Amory Lovins fut un des premiers scientifiques à s’intéresser à l’écologie comme science globale. Dès 1982, il créa avec d’autres experts le Rocky Mountain Institute, un centre de recherches installé dans le Colorado. Amory Lovins a aussi lancé en 1989 le concept de négawatts : il faudrait réduire sa consommation d’énergie grâce à un comportement sobre et responsable. Les bâtiments dans lesquels est installée leur équipe sont par exemple totalement autosuffisants en énergie. Dans LeMonde du 10-11 mai 2009, Amory Lovins propose d’aller plus loin avec l’adoption en France du concept de capitalisme « naturel ». Le capitalisme traditionnel n’attribue de valeur qu’au capital technique et aux hommes, mais ignore la valeur de la nature. Or les hommes et le capital sont devenus surabondants alors que la nature est devenue rare. L’hypothèse d’une substitution entre facteurs économiques (moyens de production et main d’œuvre) et facteurs biologiques ne peut plus avoir cours. Ainsi, il n’existe pas de technologie ou d’investissements qui puissent se substituer à un climat stable ou à une biosphère productive.
Amory Lovins critique donc implicitement l’approche promulguée par la Banque mondiale et l’OCDE de la soutenabilité dite faible : on suppose la substitution toujours possible entre capital humain, capital manufacturier et capital naturel. Ainsi, si l’une des composantes baisse, une autre pourra toujours compenser le manque. Cette conception repose sur une confiance aveugle dans un progrès technique qui pourrait toujours compenser la déperdition irréversible des ressources naturelles non renouvelables. C’est donc une croyance religieuse parmi d’autres. Mais l’idée d’un « capitalisme naturel » est aussi une croyance. La propriété privée des moyens de production a eu son heure de gloire, c’est terminé : la Nature ne supporte aucun propriétaire exclusif, mais des colocataires humains et non-humains. Il faudra pourtant attendre l’effondrement de la société thermo-industrielle pour que nous nous rendions compte collectivement de la primauté des contraintes écologiques et de l’inefficacité du capitalisme…
Jean, ton interrogation est ancienne :
« Les flux retracés et mesurés par l’économiste doivent être reconnus comme dérivations entées sur les circuits de la Nature. Ceci est nécessaire puisque nous ne pouvons plus considérer l’activité humaine comme une chétive agitation à la surface de la terre incapable d’affecter notre demeure. Comme notre pouvoir sur les facteurs naturels s’accroît, il devient prudent de les considérer comme un capital. Parce que la Comptabilité Nationale est fondée sur les transactions financières, elle compte pour rien la Nature à laquelle nous ne devons rien en fait de payement financier, mais à laquelle nous devons tout en fait de moyens d’existence. » In Arcadie, essai sur le mieux vivre de Bertrand de JOUVENEL (1968)
Aujourd’hui les grandes entreprises doivent fournir un bilan environnemental dans leurs comptes. C’est du vent. De toute façon la Nature n’a pas de prix, notre planète n’est pas un système libéral, elle ne marchande pas.
Je découvre aujourd’hui votre blog : passionnant.
Je suppose que cela va vous faire sauter au plafond, mais… la mesure conditionnant la régulation, ne s’agirait il pas pour nos entreprises (ou nos sociétés), d’avoir une sorte de comptabilité « en partie triple » (ne suis pas certain que ce soit le terme approprié) permettant d’ajouter l’étage du « capital naturel » en plus du capital financier, comme actifs permettant l’activité. Cela pose naturellement la question de la valorisation de ces ressources naturelles.
c’est de l’anthropocentrisme de valoriser la force de travail alors que celle-ci ne peut survivre que si les écosystèmes (le reste de la nature) le permettent en apportant nourriture et autres élements nécessaires à l’activité humaine.
Mais peut-être ai-je mal compris le commentaire du mélèze…
Une telle conception est deja dans Marx sous la forme du prix de la force de travail tout aussi naturelle que le reste de la nature. C’est du biologisme de séparer dans l’ensemble de la nature le non humain de l’humain.