chronique d’une mort annoncée, Lampedusa

Un navire coule au large de Lampedusa, faisant plus de 300 morts parmi les migrants. Jean-Léonard Touadi, spécialiste des questions migratoires au sein du Parti Démocrate italien, n’est pas étonné par cette tragédie: « D’après les estimations, depuis 1988 environ 20 000 personnes ont péri en tentant de traverser la Méditerranée. Il y a une sorte de gigantesque refoulement. On ferme les yeux sur ce drame car les ouvrir signifierait qu’il faut s’interroger sur nos responsabilités par rapport aux échanges inégaux entre nos sociétés et ces pays, à une globalisation de l’injustice qui n’a pas suivi la globalisation des flux financiers et des marchés. Le flux ne tarit pas parce que les facteurs d’expulsion que sont les instabilités politiques, les conflits et la grande guerre de la pauvreté se sont aggravés. » Le pape François avait effectué sa première visite pastorale à Lampedusa le 8 juillet 2013. Il avait parlé de globalisation de l’indifférence : « Qui est responsable du sang versé par nos frères et sœurs ? s’est-il interrogé. Personne ! Aujourd’hui, personne ne se sent responsable. Nous avons perdu le sens de la responsabilité fraternelle. Qui de nous a pleuré la mort de ses frères et sœurs ? »

Sur lemonde.fr, les commentateurs ne sont pas tendres à l’égard des migrants et se défaussent de toute responsabilité :

– Indifférence générale ? Vue la présence de cet événement dans les médias je ne le crois pas. En fait ces propos ne visent qu’à me culpabiliser mais ils n’y arrivent pas : je ne suis pas coupable de la situation en Erythrée et en Somalie qui pousse ces malheureux à payer des maffieux 5 000 euros pour passer en Europe.

– Les grandes envolées lyriques et la culpabilisation des opinions publiques européennes n’apportent aucune solution: accueillir tous ces gens pour les entasser dans des bidonvilles aux portes de nos grandes villes n’est certainement pas la solution

– La plupart de ces migrants proviennent de la corne de l’Afrique où la croissance démographique est beaucoup plus forte qu’en Afrique du nord. En somalie le taux de fécondité est encore supérieur à 6 enfants par femme. La population du continent aura doublé d’ici 2050. La pression migratoire va devenir de plus en plus forte et L’Europe ne pourra pas accueillir tous les candidats au départ.

– Que faire? Pour mettre fin à de tels drames il n’y a qu’une solution: mettre en place, sans restriction, une navette sûre et gratuite entre Tripoli et Naples.

– Si je comprends bien, 20 000 morts en 25 ans c’est un drame immense? Pendant la même période, il y a eu en France 170 000 morts sur les routes…

Ces commentateurs ont-ils raison ? Sur une planète close et saturée, peut-on parler de la fin des migrations ?

*LE MONDE du 5 octobre 2013, « C’est un drame immense qui se joue dans l’indifférence »