Le livre de Pablo Servigne « Comment tout peut s’effondrer* » (avec Raphaël Stevens) avait été précédé de la réalisation d’un chapitre du livre « Moins nombreux, plus heureux** ». Voici quelques extraits de son texte « 9 milliards en 2050 ? Pas si sûr »
Si aucune politique de contrôle de la natalité n’est mise en place rapidement, combien serons-nous en 2050 ? Vous connaissez sûrement la réponse, elle est sur toutes les lèvres et s’invite à tous les débats : 9 milliards selon l’ONU. Pour les agronomes, ce chiffre est la justification ultime qu’il faut continuer à intensifier l’agriculture. Pour les politiciens et les urbanistes, c’est l’argument-massue pour commander la construction d’aménagements et d’infrastructures gigantesques. Pour les économistes, c’est l’espoir d’une croissance sans cesse renouvelée. Mais, aussi surprenant que cela puisse paraître, ce chiffre de 9 milliards est issu d’un modèle de prévision démographique basé sur des hypothèses déconnectées du réel, pour ne pas dire farfelues. Nous verrons que les prévisions changent radicalement si l’on revient sur terre…
Comment se créé la richesse ? Comment fonctionne l’économie ? Grâce à l’énergie qu’on y injecte. Des chercheurs étasuniens ont montré qu’il y a une corrélation étroite entre le taux de croissance d’une population humaine et sa consommation énergétique : plus on consomme d’énergie, plus la population ne cesse de croître. Les chercheurs se sont amusés à calculer la puissance qu’il faudrait consommer (par personne) pour que la population se stabilise selon les prévisions de l’ONU. L’extrapolation donne, à condition d’une égale répartition, 13 kW par personne ! Soit une puissance qui n’est disponible qu’à de très hauts niveaux d’exploitation industrielle. Or, la terre ne dispose pas d’une telle quantité d’énergie. La terre ne pourrait pas offrir à l’humanité un confort matériel qui lui permette de stabiliser sa population. Autrement dit, il n’y aurait pas assez d’énergie pour amorcer une transition démographique dans tous les pays. L’ONU se base sur l’hypothèse d’une disponibilité infinie en énergie et en matières premières. Mais, dans le vrai monde, la terre est finie et ses ressources limitées. Au moindre choc l’équilibre instable est rompu et toutes les prévisions de l’ONU deviennent instantanément fausses.
Le modèle World3 de l’équipe Meadows (aussi appelé Rapport au Club de Rome) avait modélisé en 1972 qu’un « effondrement incontrôlé » de la population mondiale surviendrait très probablement au cours du 21ième siècle. Selon le scénario « standard », celui où rien n’est fait pour modifier la trajectoire de la société, l’effondrement de la population s’amorcerait aux alentours de 2030, quelques années après un effondrement de l’économie. Or, les données réelles montrent que c’est précisément ce dernier scénario que nous avons suivi depuis 40 ans. L’effondrement n’est pas encore arrivé, mais il ne peut être évité simplement en découvrant une nouvelle source d’énergie miraculeuse ou en développant des technologies vertes. Tout est étroitement lié : population, production, énergie, pollution, rendements agricoles. On ne peut changer la trajectoire du monde qu’en agissant sur tous les paramètres en même temps !
Moins d’énergie, moins d’humains. Voilà le principe de base des futurs calculs démographiques post-effondrement. La question d’un contrôle de la natalité est toujours urgente. Si elle n’est pas traitée, alors se posera très rapidement la question de la mortalité « incontrôlée ».
* Comment tout peut s’effondrer (Petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes)
** Moins nombreux, plus heureux (l’urgence écologique de repenser la démographie)