Les conflits d’espace vital et de ressources auront, dans les décennies à venir, des effets radicaux sur la forme que prendront les sociétés occidentales. Cela commence déjà. Illustrations !
Au Royaume-Uni, le premier ministre David Cameron s’est engagé à réduire l’afflux de migrants extra-communautaires. Une campagne de publicité, baptisée « Go Home », incite les illégaux à rentrer chez eux sous peine d’arrestation et de déportation. En Grèce, des hommes végètent derrière de hautes grilles surmontées de fils barbelés. Ce pays a été condamné onze fois en trois ans par la Cour européenne des droits de l’homme pour les conditions de rétention des migrants, traités comme des criminels. En Russie l’opposant à Poutine, Alexei Navalny, veut enrayer l’immigration illégale et propose d’inciter les Russes à prendre les emplois tenus par les immigrés. Objet de la détestation populaire, les immigrés subissent même des raids punitifs de milices nationalistes. En Egypte, des inconnus tracent des croix sur les rideaux de fer des échoppes chrétiennes et des « Allah Akbar » sur les musulmanes. Plus tard des boutiques seront pillées et incendiées. En Corse, le président du conseil exécutif propose de limiter l’accès à la propriété pour les non-résidents. Cette suggestion trouve un large écho au sein de la population corse. Tous ces éléments sont issues d’un seul numéro du quotidien de référence*.
Il se pourrait qu’un jour le modèle occidental, avec toutes ses conquêtes en matière de démocratie, de libertés, de tolérance, de créations artistiques, apparaisse aux yeux d’un historien du XXIIe siècle comme un vestige incongru. Si du moins il y a encore des historiens au XXIIe siècle. Comme les ressources vitales s’épuisent, il y aura de plus en plus d’hommes qui disposeront de moins en moins de bases pour assurer leur survie. Il est évident que cela entraînera des conflits violents entre ceux qui prétendent boire à la même source en train de se tarir, et il est non moins évident que, dans un proche avenir, on ne pourra plus faire de distinction pertinente entre les réfugiés fuyant la guerre et ceux qui fuient leur environnement. Le XXIe siècle verra non seulement des migrations massives, mais des solutions violentes aux problèmes de réfugiés. La violence a toujours été une option de l’action humaine. Quand des hommes interprètent des problèmes comme menaçants leur propre existence, ils tendent à prendre des solutions radicales, telles qu’ils n’y avaient jamais pensé avant. Une fois un conflit défini comme opposant des groupes « nous » et « eux » comme des catégories différentes, les solutions de conciliation deviennent impensables, et cela a pour effet que ces conflits sont partis pour durer, en tout cas jusqu’à ce qu’un côté ait vaincu l’autre. Le fait de faire de groupes humains des catégories distinctes aboutit régulièrement au meurtre. Quelle sera la réaction d’un Etat le jour où augmentera le nombre de réfugiés chassés par leur environnement et où ils causeront aux frontières des problèmes massifs de sécurité ?**
* LE MONDE du 13 août 2013
** Harald Welzer, Les guerres du climat (Gallimard, 2009)