Un livre vient de sortir, « Le choix du pire *», co-écrit par Corinne Lepage qui a été une présidentiable de centre-droit en 2002 et Dominique Bourg, vice-président de la Fondation Nicolas Hulot. Leur regard extérieur sur les Verts devrait faire réfléchir les membres d’EELV :
D.B. – Ce mouvement large et profond qu’est l’écologie ne connaît aucune expression politique digne de ce nom, c’est-à-dire à la hauteur du défi. Les Verts ont le plus souvent adopté une approche technocratique (quand ils s’intéressent encore à l’écologie). Parfois même, les questions écologiques disparaissent de leur réflexion au profit des seules questions liées au droit des minorités. A quoi s’ajoute, tout particulièrement en France, des querelles intestines byzantines et le carriérisme décomplexé des leaders nationaux, ce qui ne fait guère justice à l’engagement écologique authentique de nombreux élus locaux.
C.L. – Ce constat est désolant à tous les niveaux, d’abord et surtout pour tous ceux qui font de l’écologie depuis des décennies et qui doivent endosser l’opprobre des Verts politiques qui ternissent leur travail, dans un contexte où il leur est souvent difficile de faire accepter la démarche écologique. Non seulement les Verts – à quelques exceptions près – n’ont rien fait de concret pour l’écologie, mais ils sont tellement honnis qu’ils obèrent la possibilité de construire un vrai mouvement d’écologie politique !
D.B. – Même si les Verts comptent quelques personnalités intéressantes, sur le plan national, ils ont plutôt détruit le capital symbolique de l’écologie politique. La sensibilité écologique, relativement diffuse en France, n’a pas trouvé d’expression politique visible et claire.
C.L. – Quant à faire de la politique autrement, l’exemple n’en a certainement pas été donné par les Verts, qui ont versé dans ce que l’on peut faire de pire, qu’il s’agisse de politique politicienne, de haines internes et de piétinement des convictions pour capter des prébendes. L’éviction récente comme candidate à la présidentielle Cécile Duflot, qui est évidemment un camouflet violent contre ce que d’aucuns appellent « la firme », constitue indéniablement une très bonne nouvelle pour l’écologie.
Commentaire : Il est difficile, quand on appartient à un groupe constitué, d’avoir une approche objective ; l’alignement sur la ligne potlique devient une abdication partagée. En effet, la capacité d’un raisonnement personnel devient négligeable quand on se retrouve dans un milieu partisan, où la pression sociale tend à l’homogénéisation des comportements. Il y a « interaction spéculaire », les autres sont le miroir dans lequel nous retrouvons notre propre attitude. La capacité d’avoir une action éthique ou raisonnée est de 100 % quand une personne est en situation de pouvoir juger personnellement. Elle n’est que de 50 % lorsqu’on se retrouve confronté aux attitudes d’une autre personne, la conscience de soi est divisée par deux. Alors dans un groupe plus étendu, on se contente de faire confiance à un leader d’opinion. Il faut acquérir une capacité de mise à distance de son propre contexte mental, il faut s’entraîner pour déteminer de façon rationnelle où se trouve véritablement la recherche du bien commun, il faut apprendre à désobéir à l’inacceptable. Comme l’écrivait Yves Cochet, « Le discours sur l’effondrement ne peut être tenu par les responsables économiques et politiques, qui, à la place qu’ils occupent, sont soumis aux contraintes de l’interaction spéculaire (ndlr : spéculaire, relatif au miroir). Ni par les responsables économiques parce qu’ils n’ont d’autre horizon que la rentabilité de leur entreprise. Ni par les responsables politiques parce qu’ils n’ont d’autre horizon que leur prochaine réélection et la concurrence féroce pour les places de pouvoir dans les institutions. Le déni de la crise environnementale n’est donc pas dans la tête de chacun en tant qu’il serait un être déraisonnable ou insuffisamment informé, c’est un effet de système qui émerge de la combinatoire spéculaire. Le rapport à la vérité n’est pas d’ordre rationnel, il est d’ordre social. On ne peut avoir raison tout seul, Galilée en sait quelque chose. »**
* Le choix du pire (De la planète aux urnes) aux éditions puf, 258 pages pour 15 euros
** Antimanuel d’écologie aux éditions Bréal