leur importance réelle ou supposée, ainsi que sur les priorités que nous pouvons établir entre eux. Nous pouvons définir une hiérarchie qui passe des besoins vitaux aux essentiels, puis indispensables, utiles, convenables, accessoires, futiles, extravagants et inacceptables. Chacun peut se livrer à l’exercice pour lui-même, en famille ou au travail, de façon à prendre conscience de l’impact de tel ou tel achat ou comportement. Rien ne sera possible sans une adhésion pleine et entière de tous nos concitoyens. Il s’agit de faire jouer à plein ce qui est la contre-partie indissociable de notre liberté : notre responsabilité !
Changeons d’énergie (transition mode d’emploi) (2013)
Thierry Salomon et Marc Jedliczka continuent de populariser le scénario négaWatt avec ce petit livre qui coïncide avec la démarche gouvernementale d’organiser en France un débat sur la transition énergétique. La sobriété revoie à l’intelligence de l’usage, l’efficacité à la performance de l’équipement. La réflexion sur la sobriété énergétique nous invite à nous interroger : un équipement très efficace, donc avec un très bon rendement, peut s’avérer gaspilleur si son usage est disproportionné, mal adapté ou carrément inutile. La sobriété, c’est rompre avec la facilité, c’est le contraire de l’ébriété énergétique. L’abondance apparente d’énergie dans laquelle nous baignons agit en effet comme une forte dose d’alcool. Elle nous permet d’échapper à la réalité pour un plaisir confus et éphémère, initialement suivi d’une gueule de bois fort peu agréable. Ni abstinence ni rationnement imposé, la sobriété nous invite, comme la dégustation d’un bon vin, à renforcer notre plaisir en refusant consciemment le gaspillage qui est un affront au bon goût : un verre d’énergie, ça va, trois verres, bonjour les dégâts !
Quel mauvais titre.
Opposer l’efficacité énergétique et limitations des besoins (sobriété) est un non-sens.
Pour rappel la « pensée » de l’association négawatt (que je connais plus que parfaitement bien) est la suivante:
Sobriété, Efficacité, ENR.
C’est un ensemble indissociable. Alors ne le dissociez pas, sauf si votre propos est purement polémique et n’a pour seul objectif que d’alimenter la prose de coq au vin.
Quel mauvais titre.
Opposer l’efficacité énergétique et limitations des besoins (sobriété) est un non-sens.
Pour rappel la « pensée » de l’association négawatt (que je connais plus que parfaitement bien) est la suivante:
Sobriété, Efficacité, ENR.
C’est un ensemble indissociable. Alors ne le dissociez pas, sauf si votre propos est purement polémique et n’a pour seul objectif que d’alimenter la prose de coq au vin.