Laurence Baudelet : « L’autosuffisance individuelle est quasiment inatteignable : seul, vous êtes vite confronté à vos limites. Vous pouvez éventuellement faire un petit potager, mais pas davantage. La coopération entre individus est nécessaire, essentielle. C’est pourquoi l’autoproduction c’est aussi un réseau de liens. C’est d’ailleurs une des motivations de ceux qui s’investissent dans les jardins potagers. Quand on a beaucoup de tomates, on en donne aux voisins, à la famille. On troque avec d’autres jardiners. L’autoproduction c’est aussi une voie vers la décroissance. Elle va avec une forme de sobriété. »
Matthew B. Crawford : « Cela prend des années de devenir bon dans n’importe quel domaine, et la vie est courte. Par conséquent nous nous spécialisons, et sommes nécessairement dépendants des autres. Notre dépendance envers nos contemporains forme la base de l’échange économique. Mais quand nous devenons dépendants de vastes forces impersonnelles, notre dépendance aux autres est évacuée de notre conscience. Nos habitudes de consommation peuvent alors facilement être accélérées. Ceci est non seulement néfaste pour l’environnement, mais aussi pour la connaissance de soi. En essayant d’être un peu plus indépendant, l’apprentissage et l’effort nécessaire pour cela a généralement l’effet surprenant de vous rendre plus conscient de votre dépendance envers les autres. »
Daniel Cérézuelle : « Depuis les débuts de la période industrielle et avec l’urbanisation croissante, la part de l’autoproduction a diminué au profit de l’achat de biens et de services. Depuis deux siècles le développement économique s’est nourri du transfert d’activités de la sphère domestique vers l’économie monétaire. Mais il y a fort à parier que l’autoproduction, loin d’être ringardisée, connaîtra un regain compte tenu des contraintes écologiques et des difficultés économiques actuelles. Une étude récente montre d’ailleurs que les ménages obtiennent aussi leur bien-être matériel en bricolant, préparant leur repas, améliorant leur logement, jardinant… Une évaluation de l’autoproduction ne doit pas se laisser entraîner dans une alternative artificielle entre le moderne ou l’archaïque. »
(quelques morceaux choisis d’un dossier du mensuel La Décroissance, février 2014)
En tout cas la croissance à accompagné dans le temps (sinon par une causalité) la fin de l’auto production.
La croissance économique relève une part de l’entrée dans la sphère marchande d’activités qui relevait auparavant de la sphère privée et n’étaient pas comptabilisées, faire son potager mais aussi manger à la maison, parler en direct plutôt que via un opérateur téléphonique etc. Pour une part elle est donc artificielle, il n’y a pas plus de biens et services, ils ne sont simplement pas comptabilisés de la même façon, le PIB a grossi en partie par cet artifice.
Reste que bien sûr beaucoup de nos biens modernes ne peuvent être fournis par l’autoproduction comme le fait bien comprendre cet article. Une société d’autoproduction sera nécessairement moins consommatrice que celle d’aujourd’hui. Nous allons y arriver par la force des faits puisque nous n’avons pas voulu entendre que la planète était de taille finie et que nous atteignons aujourd’hui ses limites.