Nous traversons la dernière étape de l’exploitation à grande échelle des minéraux. En deux siècles à peine, au terme d’une guerre impitoyable, nous aurons remonté à la surface de la terre un trésor qui avait mis des millions, voire des milliards d’années à se constituer. Le point culminant de cette démence extractive est la décision des compagnies pétrolières d’exploiter certains combustibles non conventionnels comme le gaz de schiste, le pétrole en eaux profondes ou les sables bitumineux.
En 2001, au tout début de l’envolée historique des prix du pétrole, BP avait lancé un nouveau slogan : « Au-delà du pétrole. » Ce leitmotiv avait été perçu comme une évolution qui mettrait un terme à l’ère des combustibles fossiles. Mais le scénario inverse s’est produit : comme les prix du pétrole ont augmenté, les compagnies ont compris qu’elles pouvaient engranger des bénéfices à court terme en exploitant des ressources dont le développement était auparavant trop coûteux. C’est ainsi que le leitmotiv « Au-delà du pétrole » s’est transformé en « Explosons la planète ». Cette stratégie nous piège dans l’économie extractive.
Deux messages essentiels au bien-être humain sont systématiquement laissés de côté. Plus nous extrayons, plus vite nous manquerons de ressources, et si nous continuons à brûler des combustibles fossiles, nous risquons de franchir le seuil d’un changement climatique non linéaire et incontrôlé. Le système économique contemporain est apparemment dépourvue de mécanismes incitant les grandes entreprises à valoriser les avantages à long terme pour nous tous, y compris pour elles-mêmes. Leur raison d’être consiste en effet à maximiser les bénéfices à court terme. De son côté le champ politique est dénué d’une vision du bien commun et ne fait que se plier à la volonté de divers groupes de pression. En coulisse, les dirigeants politiques continuent d’octroyer les permis nécessaires à la poursuite d’opérations minières toujours plus extravagantes, toujours plus nocives. Toutes les tentatives pour prendre des mesures à l’échelle mondiale contre le réchauffement de la planète sont restées lettre morte – à l’image de celles qui se proposaient de libérer l’humanité de sa dépendance vis-à-vis des combustibles fossiles. Le moment est venu de remettre au goût du jour le principe du protocole de Rimini, c’est-à-dire d’imposer un plafond légal qui s’appliquerait à l’exploitation des ressources non renouvelables.
(extraits de la Postface de Karl Wagner : nous pouvons arrêter de piller la planète)
tiré du livre « Nouveau rapport au club de Rome : le grand pillage (comment nous épuisons les ressources de la planète) »
Éditions Les petits matins, 433 pages, 19 euros