1/3) Laurence Blisson (secrétaire générale du syndicat de la magistrature)
L’état d’urgence est un régime juridique d’exception qui confie à l’exécutif des pouvoirs exorbitants. Son objet est de lutter contre le terrorisme, mais les dérives sont manifestes. Dans le cadre de la COP21, l’exécutif s’est perçu comme légitime à assigner à résidence des militants écologistes, en raison du risque supposé de «trouble à l’ordre public». Ces atteintes aux libertés témoignent d’une volonté absolue d’empêcher le débat démocratique dans l’espace public, d’empêcher toute contestation politique pendant la COP21. La lutte anti-terroriste sert à criminaliser les mouvements sociaux. La qualification juridique de «terrorisme» est très large en droit français : actes de dégradation, des infractions… elle pourrait viser des mouvements comme les bonnets rouges. Il n’est pas absurde de penser que ces pouvoirs de restreindre la liberté d’expression pourraient être utilisés à l’encontre de tous ceux qui remettent radicalement en cause les structures sociales. Or les atteintes aux libertés en démocratie ne sont acceptables que si elles sont assorties de garanties pour les citoyens. Nous devons mener un déminage idéologique contre les idées fausses du discours sécuritaire.
2/3) Muriel Ruef (avocate qui défend des militants écologistes assignés à résidence lors de la COP21)
Prenons le cas de Monsieur X. Il avait décidé d’attaquer devant le tribunal administratif l’arrêté du préfet de police de Paris interdisant de manifester lors de la COP21. Non seulement le tribunal a débouté sa demande, mais quelques heurs plus tard Monsieur X était assigné à résidence. Il devait pointer trois fois par jour au commissariat, et rester chez lui entre 20 heures et six heures du matin. La loi indique que la seule chose à prouver, ce sont «des raisons sérieuses de penser que le comportement de l’individu constitue une menace pour la sécurité et l’ordre public». Cela revient à museler tout projet de manifestation avant même qu’il y ait passage à l’acte. L’ancien texte, qui s’appliquait avant le 15 novembre dernier, disait seulement qu’il fallait que «l’activité de l’individu s’avère dangereuse pour la sécurité et l’ordre public». Monsieur X n’était accusé d’aucun délit, son casier judiciaire était vierge, et il n’avait jamais connu de garde à vue. C’est son seul militantisme qui l’a conduit sous le régime de l’assignation à résidence.
3/3) Jean-Baptiste Libouban (initiateur de mouvement des faucheurs volontaires d’OGM)
Benjamin Franklin disait : «Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux.» La répression des militants écologiste à l’occasion de la COP21 porte atteinte à l’esprit du vivre ensemble. La présomption d’innocence a disparu avec les assignations à résidence, prononcées sans jugement. Un militant qui n’a encore commis aucun acte devient suspect, et peut être enfermé par précaution ! Ce que veut le pouvoir, c’est le consentement à la soumission. Il profite des attentats odieux commis à Paris par des terroristes pour manipuler l’opinion… Nous sommes confrontés aux premières crises d’agonie d’un monde qui n’est pas tenable, qui a bouffé les ressources, pollué, exploité l’homme et la nature. Ceux qui se lèvent contre tout ce qui va à l’encontre du bien de la terre et de l’homme, ceux-là ont une espérance.
(résumé du dossier p.14-15 in La Décroissance n°125, février 2016 (la décroissance peut-elle être criminalisée ? ))
C’est le sort de ceux qui ont raison les premiers, ils ne sont reconnus que longtemps après, regardez Giordano Bruno, aujourd’hui il a sa statue à Rome et Galilée est dans l’Histoire.