En lieu et place d’une économie « linéaire » qui, d’un même mouvement épuise les ressources et accumule les déchets, c’est vers une économie « circulaire » (selon l’appellation germanique) qu’il faut s’orienter, en cherchant à rapprocher nos écosystèmes industriels du fonctionnement quasi cyclique des écosystèmes naturels. L’ambition industrielle s’inverse : elle ne consiste pas à produire pour produire, mais à réduire, récupérer, réutiliser, re-fabriquer et recycler les productions. Il y a transformation des déchets en ressources et les matières utilisées en matières premières. Au critère de l’intensité productive et marchande, l’économie circulaire substitue son propre régulateur, celui de la durabilité.
L’économie circulaire trouve un puissant allié avec « l’économie de fonctionnalité ». Celui-ci n’implique pas un changement direct des techniques de production. Elle consiste à substituer la vente de l’usage ou de la fonction d’un bien à la vente du bien lui-même. En louant un bien ou en vendant son usage, on n’associe plus le flux financier au renouvellement des objets, mais à leur durabilité. Les produits doivent donc être conçus pour durer. Qu’adviendrait-il du secteur automobile si les industriels se convertissaient massivement à l’économie de fonctionnalité ? En d’autres termes, s’il devenait impossible d’acheter une voiture, si l’on pouvait seulement la louer ? Les voitures devraient être conçues pour durer. De plus il n’y aurait plus d’effet rebond : les innovations comme une moindre consommation ou une moindre pollution ne seront plus annulés par la croissance du trafic et l’augmentation de la taille des véhicules.
Ce n’est pas tant de produits nouveaux plus propres, plus écologiques, moins énergivores, dont nous avons besoin dans la mesure où leur effet positif risque d’être annihilé par la tendance lourde à leur multiplication. Si nous voulons sortir de la contradiction production/dégradation, il nous faut disposer de davantage de biens recyclables, réutilisables, récupérables, valorisables ou biodégradables. Le cycle de vie des produits doit être entièrement repensé et la prise en compte de la durabilité devient la règle industrielle n° 1. A l’évidence le marché n’accomplira pas spontanément la mutation vers l’économie circulaire et l’économie de fonctionnalité. Il faut donc que la puissance publique s’engage résolument dans la mise en place coordonnée de ces systèmes. Ouvrir ce chantier, l’encadrer, le planifier et le mener à son terme n’ira pas sans imposer des contraintes réglementaires.
Source : Le pacte écologique de Nicolas Hulot (avec le Comité de veille écologique)
Editions calmann-lévy 2006