Cyann achève son cycle… en BD. Son créateur, François Bourgeon, montre que les dessinateurs peuvent avoir une conception écologique poussée. Voici sa réponse à cette interrogation : Cyann arrive sur une planète où elle découvre une sorte d’utopie écologique…*
« Il y a le combat politique et le combat écologique. Ils peuvent être liés ou ne pas l’être. En ce qui concerne le combat politique, j’ai toujours une admiration pour les gens qui se battent pour une idée qu’ils croient juste, même s’ils se trompent d’idée, de méthode, de moyen, etc. Mais au moins, ils ont fait un choix. Le combat écologique, c’est autre chose. Depuis 200 ans, on est entré dans ce que les géologues appellent l’anthropocène, un âge géologique que l’on constatait en examinant les carottes de glace polaire, à partir duquel l’homme modifiait la vie sur Terre et le climat. Les humains laissent des traces depuis l’avènement du charbon, des machines à vapeur… Pourquoi a-t-on conservé aussi peu d’armures du Moyen-âge ? Parce qu’il n’était pas question de jeter une armure abîmée : on prenait le métal et on en refaisait une neuve ! Aujourd’hui on fait des câbles électriques par milliers de kilomètres depuis le milieu du XIXe siècle sans les recycler, comme si la terre allait fournir à l’infini du cuivre, de l’acier, du nickel ou des métaux plus rares comme l’uranium qui fournit l’énergie nucléaire.
Nous sommes trop nombreux pour continuer à vivre comme nous avons vécu. C’est un problème sur lequel personne ne travaille réellement, alors que c’est une urgence ! Que ce soit dans dix ans ou dans cent ans, il se posera, et de façon très grave. Il est temps que l’on se préoccupe de notre survie car, finalement, l’univers peut très bien se passe de nous. Nous sommes dans une époque où le capitalisme est international et s’impose à tout. Nous ne sommes pas face à des gens qui se disent : « Il y a un mur en face de nous, il faut que je freine… », mais face à des gens qui se disent « Il ne faut surtout pas que je freine, car mon concurrent risque de passer devant moi et de prendre son bénéfice à ma place… » Ils accélèrent pour aller dans le mur et ils nous emmènent avec eux. Les solutions, je ne les ai pas, mais je suis malade pour mes petits-enfants, pour tous ceux que l’on se permet de mettre au monde alors que l’on ne se préoccupe pas de leur avenir. »
* Zoo numéro 54 (septembre-octobre 2014), propos recueillis par Didier Pasamonik