Juste après Alexandre Grothendieck, Serge Moscovici, autre précuseur de l’écologisme, est mort dans la nuit du 15 au 16 novembre 2014. Pourtant il y a peu de choses sur son rôle dans LeMonde.fr du 16 novembre 2014 :« Professeur au département d’anthropologie de Paris-VII, il contribue à faire de la « nature », mot presque tabou racontera-t-il plus tard, un programme de recherches et de politiques : la question naturelle sera, à la suite de la question sociale, l’enjeu du XXIe siècle. » Pour approfondir la pensée de Moscovici,voici quelques extraits de livre :
Serge Moscovici (psychologie des minorités actives, 1979) montre que le conformisme n’est pas le seul guide du comportement. Une minorité peut pousser de nouvelles normes. Ses progrès en matière d’influence sont d’abord invisibles, car c’est dans le domaine privé qu’ils agissent en premier. Pour ne pas paraître déviants, les membres de la majorité ne souhaitent pas afficher publiquement l’intérêt qu’ils portent à ces nouvelles normes. On continue de nommer les choses de la même manière alors qu’elles ont changé par un travail souterrain se jouant au niveau des transcendances. Une première victoire est la normalisation. C’est l’attitude qui revient à reconnaître la minorité dans ses revendications. L’attitude est reconnue, elle n’est plus stigmatisée, voire criminalisée, elle a le droit de s’exprimer ouvertement dans l’espace public. Et puis un beau jour la majorité a changé, elle a adopté les normes impulsées par la minorité. D’où la devise de Guillaume d’Orange : « Il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer ». Dans une société productiviste, installer un ministre de l’environnement ne change rien. C’est la stratégie de long cours, gradualiste ou attentiste, qui importe : travailler auprès des populations pour « conscientiser ».
De la nature, pour penser l’écologie de Serge Moscovici
Serge Moscovici est un des fondateurs du mouvement écologiste en France. Le livre De la nature, pour penser l’écologie est un recueil de textes écrits à différentes dates. Par exemple ce texte publié dansLa Gueule ouverte en 1976, « La conspiration verte » :
« La conspiration rôde autour de nous, colle à notre peau, pollue l’air politique et encrasse les cerveaux. Certains journaux que j’ai rarement entre les mains parce qu’ils me tombent de mains, par exemple le Journal du Dimanche, fournissent les détails d’une conspiration universelle : les mouvements écologiques participent d’une vaste conspiration et en inspirent le plan. Je cite : « Actuellement, on a recensé en France 17 500 associations consacrées à la lutte contre les nuisances. Deux cent cinquante seulement sont politisées. Mais on peut penser que ce n’est qu’un début. Car, là encore, les gauchistes se battent autour de thèmes mobilisateurs comme les centrales nucléaires… ». Lorsque des mouvements sont inclus dans une « conspiration » se profile la sinistre figure de la répression. Si je prends à la lettre l’article que je viens de citer, cela veut dire que les associations en question sont fichées, classées, et leur degré de politisation mesurée. Puisque le fantasme de la conspiration se profile dans la nuit, alors réalisons la conspiration, mais en plein jour. A commencer par une franche rigolade et des fêtes de la conspiration verte (avec les thèmes que l’on devine, « je suis vert de conspiration », « les conspirateurs au vert », « nous sommes tous des conspirateurs verts », etc.) en appliquant la contre-formule : le ridicule tue. Heureusement nous sommes nombreux à penser que la question de la nature se situe au cœur de notre civilisation, que les mouvements qui se sont créés autour d’elle sont un facteur de renouvellement et de contestation sociaux et intellectuels. »
Presque 40 ans après, les écolos sont aujourd’hui* traités de djihadistes verts, Khmers verts, talibans de la même couleur… La couleur de l’avenir n’a pas bonne presse parmi les conservateurs du social-libéralisme !
* M magazine du 14 novembre 2014, L’enfer, c’est les Verts