Pour limiter le nombre de morts, vive l’avortement…

Un écologiste sait que la vie entraîne la mort. C’est un cycle biologique, un être vivant naît, grandit puis meurt, personne ne peut y échapper. Cela veut dire aussi qu’augmenter le nombre de vies, c’est nécessairement augmenter le nombre de morts. C’est pourquoi le simpliste « droit à la vie » des anti-avortements est une fausse argumentation qui oublie la réalité du cycle naturel. L’interruption volontaire de grossesse est interdite au Chili depuis 1989, lorsque le général putschiste et dictatorial Pinochet a fait inscrire dans le code sanitaire qu’« aucune action ne peut être exécutée dans le but de provoquer un avortement ». Même s’il s’agit comme aujourd’hui d’une enfant de 11 ans violée par son beau-père et enceinte de ses basses œuvres. La présidence du Chili déclare : « Notre gouvernement défend la vie de l’enfant à naître et, par conséquent, nous refusons tout type d’avortement. »*

Une telle attitude applique à l’extrême l’impératif biblique « croissez et multipliez », donnant à l’espèce humaine un droit exorbitant de pouvoir se développer en nombre bien plus que les capacités des écosystèmes le permettent. Ce tour de force ne peut réussir qu’au détriment des autres espèces (chute de la biodiversité) et par l’augmentation du nombre de vies humaines. Les guerres, les famines et les épidémies ponctionnent le surplus de vies humaines. Or, si des pays interdisent encore l’IVG, aucun ne s’interdit la guerre. Pire, on s’habitue très rapidement aux massacres de masse. Un soldat de la Wehrmacht exprimait ainsi cette capacité humaine d’adaptation aux œuvres de destruction : « Le premier jour, çà m’a paru effroyable, de tuer, alors je me suis dit : et merde, c’est un ordre. Les deuxième et troisième jours, j’ai dit : je n’en ai rien à foutre. Et, le quatrième, j’y ai pris du plaisir. »**

Les natalistes anti-avortements, s’ils étaient logiques avec leur « droit à la vie », devraient être les objecteurs de conscience les plus résolus, opposés à l’usage des armes et aux meurtres collectifs organisés. Malheureusement leur pensée s’arrête à la vue d’un berceau, considéré comme le but ultime de la vie. Ce point de vue racorni amène alors la petite chilienne de 11 ans à dire d’une faible voix : « Je vais aimer beaucoup mon enfant même s’il est de cet homme qui m’a fait du mal, cela ne fait rien, je vais l’aimer. » Aimer la vie à n’importe quel prix n’est pas aimer. Etre anti-avortement veut nous faire oublier que la vie appelle la mort…

* LE MONDE du 13-14-15 juillet 2013, au Chili le viol d’une fillette relance le débat sur l’IVG

** Le Canard enchaîné du mercredi 10 juillet 2013, Heili allô

4 réflexions sur “Pour limiter le nombre de morts, vive l’avortement…”

  1. @ Philippuls
    J’aurais du traduire, oui.
    Je n’ai sans doute pas ete tres clair. Mon commentaire voulait opposer, au constat d’inconsistence fait par Biosphere aux « pro-life » (dont je ne fais pas partie) qui s’opposent a l’avortement mais pas aux guerres; un constat d’inconsistance de Biosphere qui porte Gandhi aux nues alors qu’il s’oppose a l’avortement et au ctastrophisme des neo-malthusiens.
    Pour ce que je pense moi-meme de l’avortement, voir le tres bon billet de Biosphere du 7 juin (« Si les hommes portaient les bébés, avorter serait adoré ») et mes non moins brillants commentaires.

  2. @coq au vin :
    C’est bien de citer Gandhi en anglais, mais vous qui êtes parfaitement bilingue vous auriez pu au moins faire l’effort de traduire. Simple politesse.
    Donc, selon Gandhi l’avortement est un crime et les méthodes contraceptives sont immorales : et alors ? Personnellement je me contrefous de l’opinion de Gandhi sur ces questions. Il aurait été plus intéressant (quoique) de nous faire part de votre position.
    Pour en finir avec le fameux « Croissez et multipliez ». Ce commandement n’a rien de « divin » (évidemment). C’est une prescription politique : soyez plus nombreux et plus forts que vos ennemis (égyptiens, babyloniens, etc..). C’est tout ce que ces mots signifient.

  3. La paille.. la poutre… c’est une vielle histoire. Pour citer l’un de vos heros, Gandhi lui-meme:
     » It seems to me as clear as dayligh that abortion would be a crime, it is the sacred duty of the husband to bring up the baby with all the love and tenderness that he is capable of and to refuse to yield to the counsels of [ceux qui recommendent l’avortement].”
    Et également par Gandhi:
     » If it is contended that birth-control is necessary for the nation because of over-population, I dispute the proposition.
    Increase in population is not and ought not to be regarded as a calamity to be avoided. Its regulation or restriction by artificial methods is a calamity of the first grade whether we know it or not.
    Birth-control by contraceptives no doubt regulates to a certain extent the number of new-comers and enables persons of moderate means to keep the wolf from the door. But the moral harm it does to the individual and society is incalculable.
    Birth-control according to methods suggested today and recommended in the West is suicidal. When I say ‘suicidal’, I do not mean resulting in the extinction of the race; I mean suicidal in a higher sense of the term, that is to say, these methods make man lower than the brute; they are immoral.

  4. sur l’injonction biblique, le point de vue du pasteur Malthus
    « La première grande objection est que mes principes contredisent le commandement du Créateur, ordre de croître, de multiplier et de peupler la terre. Je suis pleinement persuadé que c’est le devoir de l’homme d’obéir à son Créateur, mais ce commandement est subordonné aux lois de la nature. Si, par une opération miraculeuse, l’homme pouvait vivre sans nourriture, nul doute que la terre ne fût très rapidement peuplée. Mais comme nous n’avons aucune raison de compter sur un tel miracle, nous devons, en qualité de créatures raisonnables, examiner quelles sont les lois que notre Créateur a établies relativement à la multiplication de l’espèce. Il n’y a aucun chiffre absolu : garnir une ferme de bestiaux, c’est agir selon la grandeur de la ferme et selon la richesse du sol qui comportent chacune un certain nombre de bêtes. Le fermier doit désirer que ce nombre absolu croisse. Mais c’est une entreprise vaine de prétendre augmenter le nombre avant d’avoir mis les terres en état de les nourrir. Je suis prêt à reconnaître que la puissance d’un Etat ne doit pas se mesurer par l’étendue d’un territoire, mais par l’étendue de la population. C’est méconnaître mes principes que de m’envisager comme un ennemi de la population, les ennemis que je combats sont le vice et la misère. »
    Essai sur le principe de population (1ère édition, 1798 ; Flammarion, 1992)

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