Les écologistes, comme tout mouvement émergent, se présentent dans différentes structures avec des discours souvent conflictuels, si ce n’est contradictoires. Cela fait désordre. Pour nous, sur ce blog, il est essentiel de séparer une écologie superficielle, qui se contente de verdir la réalité sans en modifier les capacités de destruction de la biosphère, et une écologie approfondie ou « profonde » qui nous permettrait de bâtir une autre civilisation. Voilà le dialogue qui en découle :
Superficiel : Les citoyens ne font toujours pas la différence entre « écologie » et « environnement ».
Profond : C’est inexact, il faut parler de différence entre nature (qui existe sans l’homme) et environnement (autour de l’homme), les deux positions différenciant l’approche écologiste ; l’anthropocentrisme valorisant l’homme d’un côté, le biocentrisme de l’autre, respectant toutes les formes de vie.
Superficiel : L’écologie est avant tout un humanisme.
Profond : C’est vrai pour ceux qui préfèrent parler d’environnement, mais cela témoigne d’un humanisme étroit. L’écologie profonde reflète au contraire un humanisme élargi, un humain qui ne se regarde pas simplement le nombril.
Superficiel : Déverdir notre discours aurait une vertu pédagogique.
Profond : Il est vrai que parmi les Verts, il y a les verts verts, les verts rouges et maintenant les verts roses… Mais c’est se tirer une balle dans le pied que de déverdir le discours écolo au moment même où un greenwashing pernicieux repeint tout en vert !
Superficiel : La complexité de la pensée écologiste ne permet pas aux citoyens de se représenter clairement ce type de politique.
Profond : C’est vrai, le discours de l’extrême droite est beaucoup moins complexe et plus « palpable » par le citoyen. Une réponse fausse (vive le nationalisme) mais simple reste toujours plus attractive. Il n’empêche que cela reste aussi une réponse fausse qui ne prépare qu’une situation encore plus conflictuelle.
Superficiel : Nous devons moins théoriser, moins invoquer les valeurs pour parler concret.
Profond : C’est vrai, il faut parler concret, sobriété énergétique, utilisation des moyens doux de déplacement, constitution de communautés de résilience, transformation de sa pelouse en jardin potager, etc. La théorie de la démondialisation comme remise en cause la théorie du libre-échange peut aussi se mettre en pratique.
Superficiel : Nous devons parler du présent, de l’immédiat plutôt que du long terme.
Profond : Cela ne nous semble pas « mentalement inenvisageable » pour un citoyen d’envisager le sort de ses enfants et des enfants de ses enfants. Basculer dans le court-termisme, c’est la mort de l’approche écologiste… et la désespérance des générations futures. Il faut que tous les citoyens apprennent à s’exprimer au nom des acteurs absents.
Superficiel : Toute notre communication politique doit être entreprise avec le souci d’être 1) visualisable, 2) tout de suite, 3) par tout le monde.
Profond : Un conférencier a fait un exposé sur « un avenir sans pétrole ». Alors que personne ou presque dans la salle ne savait ce qu’est un « pic pétrolier », l’assemblée a été scotchée pendant près de deux heures… devant des courbes et des prévisions qui ont convaincu tout le monde qu’il fallait changer de mode de vie…
Superficiel : Nous sommes perçus comme défenseurs de l’environnement, ce qui est évidemment une préoccupation mineure par rapport à la satisfaction de besoins fondamentaux (logement, emploi, santé, sécurité-justice, enfance-éducation).
Profond : Nos besoins fondamentaux ne peuvent être satisfaits que dans la mesure où les écosystèmes et les ressources naturelles sont disponibles pour assurer un niveau de vie donné. Il ne peut pas y avoir d’échelle de préférence entre les possibilités de la nature et la satisfaction de nos besoins fondamentaux, sauf à faire de la démagogie. Le « toujours plus » est une plaie de notre système actuel de pensée. Il nous faudrait plutôt pratiquer la simplicité volontaire.
Superficiel : La vision planétaire de l’analyse écologiste (le « Penser global ») ajoute à ce sentiment d’éloignement des préoccupations immédiates.
Profond : L’analyse écologiste tend actuellement au « penser local », mais n’importe quel citoyen peut comprendre aussi ce que « glocal » veut dire quand on lui explique.
Superficiel : La modernité de l’écologie doit être affirmée avec force grâce à la popularisation du concept d’écologie moderne.
Profond : Nous connaissions l’écologie scientifique, politique, sociale, productive, pragmatique, superficielle, profonde… mais pas encore l’écologie moderne. Il y a déjà suffisamment de qualificatif pour l’écologie sans qu’on y rajoute un autre, « moderne », qui n’est qu’un mot valise, un mot qui ne signifie rien puisqu’on peut y mettre tout ce qu’on veut.
Superficiel : Il y a un fort sentiment d’insécurité chez une majorité de citoyens auquel il faut répondre.
Profond : De quelle insécurité parle-t-on ? Dans des territoires quasi dépourvus d’immigrants, l’extrême droite fait de bon score à cause de la peur de l’étranger. Le sentiment d’insécurité est donc une perception socialement construite. L’insécurité dont porte témoignage les écologistes est d’ordre écologique, et là aussi il y a suffisamment à dire sur la détérioration de la biosphère sans être « catastrophiste ». Même l’armée s’intéresse maintenant au possible chaos.
Superficiel : l’échelon communal doit être l’échelon de base de notre mouvement écologiste.
Profond : D’accord sur ce point si cela veut dire faire de notre « commune » une « communauté » en transition.
Coucou me revoilou
« Il est vrai que parmi les Verts, il y a les verts verts, les verts rouges et maintenant les verts roses »
N’oublions pas, helas, les verts bruns, comme le remarquait Philippulus. Ne soyez-pas volontairements daltoniens sur ces verts-la (le brun, si l’occasion se presente, tourne souvent au khaki).
« séparer une écologie superficielle, qui se contente de verdir la réalité sans en modifier les capacités de destruction de la biosphère, »
En voila une definition neutre et n’influant pas sur l’opinion du lecteur 🙂