Le durcissement australien en matière d’immigration

Les guerres du climat avec ses innombrables réfugiés n’a pas encore véritablement commencées que les immigrés arrivent déjà en masse. Harald Welzer dans son livre* a bien décrit le phénomène : « Comme les ressources vitales s’épuisent, il y aura de plus en plus d’hommes qui disposeront de moins en moins de bases pour assurer leur survie. Il est évident que cela entraînera des conflits violents entre ceux qui prétendent boire à la même source en train de se tarir, et il est non moins évident que, dans un proche avenir, on ne pourra plus faire de distinction pertinente entre les réfugiés fuyant la guerre et ceux qui fuient leur environnement. Le XXIe siècle verra non seulement des migrations massives, mais des solutions violentes aux problèmes de réfugiés. La violence a toujours été une option de l’action humaine. Les hommes changent dans leurs perceptions et leurs valeurs, en même temps que leur environnement et sans s’en rendre compte : c’est le phénomène des shifting baselines. »

En tant que membre d’une société dont les normes changent, on ne remarque pas que ses propres normes sont soumises à ce changement, parce qu’on se maintient constamment en accord avec ceux qui vous entourent. On peut parler à ce propos de shifting baselines ou de lignes de références fluctuantes. L’Australie est un bon exemple de ce durcissement en matière d’immigration. Le gouvernement conservateur de Tony Abbott se vante qu’aucun migrant n’ait péri en mer en 2014 et en 2015 : « Pas question, vous ne serez pas chez vous en Australie ». Les migrants arrêtés en mer ont le choix entre retourner dans leur pays d’origine ou être transférés en centre de détention offshore, c’est-à-dire hors du territoire dans des pays partenaires. Là, ils sont retenus indéfiniment le temps que leur dossier de demande d’asile soit étudié. Mais même en cas d’autorisation, ils ne fouleront pas le sol australien. Ils seront au mieux autorisés à s’installer dans ce pays « partenaire ». Canberra met en avant sa volonté de mettre fin au trafic des passeurs. L’opposition travailliste en revanche se fait plus silencieuse : alors qu’elle était encore au pouvoir en 2012, elle s’était elle-même résignée à rouvrir ces camps de détention utilisés entre 2001 et 2007 par le précédent gouvernement conservateur**.

Les commentaires des Internautes montre que l’action des gouvernants est à l’image de la perception « shifting baselines » des citoyens :
Pragmatique : Finalement c’est décidé dans cet article : la Méthode Australienne est mauvaise, elle coûte très cher et ne satisfait même pas Amnesty Internationale. La Méthode européenne repose sur la noyade économiquement avantageuse qui n’entrave pas les Libertés individuelles et de ce fait est parfaitement Amnesty-compatible. Bref tout le monde est content et on ne change surtout rien.
Gros Pierre : Sans doute conviendrait-il d’accueillir les réfugiés dont la vie est menacée – notamment les chrétiens d’orient et les gens qualifiés -… Pour les autres ? Hélas, comme le disait un socialiste en son temps, la France ne peut pas accueillir toutes les misères du monde. Et nous n’avons surtout pas besoin de gens qui jettent les autres à la mer pour des motifs religieux. Oublions donc les arguties juridiques. C’est l’avenir des prochaines générations qui est en jeu. Prenons exemple sur l’Australie.
Un détail : vous tronquez la phrase de M. Rocard: « La France ne peut accueillir toute la misère du monde, mais elle doit en prendre sa part. » ce qui change un tout petit peu le sens. Donc en gros vous voulez vous asseoir sur les droits de l’homme pour protéger votre petit monde de chrétien bien propre? charmant.
@ : L’Australie serait donc « en guerre » contre ses migrants… Imagine-t-on une déclaration semblable en Europe ? Qui oserait la formuler, alors qu’à l’évidence tout le monde l’a en tête ? Nous pensons en termes d’asile et de refuge, mais s’il s’agissait d’invasion ? Ne fait-on pas en effet la guerre aux invasions ? L’arme de l’ennemi n’est-elle pas ici la compassion, subtile et perverse ? Les nations européennes ne seront-elles pas bientôt elles-mêmes des boat-people à la dérive?
+ 1 : Les résultats sont là et incontestables. L’Australie protège mieux ses ressortissants que L’Europe naïve et indécise.
si nos gouvernements ne mettent pas en place ces méthodes, les gens finiront par mettre au pouvoir le FN… l’Europe a le droit de conserver son identité!
Paul : Si nos gouvernements ne mettent pas en place ces méthodes, les gens finiront par mettre au pouvoir le FN… l’Europe a le droit de conserver son identité !
Rougefluo : La solution australienne est une solution, la moins mauvaise, sans mort. Nous faisons les fins de mois de la Tunisie, devenir un territoire d’accueil est à négocier lors du prochain prêt. Quand à l’accueil des migrants en Europe, comme tous les démocrates, j’attends que l’on me fasse voter sur la question.
Parisette : La Libye de Kadhafi nous servait de chien de garde. Il faut favoriser l’émergence d’un pouvoir à Tripoli qui jouera le rôle de la Papouasie. En attendant un contrôle des cotes libyennes ne serait pas d’un coût exorbitant.
Didier Debeque : Mais pourquoi ne pas aller protéger militairement les réfugiés sur place, avant qu’ils ne quittent leurs pays ? Voire intervenir contre les assaillants reconnus comme tels ? Les hommes valent-ils moins que les puits de pétrole ? C’est simpliste mais ce serait s’attaquer au véritable problème plutôt que de culpabiliser sur notre incapacité, réelle ou non, à les accueillir.
Poti : A l’exception des Aborigènes, d’où viennent les « Australiens »? comment sont-ils arrivés sur le sol australien? Et qu’ont fait les « Australiens » en arrivant en Australie de la population qui occupait le continent ?
Frédéric Lagarce : Les australiens étaient des migrants quand ils sont arrivés sur cette terre, ils ont chassé et tué les aborigènes pour s’installer. Ils fuyaient leur pays d’origine pour tenter l’aventure, tout comme ces autres hommes qu’ils repoussent aujourd’hui.

* Harald Welzer, Les guerres du climat (Gallimard, 2009)
** Le Monde.fr, L’Australie évite les naufrages de migrants, mais à quel prix ?
http://lemonde.fr/les-decodeurs/reactions/2015/04/21/l-australie-evite-les-naufrages-de-migrants-a-coup-de-millions-et-de-camps-offshore_4620026_4355770.html

1 réflexion sur “Le durcissement australien en matière d’immigration”

  1. Encore une fois l’on remarque que la difficulté du problème résulte de son ordre de grandeur. S’il n’y avait que 1000 réfugiés par an….
    Nous ne solutionnerons pas ce problème parce qu’il se pose pour des millions de gens, parce qu’il va bientôt se poser pour des dizaines de millions et un peu plus tard pour des centaines de millions.
    Nous en sommes hélas à un point où il n’existe plus de solutions moralement irréprochables et où les solutions économiques (un développement harmonieux des pays d’émigration) est hors de portée. De toute façon la planète Terre ne supporterait pas ce développement à de telles échelles.
    L’ordre de grandeur d’un problème en définit la nature même. La démographie est à la base de nos difficultés.

Les commentaires sont fermés.