Après avoir détruit l’agriculture paysanne depuis la fin de la seconde guerre mondiale pour mettre en place une agro-industrie, le gouvernement ne se rend toujours pas compte de ses erreurs. Non seulement il aide une activité en déclin, mais il mise sur des substituts qui n’ont aucun avenir.
Le premier ministre français Ayrault annonce un plan d’aide de 15 millions d’euros au volailler doux, aux ateliers de traitement du saumon ou à un abattoir porcin. C’est le résultat d’une « industrie productiviste à bas coût » comme le souligne LE MONDE*. Mais l’analyse historique est totalement absente des différents articles sur la question. Ce n’est pas un mauvais positionnement dans la mondialisation à l’heure d’une concurrence internationale sauvage. C’est un mauvais choix d’origine, dénoncé par René Dumont qui fut pourtant un des artisans du plan Monnet au sortir de la guerre et un propagandiste de la révolution agricole à base d’exode rural, d’engrais chimiques et de tracteurs. Jusqu’en 1953, il y fera merveille, intensifiant, défrichant, élargissant les mailles des bocages et assainissant les marais. La révolution fourragère des près en culture continue ne suffit pas, il y adjoint la mécanisation : « On ne peut mettre un tracteur dans chaque ferme de huit hectares. ».** Trente ans plus tard, alors qu’il atteignait les 70 ans, découvrant l’irruption de la crise écologique et son impact sur la production agricole. René n’a pas hésité à se transformer en premier écologiste politique de France : « Le productivisme fait perdre tous les éléments de base à la culture paysanne fondée sur l’économie des ressources et le respect du pain quotidien, de la nature et de la vie. » Le gigantisme, les grands barrages, les combinats, les élevages industriels, l’abus d’engrais… tout ce qui dépasse l’échelle de la communauté concernée maintenant l’effraye. Comme l’agriculteur dans son champ, il a la conscience des limites : « Quand les prévisionnistes nous disent qu’en l’an 2000 l’agriculture des Etats-Unis ne produira plus que 0,5 % du PNB, je me demande si nous n’allons pas, au siècle prochain, manger du marketing. » L’agro-industrie nous a mené à une impasse, on licencie en masse après avoir poussé pendant des années à la fin des paysans, à l’exode rural, à la reconversion.
Mais si la reconversion des agriculteurs était relativement facile du temps des Trente Glorieuses, elle est devenus impossible alors qu’il y a chômage de masse. Le gouvernement actuel rêve maintenant d’investissements d’avenir, « énergie marine » ou « développement des usages du numérique ». Ces domaines d’activité sont très capitalistiques et utilisent peu de main d’œuvre. Il ferait mieux d’encourager les circuits courts et le retour à une agriculture paysanne, seul moyen de créer des emplois en masse à une époque qui va connaître la pénurie énergétique.
* LE MONDE du 18 octobre 2013, Bretagne : un plan d’aides pour pallier de mauvais choix
** René Dumont, une vie saisie par l’écologie de Jean-Paul Besset
506 pages, 20 euros, éditions les Petits Matins – 2013 (première édition en 1992)
Agro-écologie et environnement sont-ils devenus des gros mots ?
Le ministre Stéphane Le Foll a esquissé les axes de la PAC version française en oubliant l’environnement et l’agro-écologie. Cette annonce fait suite aux conclusions de la conférence environnementale qui ont déjà mis à mal l’agro-écologie en remettant en avant la création de grands bassins d’irrigation qui génèrent une agriculture intensive, à l’opposé de l’agro-écologie. « Doit-on en conclure que c’est la frange la plus passéiste de la profession agricole qui va dicter la politique agricole française ? » Cela signifierait que l’on renonce à une agriculture innovante orientée vers la qualité de ses produits, de l’eau, des territoires ruraux, de la santé. Pour Bruno Genty, président de FNE : «Nous demandons à Stéphane Le Foll d’arrêter le double discours entre agro-écologie et mesures en faveur d’une minorité d’agriculteurs les plus intensifs ».
(Communiqué FNE du jeudi 26 septembre 2013)