La loi du 28 juin 2006 « relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs » considère que le stockage réversible en couche géologique profonde est la panacée, les autres solutions reposant sur des prouesses technologiques incertaines. De 1991 à 2006, on devait tester trois axes, la transmutation, l’entreposage de longue durée en sub-surface et le stockage en profondeur. L’option alternative d’un « entreposage de longue durée en surface » a fini aux oubliettes. La transmutation reste du domaine des utopies technologiques. Dire que la loi Bataille de 1990 prévoyait qu’en 2006 tout serait résolu par la loi !!! Nous avions écrit cela sur notre blog le 18 décembre 2007. Il faut attendre juin 2008 pour que le ministère de l’écologie lance un appel à candidatures « afin d’identifier les sites volontaires » pour accueillir un centre de stockage de déchets radioactifs. Le rapport Roussely juge encore en 2010 « indispensable que l’Andra (agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs) définisse de façon urgente la planification concernant le centre de stockage profond (à 500 mètres sous terre dans la région de Bure). En janvier 2011 le député Christian Bataille, dans un rapport de l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, se fâche : « La gestion des déchets nucléaires est une chose trop sérieuse pour la confier à leurs producteurs (…) Au nom de la rentabilité à court terme, les industriels (EDF, Areva, Commissariat à l’énergie atomique) remettent en cause la conduite par l’Andra du projet de stockage géologique. » Nous sommes en 2017 et rien n’est encore assuré quant à l’avenir des déchets nucléaires. Les études devront encore se poursuivre pour caractériser les capacités de confinement de la roche .
« On voit mal comment le projet du Centre industriel de stockage géologique (Cigéo) des déchets les plus radioactifs pourrait être conduit dans les délais prévus. »* Il s’agit de matières à haute activité et à vie longue – des dizaines, pour certaines des centaines de milliers d’années. Aucun pays n’a encore mis en œuvre le stockage géologique. Les rares expériences approchantes ont mal tourné, en Allemagne ou aux États-Unis. Les déchets de la filière nucléaire restent, en l’état actuel de la science et de la technologie, son talon d’Achille. L’industrie nucléaire poursuit benoîtement ses activités alors qu’elle devrait les interrompre immédiatement tant qu’une solution aux problèmes des déchets n’est pas trouvée.
La Biosphère fonctionne selon des processus de recyclage, les humains ont abandonné cette réalité pour ne s’intéresser ni à la pérennité des ressources naturelles nécessaires à leur activité, ni à la gestion des déchets. Une activité humaine qui ne tient pas compte du cycle de vie du produit (de la ressource à la maîtrise des déchets) n’est pas une activité raisonnable… D’autant plus qu’envisager une gestion des déchets sur des siècles est une imposture, on sait que les sociétés humaines sont essentiellement fragiles sur le long terme. En un siècle passé, qu’a déjà connu la France ? Deux guerres mondiales, plusieurs chocs pétroliers, des crises financières… Comment répondre de la sécurité du Cigéo dans le siècle qui vient, alors que les menaces d’effondrement de notre civilisation thermo-industrielle se précisent (réchauffement climatique, blocage énergétique…) ? Le nucléaire n’est pas une filière d’avenir, c’est un avenir d’insécurité ; il y a de fortes chances que les déchets soient laissés à l’air libre, sans que les générations futures aient les moyens de s’en occuper. Le choix du nucléaire était une entourloupe ! Une seule solution, la sortie programmée du nucléaire…
* LE MONDE du 2 mars 2017, Déchets nucléaires, l’impasse