Le coup d’envoi de la Coupe du monde de foot sera donné le 12 juin à Sao Paulo. Mais jamais dans l’histoire du Brésil une vague de mécontentement ne s’était exprimée avec une telle ampleur : près de 40 % des Brésiliens interrogés se disaient opposés à la tenue de l’événement. Les manifestations que n’en finissent pas de traverser tout le pays ont contribué à asseoir l’idée que la Coupe du monde est bien le symbole de la gabegie des deniers de l’Etat*. La présidente Dilma Rousseff, qui reconnaît que la construction des stades dédiés à l’événement est financée par des fonds publics, ne tolèrerait pas un blocage des stades : le foot est roi, les politiques s’agenouillent devant lui. Les médias ne sont pas en reste, « M » le magazine du Monde, gaspillage hebdomadaire en papiers glacés, consacrent un numéro 100 % foot** avec les confidences de Leonardo et tutti quanti. Les connivences entre foot et politique sont omniprésentes. Le joueur et entraîneur Leonardo Nasciimento de Araujo ouvre le bal : « Nicolas Sarkozy a été très important pour moi. Il a toujours été proche, à chaque moment compliqué il était là. Il pouvait m’appeler à 8 heures du matin… » Patrons, people et VIP se pressent dans les loges officielles, lieu de pouvoir et d’influence. Gare aux politiques qui passent le match les yeux rivés sur leur téléphone portable plutôt que sur le ballon rond ! Simon Kuper, un philosophe du ballon, se souvient de ces deux généraux qui lui parlaient du football comme d’une stratégie militaire : « C’était fascinant de constater à quel point dans ce pays les frontières entre la société et le football étaient aussi poreuses. » Pour ce chroniqueur du Financial Times, le football se révèle une affaire d’Etat. Pourquoi tant de sollicitude envers ces gamins attardés qui courent derrière un ballon ?
Fabien Ollier nous l’explique dans son livre L’idéologie sportive. Chiens de garde, courtisans et idiots utiles du sport. Interrogé sur deux pages par le mensuel La Décroissance***, il dit : « Dans les stades, devant la télé, les écrans géants, les smartphones, les ordinateurs, etc, les foules acclament les symboles du capitalisme et se réconcilient avec ce qui les aliène… Les appels à la décroissance sportive, -moins vite, moins haut, moins fort – témoignent d’une prise de conscience assez claire : le sport est l’incessant bavardage musculaire du productivisme, de la croissance capitaliste mafieuse, du bluff technologique et de la société du spectacle. » Le site http://www.quelsport.org/, section française de la critique internationale du sport, parle du foot comme colonisation du monde : « Depuis la fin des années 1960, le sport se trouve au cœur des industries culturelles et de divertissement des masses. Puissance matériellement dominante de la société capitaliste par la production et la marchandisation des « hauts-faits musculaires de l’humanité », l’institution sportive est en même temps la puissance spirituelle dominante. Elle s’est adjoint les services de penseurs qui s’unissent pour défendre les «passions sportives » et les « extases de la victoire ». »
Les écologistes condamnent tout ce qui est aliénation de la pensée et de l’acte : pourquoi des stades, ces grands projets inutiles, alors que la marche et la course à pied (avec ou sans ballon) peuvent se faire sans béton ni spectateurs. Le foot n’est qu’un aspect du décervelage programmé de la population déjà dénoncé dans un livre synthèse : Divertir pour dominer – la culture des masses contre les peuples (collectif Offensive, éditions de l’échappée, 2010) : « Le sport est une structure politique d’encadrement des masses, et notamment de la jeunesse, un moyen de contrôle social que le fascisme a porté à son comble. Le sport est une superstructure idéologique, pour parler comme Marx, qui a pour fonction de reproduire les rapports de production, de conformer les gens à la compétition de tous contre tous, à la servilité, l’aliénation et l’acclamation des héros. Le sport a la vertu de dissimuler sous son côté anodin, bon enfant, populiste, ses fonctions politiques réactionnaires. Le sport est un phénomène de manipulation de masse utilisé par la télé, la publicité, le discours politique… »
* LE MONDE du 6 juin 2014, Dilma Rousseff assure que les manifestations pacifiques seront tolérée à condition de ne pas empêcher l’accès aux stades
** M magazine du 7 juin 2014
*** La Décroissance n° 110, juin 2014, le sport opium du peuple
« Avec le début de la Coupe du monde de football, les prostituées brésiliennes s’attendent à une hausse de 30% de leur clientèle pendant la durée de la compétition » (rtl.fr)
Encore une fois nous assistons à la Coupe du monde de foutre!
La décroissance sportive du sport professionnel n’ est pas prête de se concrétiser vu le nombre d’ ahuris qui regardent ce piètre spectacle !