83 soldats français sont « morts au combat » sur les théâtres extérieurs depuis le 1er janvier 2009. Beaucoup moins de morts que sur les routes françaises en une seule année. Nous sommes d’accord, il faut donc supprimer la voiture. Mais faut-il supprimer les interventions militaires ? Prenons l’exemple actuel de la présence militaire française en Centrafrique, ainsi justifiée par le président Hollande : « La mission de la France est nécessaire si on veut éviter qu’il se produise ici un carnage… La France vient défendre la dignité humaine. » Nous n’entrerons pas dans les méandres du Centrafrique où les massacreurs d’hier risquent fort d’être les massacrés de demain. C’est un pays où les gens n’ont pas à manger et où l’Etat est déliquescent : la violence est donc structurelle. Croire que les problèmes seront réglés une fois pour toutes dès que des élections auront eu lieu relève de la naïveté ou du faux-semblant. Soyons réalistes et écologistes à la fois.
Faisons le tour des expériences militaires passées. France-Indochine, une guerre pour rien. Algérie française, une guerre pour rien. Afghanistan, une guerre pour rien. Libye, une guerre sarkozyste pour rien sauf que des armes et des miliciens circulent maintenant partout. Guerre Hollandiste au Mali… une guerre pour pas grand chose. Nos généraux et gouvernants n’ont rien appris de l’histoire, une guerre asymétrique avec d’un côté des troupes de soldats en uniforme et de l’autre un ennemi qui sait se rendre invisible est une guerre perdue d’avance. Laissons les peuples rendre leur ennemi visible et agir en conséquence. Sauf à ne pas savoir ce que démocratie veut dire, la société civile d’un pays est la première responsable de ce qui lui arrive. L’amour du prochain et la paix civile ne se décrète pas, il découle de l’apprentissage social lié à une culture particulière. C’est aux gens concernés de se prendre en main. La démocratie ne s’impose pas de l’extérieur.
Regardons aussi les contraintes écologiques. Mieux vaudrait tarir à la source la cause des conflits plutôt que se préparer à des guerres sans lendemain. Le terreau de la violence ne peut disparaître que lorsqu’un peuple se trouve en harmonie durable avec son écosystème. Il y a conjonction entre une explosion démographique, des jeunes sans perspectives d’emplois, une prolifération des trafics, la marginalisation des populations rurales et les crises alimentaires. Dans un tel contexte, la population ne peut qu’être séduite par des idéologies extrémistes et prosélytes. Ce n’est pas la France qui peut reconstruire de l’extérieur et par les armes un territoire unifié et sécurisé. A force d’enfourcher des combats qui ne sont pas les siens et d’ignorer ce qui compte, l’écologie politique se déconsidère en approuvant les interventions militaires françaises. On sait pertinemment que toute guerre est destructrice nette de ressources. Nous avons à construire la paix avec une biosphère malmenée, nous n’avons plus de temps à perdre dans des conflits armés inter-humains. Telle devrait être notre priorité en tant qu’écologistes.
Que les peuples cherchent les voies de leur épanouissement socio-politique par eux-mêmes. C’est là la voie de l’écologie politique, non inféodée au jeu des grandes puissances militaro-industrielles et basée sur la prise de responsabilité locale. L’écologie politique c’est la non-violence en acte, l’écoute, le dialogue et parfois le non-agir comme seuls garants d’une évolution sociale assumée par les gens directement concernés. Laissons aux Machiavels l’absence de morale qui se contente d’expliquer la meilleure façon de vaincre l’ennemi. Laissons à l’Eglise sa doctrine de la guerre juste ; massacrer pour la « bonne cause » est devenue une maladie récurrente de l’histoire humaine. Seule la non-violence fait avancer une cause juste car toute violence à court terme contredit la réduction universelle à long terme de la violence. Adoptons l’attitude selon laquelle les guerres sont intrinsèquement mauvaises pour être jamais justes ou efficaces. Il devient essentiel dans un monde surarmé de penser au désarmement généralisé.
Le Monde.fr, 12.12.2013 : « De nouveaux affrontements ont opposé chrétiens et musulmans, jeudi 12 décembre, dans la capitale de la République centrafricaine, Bangui. Sept corps, dont beaucoup portaient des mutilations, reposaient en effet dans l’après-midi devant la mosquée Ali Baboro. Selon l’AFP, tous ont été tués par des chrétiens. Une flambée de violence qui a exacerbé le ressentiment envers les soldats français du côté des musulmans. Une foule de plusieurs centaines de personnes a ainsi pris à partie une patrouille des militaires, leur criant « Français complices ! ». Les véhicules de l’armée française ont manqué d’être encerclés par les protestataires, mais sont parvenus à s’échapper avant que la situation ne dégénère. »