La transition écologique, un projet pour les régionales

Nous, les écologistes, nous sommes sûrs de trois choses :
– la croissance physique de nos sociétés va s’arrêter dans un avenir proche
– nous avons altéré la biosphère de manière parfois irréversible
– nous allons vers un avenir très instable avec des chocs de plus en plus rapprochés et violents

La croissance est le problème que nous devons résoudre et non la solution. Les pouvoirs publics, croissancistes, ne pourront agir que sous une très forte pression de la société civile qui doit s’organiser pour cela. On assiste depuis quelques années à un formidable développement des initiatives citoyennes. Il y aurait entre quinze et vingt pour cent de la population qui a fait « un pas de côté » et qui, silencieusement, individuellement et/ou collectivement est en train d’inventer un nouveau mode de vie. Afin de pouvoir faire face à des conditions de vie plus difficiles, ces initiatives anticipent ce que sera la société de demain, beaucoup plus économe en ressources et solidaire localement. Il nous faut donc favoriser le développement des « capabilités collectives ». En faisant ensemble, on se crée des « petits communs ». Il faut décliner cette démarche de renforcement de la résilience sur tous les territoires. Tout va se jouer sur le terrain de l’imagination et des représentations du monde. Nous avons grandement besoin de nouveaux récits transformatifs.

Nous avons les solutions techniques. Par exemple, il est aujourd’hui démontré que des systèmes alternatifs d’agriculture comme l’agroécologie, la permaculture ou la microagriculture bio-intensive, peuvent produire avec beaucoup moins d’énergie des rendements à l’hectare comparables et même supérieurs à l’agriculture industrielle. Ils le font sur de plus petites surfaces, tout en reconstruisant les sols et les écosystèmes, en réduisant les impacts sur le climat et en créant des emplois.
Notre meilleure assurance est d’avoir de bonnes relations avec nos voisins ! Il faut sortir de chez soi et créer des pratiques collectives, ces aptitudes à vivre ensemble que notre société matérialiste et individualiste a méthodiquement et consciencieusement détricotées au cours de ces dernières décennies. Ces compétences sociales sont notre seule vraie garantie de résilience en temps difficiles. A l’échelle locale, il s’agit d’augmenter la capacité des collectivités à se remettre des perturbations systémiques très diverses (alimentation, énergie, relations sociales, choc climatique, santé, mobilité…) qui vont se multiplier.

Que faire dans le cadre d’une campagne électorale pour des élections régionales ?
1. Sans affoler, ni bloquer ; informer, sensibiliser et mobiliser progressivement les citoyens, les forces politiques et le monde économique sur le changement de paradigme en cours, en agissant à tous les niveaux, de la recherche universitaire aux colloques institutionnels, en passant par les médias, les acteurs culturels, l’éducation populaire… Utiliser au mieux l’actualité, par exemple la montée en puissance du débat sur le climat dans le cadre de la COP21.
2. Construire progressivement un changement d’imaginaire, avec un discours positif mais réaliste, ainsi qu’avec des actions concrètes de renforcement de la sobriété, de la solidarité, des relations entre les êtres humains, entre les êtres humains et la nature, entre la ville et la campagne…
3. Sur la base du don et du contre don, renforcer la confiance entre les habitants des territoires. Démontrer concrètement que les liens donnent plus de satisfaction que la surconsommation.
4. Pour ce qui concerne les promoteurs de cette approche, rechercher en permanence et à tous les niveaux, la cohérence individuelle et collective entre les discours et les actes. Favoriser l’exemplarité tout en ayant conscience de ses limites.
5. Repérer les alliés, faciliter l’émergence et l’organisation de réseaux structurés qui partagent ces objectifs de renforcement de l’autonomie individuelle des citoyens et collective des territoires.
6. Renforcer le poids de la société civile active en inventant de nouveaux fonctionnements démocratiques, plus horizontaux directs et participatifs, qui renforcent l’autonomie politique des territoires perçus comme des « biens communs ». Reprendre la main sur le local, là ou on peut agir, pour demain reprendre la main sur le global qui nous a échappé.
7. Favoriser l’expérimentation et la multiplication des initiatives citoyennes remontantes : AMAP, SEL, co-habitats, éco-villages, monnaies locales, jardins partagés, CIGALES, écolieux, recycleries, coopératives d’achat et de production (alimentation, ENR…), coopératives intégrales, universités populaires, réseaux d’échange de savoirs, écoles alternatives, connaissance et protection de la nature, formations à la permaculture, l’agroécologie, l’écoconstruction, la communication non violente, groupes Colibris, groupes Villes et territoires en transition…
8. Faciliter la relocalisation de l’économie, notamment pour ce qui concerne les besoins fondamentaux, en renforçant l’autonomie alimentaire en bio local et l’autonomie en énergie renouvelable coopérative des territoires. Mettre en avant les effets bénéfiques pour la santé et la création d’emplois.
9. Anticiper la violence des réactions des consommateurs frustrés et des lobbies, garder systématiquement une posture distanciée, non violente. Rechercher le compromis et le consensus dans une logique de fermeté sur les principes, et de souplesse dans leur mise en œuvre.
10. Face à un modèle économique néolibéral qui nous mène droit dans le mur, qui provoque de plus en plus de rejets qui sont aujourd’hui principalement « capitalisés » par les nationalistes, il s’agit de favoriser l’émergence et la structuration d’un troisième voie politique humaniste et écologiste, qui donne un cap à la société et la mobilise positivement.
(De notre correspondant Pascal Bourgois)