Quand des dirigeants amènent un groupe social au désastre, il faut leur montrer le chemin de la sortie. Il en est de même pour un pays, une entreprise ou un parti politique. Prenons l’exemple d’EELV , Europe Écologie Les Verts. En novembre 2011, un accord programmatique avait été signé entre les socialistes et EELV. Il y avait eu un travail de fond mais sans aucune garantie sur le dispositif d’application. Il fallait une confiance entre partenaires au beau fixe et que cela dure cinq ans. Avec un PS productiviste et anti-écolo, c’était perdu d’avance. Le résultat, c’est qu’EELV a perdu en crédibilité, d’autant plus que le seul message visible pour les électeurs a été l’obtention de groupes parlementaires, c’est-à-dire la course aux postes, l’appât du gain. L’alliance avec les socialistes n’a pas permis un réel enracinement institutionnel, tout au contraire avec l’échec des élections locales suivantes. L’exemple de 2011 montre que la reconduite d’un tel processus (accord électoral avec le PS) devait être considéré par avance comme une véritable erreur stratégique. C’est ce qu’a acté le congrès de Pantin avait comme orientation l’autonomie d’EELV pour les élections de 2017. Les dirigeants ont occulté cette réalité pour que le parti change au dernier moment d’orientation pour 2017. Après le ralliement du présidentiable Jadot, le socialiste Hamon pérore : « Je suis désormais le candidat de l’écologie politique. » Cécile Duflot renchérit : « Benoît Hamon est désormais notre candidat écologiste à la présidentielle. » Elle a tout fait pour qu’il en soit ainsi, la vente du label écolo pour un plat de lentilles. Cécile Duflot se voit déjà gagnante, elle a obtenu sa ré-investiture sur la 6e circonscription de Paris.
Le Bureau Exécutif d’EELV avait organisé à la sauvette deux référendums successifs avec des questions biaisées et un périmètre d’électeurs non conforme. Les écolos ont contesté à juste titre le référendum Valls sur l’aéroport NDLL, ils font le même tripatouillage, le temps de la réflexion en moins. Aveuglés par un rassemblement Hamon/Mélenchon/Jadot et la liaison Ecologie/Gauche+, les votants issus de la primaire n’ont même pas réfléchi deux secondes aux conséquences possibles alors que les conditions politiques d’un tel accord étaient bien moins favorables qu’en 2011. Laissant de côté Mélenchon, une alliance avec le seul Hamon dont on savait qu’il n’arriverait pas au second tour de la présidentielle rendait par avance caduc tout accord programmatique : on met en œuvre une politique quand on obtient le pouvoir, pas quand on rentre dans l’opposition. Autre différence, en 2011 Eva Joly avait maintenu sa candidature pour la présidentielle alors que Yannick Jadot s’est rallié en 2017 à Hamon dès avant le premier tour. Il empêchait ainsi tout processus d’explications aux électeurs sur l’impératif écologique, brisant ainsi brutalement une ligne politique qui remontait à René Dumont en 1974. Ce n’est pas cela que la primaire des écolos avait voté, éliminant Cécile Duflot dès le premier tour et désignant l’ex-activiste de Greenpeace Yannick Jadot comme LE seul candidat de l’écologie politique. Reste quelques circonscriptions en instance dont on ne peut connaître le résultat à l’avance tant les législatives prochaines vont être une foire d’empoigne au sortir de laquelle les partisans de Hamon risque fort de devenir la minorité de la minorité. Il serait même possible que le futur ministre de l’écologie de Macron soit François de Rugy, dont il faut rappeler qu’il a quitté EELV principalement parce que Cécile Duflot avait joué aux parlementaires écolos un tour pendable en quittant de son propre chef le gouvernement.
Le résultat des contorsions tacticiennes de Cécile Duflot font que le socle dur des électeurs qui votaient depuis toujours pour les descendants de René Dumont au premier tour de la présidentielle vont s’éparpiller entre Macron, Mélenchon, Hamon et l’abstention. De toute façon EELV ne donne pas à d’autres le label écolo, il l’a déjà perdu pour lui-même. Plus grave, EELV se retrouve en situation interne de désarroi, toutes les options sont possibles pour les militants, à commencer par celle de démissionner d’EELV. Encore plus grave, le parti devait partir en autonomie pour les législatives sur les 577 circonscriptions. Il s’agissait de témoigner de l’impératif écologique, mais l’enjeu était aussi financier : chacun des suffrages recueillis par un parti lors du premier tour des législatives en 2012 lui rapporte environ 1,60 € par an versé par l’État à la condition de dépasser 1% des suffrages dans au moins 50 circonscriptions et 30 départements. Non seulement EELV n’a pas donné aux électeurs motif de voter pour ses candidatEs, mais il faut que ces candidatEs aient le cœur bien accroché pour déterminer leur positionnellement final, écologiste, hamoniste, macroniste, mélenchoniste, dissident, etc.
Dans une analyse* sur les élections aux Pays Bas et en Autriche, Lucile Schmid constate : « La réussite des écologistes tient notamment au charisme de leur leader alors que les Verts français ont un problème avec le leadership. » Elle en tire la conclusion suivante : « Il faut que les Verts français assument à l’avenir soit de ne pas présenter de candidat à la présidentielle ou alors qu’ils travaillent sur la question de leur dirigeant. » Personnellement je pense que tant que Cécile Duflot, drapée dans sa « notoriété » médiatisée, tirera en coulisses les ficelles pour orienter EELV à son seul avantage, nous irons au désastre. Tant que le secrétaire national David Cormand ne sera pas un représentant de l’écologie politique, mais plutôt le fidèle serviteur des désirs de Cécile Duflot, son discours sera inaudible. Rappelons aussi que le Bureau exécutif de 15 membres ne fait que mettre en œuvre l’orientation politique défini en Congrès ; il est sorti de son rôle en programmant par lui-même un changement d’orientation. Tant que ses membres se considéreront comme les rescapés influents de la firme qui soutenait Cécile Duflot, EELV s’enfoncera toujours plus dans les incohérences tacticiennes. En effet ne doutons pas un seul instant que si Cécile Duflot était sortie adoubée par la primaire des écolos, nous aurions toujours actuellement une candidate à la présidentielle, ELLE. Faute de stature présidentielle, se rallier à Hamon n’a été qu’un prétexte pour s’assurer une circonscription à Paris. Quand des dirigeants amènent le parti au désastre, il faut leur montrer le chemin de la sortie. C’est sur de telles considérations que le Conseil Fédéral (le parlement du parti) des 11-12 mars dernier aurait du statuer, pas pour savoir comment partager tant bien que mal le gâteau des législatives.
Michel Sourrouille, encarté EELV
* LE MONDE du 17 mars 2017, « Aux Pays-Bas et en Autriche, les Verts ont su incarner l’opposition à l’extrême droite »