L’acharnement médicalisé à vouloir un enfant à tout prix

Geneviève Delaisi de Parseval a publié en 1983 « L’Enfant à tout prix »*. Depuis lors, les méthodes technicisées pour avoir un enfant se sont multipliées : stimulation ovarienne, fécondation in vitro, procréation médicalement assistée. Pourquoi donc ce mal de parentalité dans un monde déjà surpeuplé ? D’abord à cause de la pression sociale. Comme on fumait à une époque parce que tout le monde fumait, on veut un enfant parce que les autres en ont. Cela s’appelle l’interaction spéculaire, notre comportement reflète l’image de la norme sociale : en France, tout concourt à appuyer une pratique nataliste, les allocations familiales, les exonérations d’impôt, la multiplication des crèches, les cadeaux de Noël pour les enfants, la peur du vieillissement dans la solitude, l’ignorance du mot nulliparité, le rejet de la stérilité. Dans un tel contexte, certains peuvent vraiment souffrir de ne pas avoir d’enfant. Ensuite à cause de la loi de Gabor : « Tout ce qui est techniquement possible sera nécessairement réalisé ». Il faudrait même préciser « Tout ce qui est techniquement faisable se fera, que sa réalisation soit jugée moralement bonne ou condamnable ».

                Alors que la stérilité pourrait trouver un substitut parfait dans l’adoption, les miracles supposés du progrès technique multiplient les clients. Comme l’écrit Alexis Escudero, « La reproduction artificielle de l’humain ne signifie pas l’égalité des minorités sexuelles dans leur rapport à la procréation, mais la soumission de tous à l’institution médicale et la tyrannie technologique. Elle signe l’intrusion des experts dans la chambre à coucher… » La maternité tardive n’est pas la cause unique d’infertilité. Stérilisés par l’industrie chimique, les êtres humains n’ont plus d’autre choix que de recourir à la technique. La diminution continue de la qualité du sperme, associée au recul de l’âge auquel les femmes décident de faire un enfant, pourrait provoquer à court terme une hausse de près de 80 % d’éligibilité à l’AMP (assistance médicale à la procréation). Mutilés de leur capacité à se reproduire, les humains sont contraints de payer pour avoir des enfants… Mais pourquoi donc ne pas accepter sa stérilité ?

                Geneviève Delaisi de Parseval estime qu’aucune loi ne résistera à « l’irrépressible désir d’enfant de nos contemporains ». Or aucun désir n’est irrépressible, c’est la société consumériste qui nous a fait passer de la satisfaction de nos besoins véritables à une idéologie du désir. Il y a en réalité ceux qui veulent un enfant à tout prix malgré leur stérilité et ceux qui, bien que fécond, n’en veulent pas du tout. Il y a de fortes chances que seuls les seconds sachent ce qu’urgence écologique veut dire. Si les couples stériles posaient vraiment la question du présent et de l’avenir des enfants dans un monde surpeuplé et pollué, ils seraient sans doute convaincants. La pression sociale deviendrait malthusienne.

Pour en savoir plus, vous pouvez lire Corinne Maier, NO KID (40 raisons de ne pas avoir d’enfant) ou la BD « Des salopes et des anges » de Tonino Benacquista et Florence Cestac.

* LE MONDE culture et idées du 20 septembre 2014,  La stérilité sur le divan

1 réflexion sur “L’acharnement médicalisé à vouloir un enfant à tout prix”

  1. Je viens de voir Delaisi de Parseval sur Arte(je crois): elle n’a pas résisté elle, à devenir un défenseur de la GPA. Où elle ne voit qu’amour et générosité. Nous sommes effectivement une société qui confond désir et besoin et dont les adultes se conduisent comme des enfants de 2 ans: je veux, je veux tout de suite, je veux à tout prix. Les couples sont moins féconds parce que nous avons « choisi » un mode de vie sacrifiant la santé à la consommation et là encore,nous oublions que choisir implique de faire le deuil d’une possibilité. L’impossible ne peut pas exister.
    Il est vrai que l’adoption est compliquée, quasi impossible en France et hasardeuse ailleurs, mais si la stérilité était une fatalité autrefois à laquelle nous trouvions des substituts, comment serions-nous capable aujourd’hui de supporter les limites que nous impose la nature? Nous sommes « programmés » pour la toute-puissance!

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