Je pense depuis plusieurs années que nous allons vers des krachs écologiques. J’essaye avec mes faibles forces d’aider à une prise de conscience. Mon site biosphere.ouvaton.org s’efforce de donner des informations accessibles à la fois aux amoureux de la nature et aux objecteurs de croissance qui mènent le même combat sans en avoir souvent conscience. J’ai ajouté depuis début 2008 une critique quotidienne des informations véhiculées par Le Monde sur mon blog. Je ne peux qu’être satisfait de trouver dans l’éditorial du Monde du 9 janvier la prise en compte de mes préoccupations :
« Il est urgent de rebattre les cartes du monde dans le sens de la sauvegarde de notre écosystème naturel et humain… Défenseur du capital naturel, Pavan Sukhdev réfléchit aux moyens de garantir la sécurité écologique en réduisant l’impact de l’activité humaine sur les ressources naturelles et leur pérennité… Conjuguer l’économie et l’écologie, consommer autrement, partager et préserver ; ce sont là les bases d’un nouvel ordre mondial qui reste à établir… Des dizaines, des centaines de milliards de dollars devront être débloqués pour éviter une crise écologique majeure qui dévasterait nos sociétés à coups de sécheresses et d’inondations, de paupérisations urbaines et de migrations dramatiques qui viendraient s’ajouter aux famines, aux épidémies et forcément aux guerres pour le contrôle des ressources… Bien des civilisations n’ont pas survécu à des épisodes écologiques meurtriers… Le respect des forces naturelles, la recherche de l’équilibre entre l’homme et la terre-mère si éloignée de nos valeurs auraient pu être le frein nécessaire au progrès technique occidental ».
Je retrouve là tous mes thèmes d’inquiétudes, et même ma devise selon laquelle il faut pratiquer la pédagogie de la catastrophe, sinon c’est la catastrophe qui servira de pédagogie: « Si les troubles qui nous vivons conduisaient à une prise de conscience universelle, on pourrait alors estimer que la crise survenue à l’automne aura été bénéfique et, pourquoi pas, salutaire ». Malheureusement une expression vient gâcher mon complet accord avec cet éditorial, « Il reste à imaginer une croissance… » ! Comme si la croissance que nous avons connue jusqu’à présent n’avait pas mis notre planète au pillage. Comme s’il pouvait exister une croissance vertueuse ! Comme si une évolution « plus économe et plus autonome » comme le voudrait cet éditorial n’était pas l’exact contraire de la croissance économique ! Comme si un article qui ferait l’impasse sur l’idée de croissance serait une faute contre le bon sens ! Comme si on voulait encore nier que c’est l’imaginaire progressiste qui nous a conduit à l’impasse actuelle !
Bien entendu, il ne faut pas tomber dans l’opposition stérile croissance/décroissance. Croissance n’est pas un mot tabou, tout dépend de ce qui croît, sur quelle période, et pour quelle finalité. Décroissance n’est pas un mot tabou. C’est pourquoi on peut prôner à la fois la décroissance des inégalités et la croissance du bien-être généralisé, la décroissance de la morosité et l’ouverture vers un avenir durable, la décroissance de nos besoins illimités et l’augmentation de notre humilité, la décroissance de notre impact sur la planète et l’amélioration de nos relations sociales. Nous pouvons à la fois manger moins de viande et acheter plus de produits locaux. Ne soyons pas réducteurs, ne laissons pas les économistes confisquer le mot richesse et l’assimiler au Produit intérieur brut. Le PIB est devenu un mauvais indicateur, il ne doit pas être sacralisé. La volonté de croissance économique doit faire place au sens des limites, il faut réinventer l’avenir en changeant des valeurs soumises à l’emprise de la révolution industrielle. Il faut donner du sens à la réalité de la terre-mère…