Beaucoup s’imaginent encore que nous sommes confrontés à une « crise environnementale » qui sera surmontée une fois que nous aurons trouvé les bonnes solutions techniques. En fait nous sommes face à une transformation profonde de cette même biosphère qui a permis notre émergence en tant qu’espèce. Et nous devrons vivre pour les siècles à venir avec les conséquences des transformations que nous aurons provoquées.
Même si nous cessions d’émettre des GES aujourd’hui, le climat continuerait à se transformer pendant des siècles ; l’acidification des océans continuera. Les espèces aquatiques déjà éradiquées ou en cours d’effondrement ne reviendront pas ; les complexes chaînes trophiques ont été trop profondément démantelées ; si nous cessions de pêcher, les océans, après des centaines voire des milliers d’années, retrouveraient une biomasse fort différente de celle d’aujourd’hui. On peut dire la même chose des écosystèmes terrestres, les espèces disparues ne reviendront pas. La comparaison entre la biomasse des vertébrés et la biomasse humaine (+ élevage) est frappante. Il y a 10 000 ans la biomasse humaine rapportée à celle des vertébrés représentait moins de 1/1000ème, aujourd’hui, en y ajoutant l’élevage, elle représente plus de 97 %. L’impact sur la biodiversité est colossal. La biosphère atteindra un nouvel équilibre dont rien nous dit qu’il serait favorable à l’espèce humaine. Et je ne parle pas de certaines pollutions ou de la radioactivité qui vont rester des milliers d’années.
C’est en cela qu’il faut parler d’irréversibilité. Qu’on le veuille ou non, le monde encore relativement peu pollué et où la vie était diversifiée et abondante, dans lequel certains d’entre nous ont passé leur enfance, les années 1950 et 60, ne reviendra pas. Nous sommes condamnés à gérer les conséquences de nos actes (ce qui inclue notre nombre) à travers des ajustements toujours précaires et périlleux avec « l’environnement ».
(un de nos correspondants, Philippe)
Dominique Bourg dit très justement : » Ce n’est pas une crise, nous sommes en train de changer de planète ».
Il a raison, ajoutons qu’il laisse entendre et à mon avis, là aussi à juste titre, que la nouvelle sera beaucoup moins accueillante.