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Des différences significatives entre un maïs OGM et son équivalent non modifié ne sont pas prises en compte dans les évaluations du risque conduites par les autorités sanitaires. De fait, l’autorisation des OGM est basée sur un présupposé : le « principe d’équivalence en substance ». Ce principe, controversé, implique que, si un produit est considéré comme substantiellement équivalent à l’organisme à partir duquel il a été fabriqué, aucune étude poussée n’est nécessaire avant sa mise sur le marché. « Les OGM ne sont alors pas testés de manière approfondie avant leur commercialisation, comme il est d’usage de le faire pour de nouveaux médicaments ou de nouveaux additifs alimentaires. Pourtant un OGM n’a pas, en descendant à l’échelle moléculaire, la même composition que son équivalent non modifié. « De nombreuses molécules – protéines, vitamines, antioxydants – présentes en quantités différentes entre la plante OGM et non OGM,. Et certaines de ces molécules sont connues pour avoir des effets toxiques ou bénéfiques sur la santé… La création des OGM est faite à l’aveugle. » Michel Sourrouille a eu en 2011 tout un échange sur les OGM dont voici ce qui concerne l’équivalence en substance.
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Michel Sourrouille : Croire que la technique (pas seulement génétique) pourra indéfiniment résoudre les problèmes créés par la technique (y compris génétique) est un acte de foi, comme l’Homme à l’image de Dieu. Il nous semble que les semences paysannes, au plus près du terrain et des femmes, sont plus adaptées que des techniques centralisées oeuvrant pour le profit. Prenons maintenant un point de vue spécifiquement technique, l’équivalence en substance. Hervé Kempf écrit : « En 1986 sous Ronald Reagan, l’administration élabore un ensemble de règles qui pose le principe qu’il faut évaluer les risques du produit final et non de la technique utilisée. Ce principe dit d’équivalence en substance est crucial : il établit que, si un OGM n’a pas une composition chimique substantiellement différente de l’organisme dont il est dérivé, il n’y a pas besoin de le tester, comme on le fait normalement pour de nouveaux médicaments ou de nouveaux additifs alimentaires, pas plus que de l’étiqueter. Le coût d’autorisation d’un OGM devient moindre que celui d’un dossier d’autorisation de pesticide. (La guerre secrète des OGM – Seuil, 2003) »
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Alain Deshayes : L’équivalence en substance est une question scientifique : Si la composition des deux plantes (la plante d’origine d’une part et la même plante avec un gène supplémentaire) sont comparables, à la différence près de la protéine produite par le gène introduit, pourquoi y aurait-il un risque lié à la plante génétiquement modifiée ? Et donc, pourquoi y aurait-il une restriction à sa culture et à sa consommation par l’animal ou l’homme ? J’ai participé à plusieurs congrès aux Etats-Unis sur ce sujet, et après de nombreuses discussions, un consensus s’est établi pour dire que l’équivalence en substance de deux plantes ne justifiait pas qu’une réglementation spécifique soit appliquée à l’une d’entre elle. Je crois me souvenir que la décision de l’administration étatsunienne sur le principe d’équivalence a été prise en 1995. Le principe d’équivalence suppose des analyses portant sur la composition chimique du produit. Par contre, dès 1985 (année d’obtention de la première plante génétiquement modifié, il faudra attendre 1987 pour la première expérimentation au champ) les scientifiques considéraient effectivement, qu’un produit, quel qu’il soit, ne devait pas être jugé sur la base de la technologie qui avait été utilisée pour le produire. Nous avions en effet l’expérience des controverses récentes sur les produits alimentaires qui avaient été stérilisés par irradiation aux rayons gamma et c’est cette logique qui a amené l’administration US à la position sur l’équivalence en substance. Ceci étant, il y a une limite au concept d’équivalence lorsqu’il s’agit de plantes tolérantes à un herbicide ou à un insecticide : faut-il analyser la plante génétiquement modifiée sans que le pesticide ait été appliqué préalablement ou bien faut-il analyser la plante qui a été cultivée en condition agronomique, donc qui a subit un traitement pesticide ? La réalité est que c’est la plante sans application de pesticide qui est analysée. Il y a là une anomalie que nous reconnaissons volontiers.
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Michel Sourrouille : Avec l’équivalence en substance, il y a effacement des frontières entre génie génétique et sélection génétique classique, affirmation partisane en faveur du génie génétique. La toxicité des aliments OGM ne peut être prédite à partir de leur composition. Le concept d’équivalence en substance est directement dérivé des modes de pensée de la science moderne. Ceux-ci sont basés sur un réductionnisme rationaliste dans lequel l’objectivation joue un rôle prédominant. Cette approche s’est avérée à la fois opérationnelle et productive mais le résultat en est que la substance, et non le processus, est devenu le principal et souvent le seul axe d’étude de la science moderne. En d’autres termes, le concept d’équivalence en substance s’adresse aux aliments considérés hors de leur contexte, abstraction faite de la façon dont ils ont été produits et conduits jusqu’au consommateur en fin de parcours. pays d’origine du produit alimentaire, les méthodes agricoles de production, le mode de récolte, les méthodes de conservation et de transformation des aliments, etc. En d’autres termes, l’impact environnemental des filières agroalimentaires devrait être évalué à tous les niveaux du processus, de sorte qu’un bilan environnemental global puisse être établi.
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* LE MONDE du 20/12/2016, L’évaluation de la toxicité des plantes transgéniques remise en cause
2 réflexions sur “équivalence en substance des OGM, manipulation du réel”
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Bonjour
Face à la méfiance à l’égard des OGM, cette notion » d’équivalence » n’est-elle pas simplement un tour de passe-passe pour nous amener à croire, dans un premier temps, que l’OGM n’est guère différent de » l’original » ?
Ensuite il suffit d’autres tours de ce genre pour nous faire croire que les traitements associés n’ont pas de conséquences néfastes, ou que tout est fait pour les minimiser, les contrôler etc.
Quoi qu’il en soit, comme dit Didier Barthès , » Si elles étaient totalement équivalentes, on se demande bien pourquoi on aurait mis les OGM au point. »
On connait tout de même la finalité des OGM : Rendre des plantes plus résistantes, aux maladies, aux insectes, à certains pesticides… également en rendre certaines moins « gourmandes » en eau. Sur des animaux, il s’agit notamment d’accélérer leur croissance. Bref, effectivement la finalité affichée est d’augmenter les productivités. Quand on ne nous dit pas que c’est pour aussi, augmenter la qualité …
Augmenter les productivités, alors que par exemple pour les céréales, les plus hauts rendements ne sont pas nécessairement obtenus grâce à des OGM.
Augmenter les productivités, pour soit-disant nourrir les 9 et 11 milliards de demain…
Le véritable intérêt semble en tous cas se limiter à certains, à une poignée… ceux qui en tirent un profit énorme. Et nous les connaissons.
Faire un max de profit, notamment sur le dos des agriculteurs, désormais pieds et poings liés aux marchands de semences et de pesticides qui « vont bien ».
Et ceci malgré tous les risques que nous pouvons imaginer.
Si elles étaient totalement équivalentes, on se demande bien pourquoi on aurait mis les OGM au point.
En réalité ce débat sur l’équivalence manque un point essentiel, les OGM ont notamment été développées pour produire des plantes susceptibles de résister à tous les traitements chimiques qu’on leur impose. Les poisons qu’on déverse pour se débarrasser des insectes et plantes considérés comme nuisibles sont tellement nombreux et violents que même nos « bonnes plantes » ne s’en remettraient pas sans ce travail préalable sur leurs gènes.
En mangeant des OGM nous consommons donc aussi des plantes qui ont été plus fortement traitées, aspergées, arrosées, abreuvées de poisons divers, c’est une première folie.
La seconde folie est d’ordre plus général.
D’une façon ou d’une autre, que se soit en terme de productivité directe ou via une plus forte résistance aux nuisibles (pardon de l’utilisation de ce terme que, par ailleurs, je réprouve) ainsi qu’ aux traitements éliminant les dit nuisibles, le but ultime des OGM est toujours de produire plus pour nourrir une population toujours plus nombreuse.
Jusqu’à quand ? Jusqu’à quelle folie ? Qui dénoncera cette fuite en avant, il faut produire moins au contraire, il faut nourrir moins de gens, c’est à dire que nous devons réduire notre fécondité pour pouvoir se le permettre faute de quoi nous serons éternellement poussés au toujours plus sans aucune voie de sortie.
Les OGM sont un terrible poison car elles sont l’instrument de notre fuite en avant de notre irrespect des limites, de notre surdité aux équilibres du monde.