Erreurs tacticiennes de Cécile Duflot et mort d’EELV

Toute critique de l’action d’une personne ne vaut que si on en tire des enseignements pour améliorer le comportement collectif. Cécile Duflot a accumulé un grand nombre d’erreurs tacticiennes qui ont aboutit au coma dépassé dans lequel se trouve aujourd’hui l’écologie politique institutionnelle.

En 2011 pour la présidentielle 2012, Eva Joly s’était alignée bien inconsidérément sur les positions laxistes du PS en matière de retraite. Sa porte-parole Laurence Vichnievsky avait eu le malheur d’être franche : « La réduction de la dette s’impose à nous comme un rappel au principe de réalité. Elle nous oblige à revoir notre projet, non dans ses principes, mais dans sa mise en œuvre : le retour à l’âge légal de la retraite à 60 ans est une lubie. » Cécile Duflot a alors jugé que « Laurence Vichnievsky n’est pas du tout en phase avec ce qui fait le corpus des écologistes ». Lors d’un bureau politique, elle fait savoir que « la majorité des militants ont considéré que les propos de Laurence ne correspondaient pas au corpus politique des Verts et ont plaidé pour qu’elle soit déchargé de ses fonctions de porte-parole puisqu’elle ne porte manifestement pas la parole du parti ». Eva Joly de son côté temporise : « Laurence et moi, c’est une amitié de vingt-cinq ans que rien ne peut altérer. Ses positions appartiennent à un courant de pensée. Il n’est pas anormal qu’il soit représenté à Europe Ecologie. je souhaite qu’elle fasse partie de ma campagne. » Cet exemple particulier est significatif du fonctionnement de Cécile Duflot qui n’a aucune conscience des réalités financières (ou biophysiques) et qui est prête à manipuler le parti pour arriver à imposer son point de vue. Bilan final, Vichnievsky se présente aux législatives 2017 sous l’étiquette REM de Macron contre le candidat EELV.

Si François de Rugy a quitté en septembre 2015 EELV, c’est aussi à cause d’agissements similaires de Duflot. Voici ce qu’il en disait : « 31 mars 2014 à 20 heures, nomination de Manuel Valls comme Premier ministre. La réunion téléphonique de coordination des membres du bureau exécutif d’EELV et des parlementaires est prévue à 20h30. Nous découvrons alors, effarés, un communiqué de presse de nos ministres EELV Cécile Duflot et Pascal Canfin, tombé à l’AFP à 20h20 et annonçant qu’ils ne participeront pas au gouvernement Valls. Cette sortie du gouvernement a été décidée sans le moindre débat collectif dans les instances d’EELV. Pourtant Manuel Valls nous avait annoncé la création d’un grand ministère de l’Ecologie, de l’Energie et des Transports piloté par un écologiste. Des militants proches de Cécile Duflot lancent une « pétition par mail » affirmant : « Pour EELV, la participation au gouvernement Valls, c’est non ! » Tout doit être fait pour que le coup de force des deux ex-ministres soit irréversible, sans le moindre débat. Lire sur une liste de diffusion que le « gouvernement hypothéquait ses chances de faire une loi ambitieuse sur la transition énergétique » alors même que le Premier ministre venait de proposer que ce soit un ministre écolo qui en élabore le texte, démontrait le procès d’intention en cours. En cas de participation gouvernementale, on nous promet une « révolte militante » lors du conseil fédéral du mouvement. La décision de Cécile Duflot, à l’origine très personnelle, s’est imposée à tous. C’est pourtant à elle que le Premier ministre proposait le grand ministère de l’Ecologie, de l’Energie et des Transports. Notre participation au gouvernement a été interrompue brutalement en 2014 sans explication crédible et audible. Cette sortie s’est jouée sur un coup de dés, que les instances du parti ont été amenées à accepter à posteriori. Le pari de Cécile reposait sur un postulat, tiré du résultat des municipales : un effondrement du parti socialiste. Elle pensait que la lutte engagée par le gouvernement pour la compétitivité et ses conséquences budgétaires conduirait une grande partie de l’électorat de gauche à se détourner du parti gouvernemental… et à chercher une « alternative de gauche ». Vont en ce sens la mise en scène début 2015 du soutien à Syriza, l’affichage aux côtés de Jean-Luc Mélenchon et les stratégies d’alliances aux départementales. Cette stratégie s’est heurtée au réel, elle a trouvé une première sanction dans les urnes aux départementales. Une « gauche alternative » n’est pas crédible aux yeux des électeurs. » (extraits de « Ecologie ou gauchisme, il faut choisir ! »)

Dans EELV, donc beaucoup de membres sont plus libertaires qu’écologistes, il n’y a pas de culture du chef. Pourtant tout mouvement « de masse » a besoin d’une personnalité suffisamment charismatique pour réguler les points de vue. Cécile Duflot a su capter cette demande d’homogénéité pour mettre en place ce que Noël Mamère a nommé « la firme », un groupe de personnes à son service qui ont pris le pouvoir dans les instances dirigeantes du parti. Par exemple le secrétaire national David Cormand s’est fait élire en congrès EELV au nom du « rassemblement » pour se déclarer par la suite soutien de Cécile Duflot lors de la primaire des candidatures écolos à la présidentielle et artisan avec elle de la renonciation de Yannick Jadot à son statut de présidentiable. Que Cécile Duflot arrive seulement en troisième position au premier tour de la primaire, qu’elle ne représente rien statutairement dans le parti si ce n’est qu’elle était simple député, n’a pas empêché que ce soit elle qui parle régulièrement dans les médias. On dirait qu’EELV n’a ni secrétaire national ni ses deux porte-paroles officiels, tout passe par Duflot… Et quand Yannick Jadot commence à acquérir une notoriété certaine en se présentant comme candidat d’EELV à la présidentielle, on lui coupe les ailes. En définitive, EELV va mourir parce que ses membres n’ont pas su mettre en place un contre-poids suffisant aux errements tacticiens de Cécile Duflot.