La pression sur la planète de l’existence humaine se fait au moment de la multiplication des naissances, mais aussi par l’allongement démesurée de notre vie. L’ADMD (droit de mourir dans la dignité) essaye de faire évoluer la législation française en matière de fin de vie. Voici la lettre posthume de Nicole Boucheton, vice-présidente de l’ADMD, exilée en Suisse pour y mourir selon ses idées :
« Je suis atteinte d’un cancer du rectum. Le seul traitement curatif était chimio, tomothérapie puis chirurgie. J’ai refusé la colostomie car trop mutilante…Les médecins ne m’ont donné qu’un seul autre choix, l’hospitalisation pour y pratiquer des soins de confort.
Vous avez dit « liberté » ?
Alors j’ai pris contact avec une association suisse afin d’y pouvoir faire un autre choix, celui d’un départ rapide puisque ma seule issue était la mort. Cela demande beaucoup d’argent : la prise en charge elle-même, le voyage, l’hébergement sur place. Ajoutez à ceci le fait d’être encore capable physiquement de se déplacer.
Vous avez dit « égalité » ?
Lorsque je demandais aux médecins français si je pouvais compter sur une espérance de vie d’un mois et demi, le temps moyen pour régler les problèmes administratifs auprès de l’association suisse, ils m’ont répondu « je ne peux pas vous dire… ça dépend… ». Manque de sincérité, de franchise, de courage.
Vous avez dit « fraternité » ?
C’est en Suisse que j’ai rencontré ces trois valeurs qui sont pourtant celles de la République française. Merci à ce pays juste et compassionnel. Et bien sûr, la solidarité je l’ai rencontrée auprès de mes amis de l’ADMD qui ont tout fait pour faciliter mes démarches.
L’engagement 21 du président Hollande, non tenu, qui s’enlise dans la mise en place de mission et rapports successifs, verra-t-il le jour ? J’aurais aimé en profiter et ne pas avoir à m’exiler en suisse. J’en veux à ce président en qui j’avais confiance. Mais je sais que mes amis militants et les 92 % de Français favorables à une loi de liberté qui permet à chacun de choisir sa fin de vie ne baisseront pas les bras et que la victoire est proche. »
NB : le contenu de l’engagement 21
Je proposerai que toute personne majeure en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable, provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable, et qui ne peut être apaisée, puisse demander, dans des conditions précises et strictes, à bénéficier d’une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité.
Le comité consultatif national d’éthique (CCNE) a présenté le 23 octobre sa synthèse de deux ans de débat public sur la fin de vie. Que dit actuellement la loi ? Elle indique que, pour une personne hors d’état d’exprimer sa volonté, l’arrêt des traitements n’est possible qu’à condition d’avoir respecté une procédure collégiale de réflexion entre médecins, et d’avoir consulté la personne de confiance désignée par le patient, ou, s’il n’en a pas, sa famille, ou à défaut un de ses proches, seules personnes qui peuvent témoigner de la volonté antérieure du patient.
Le député Alain Claey, qui prépare une future loi pour mars 2015, soulève une question. Une décision véritablement collégiale pourrait faire courir « le risque de la dilution de responsabilité » et « être un élément de retard de la prise de décision » d’accompagnement vers la mort. *
(LE MONDE du 25 octobre 2014, Qui doit décider de la fin de vie en dernier ressort ?)