Je dédie cette journée à ceux qui me trouvent trop théorique, trop obsédé par le long terme et l’effondrement en cours de notre civilisation thermo-industrielle, pas assez distributeur de tracts pour Hamon. Ce dimanche 2 avril 2017, après un petit déjeuner eau/chicorée, pain de campagne et confiture maison, vient le temps de la plantation, des graines de maïs doux tous les 40 centimètres, maturation en août, juste au bon moment, quand mes petites filles viendront voir leur grand-père à la campagne. J’en ai profité pour semer à la volée quelque futurs radis rouges. C’est ce jour ma contribution à l’écologie en acte. Ce n’est pas grand-chose, mais qui s’ajoute aux quarante arbres fruitiers que j’ai planté au fil des années. Au travail de la terre succède ce matin la brouette à remplir pour alimenter le poêle à bois. C’est quand on fend le bois au coin et à la masse qu’on mesure ce qu’il faut d’efforts pour se chauffer. « La meilleure définition de ce qu’est un écologiste ne s’écrit pas au stylo mais à la cognée », écrivait Aldo Leopold. Qu’est-ce en effet que l’empreinte écologique, sinon la signature humaine sur cette terre ? A ce titre, si chacun de nous mesurait le poids de son emprise terrestre et s’efforçait de la diminuer, nous serions tous des écologistes. Trop facile aujourd’hui de manipuler les boutons du chauffage électrique, le sens de la réalité matérielle nous échappe. Pour finir ma matinée, séance de broyage. Les restes de la taille des arbres fruitiers, de la haie d’althea et autres branchages deviennent BRF, bois raméal fragmenté. Une fois étendu sur la couche supérieure du sol, je crée ainsi un sol riche, aéré, riche en micro-organismes comme on en trouve en forêt. Autrefois je brûlais tout ce bois, quel gaspillage, qui relâche du carbone dans l’air. J’apprends chaque jour, on ne naît pas écolo, on le devient.
L’après-midi, départ en randonnée. Nous sommes une trentaine dans un cycle de découverte des saveurs du terroir. Janvier, c’était la truffière d’un membre du groupe, février une fabrique locale de bière, mars une distillerie de cognac… La Charente est riche d’initiatives diverses et goûteuses. Après 11 kilomètres de marche dans la nature , c’est en ce mois d’avril la visite d’une production de fraises sous serres non chauffées. Les gariguettes ne sont pas encore à point, mais l’exposé de l’agriculteur est instructif : haro sur le bio « qui vient des pays étrangers où on ne respecte aucun cahier des charges ». Comme l’eau de pluie ne fait pas pas pousser des fraises suspendus à 80 centimètres du sol dans leur petits paniers, on alimente au goutte à goutte enrichi aux engrais. Les plants sont hauts, on attend 250 grammes de fraises par pied. Pour les espèces remontantes, il y aura même le double de poids. Il n’y a pas que les animaux qui sont élevés en batterie. Le paysan bio de notre groupe de randonneurs ne dit rien mais n’en pense pas moins. Il me dit après la rencontre que le formatage de ces agriculteurs est tel qu’il n’y a même plus de dialogue possible. Moi-même j’ai bien posé quelques questions pernicieuses, entre autres sur l’utilisation de désherbants, mais difficile d’en faire plus alors qu’on ait reçu avec amabilité.
De retour au bercail le soir, ouverture de ma boîte mail, le réflexe du militant accro aux listes EELV. Mon texte de la veille sur l’autonomie idéologique de l’écologie politique (par rapport à la droite et la gauche) était soumis à remarques. Comme d’habitude pas d’approfondissements, les internautes sont déjà passés à d’autres sujets : le court-termisme médiatisé envahit notre espace et les militants glosent à perdre haleine sur les votes comparés Hamon/Macron/Mélenchon. C’est sûr qu’en comparaison on a l’impression de ne pas perdre son temps à cultiver son jardin. J’ouvre ensuite le site du MONDE, pas grand chose, mais je suis obligé de passer par là pour accéder à mon blog biosphere. Aujourd’hui en ligne, mon 3486ème article pour 797 visites ce jour : nos dirigeants déconnent pendant que la planète brûle. J’ai une quinzaine d’articles d’avance, à parution programmée, ce qui m’a permis de faire autre chose ce WE. Avant d’aller dormir pour penser à des articles futurs, je fais un peu de piano. Je travaille « Jésus, que ma joie demeure » de Bach. Une fantastique mélodie à une époque où on sacralisait Dieu pour garder le moral. Aujourd’hui il faudrait sacraliser la Terre, mais les écolos préfèrent s’empoigner entre eux plutôt que se comporter comme il faudrait. Alors il nous reste à cultiver notre jardin et planter du maïs.
Tout cela me semble très juste
Mais le plus triste est qu’il faille pour pratiquer cette écologie là… avoir un jardin.
Et nous sommes aujourd’hui si nombreux sur la Terre que cela n’est plus possible et c’est même au sein du principal parti écologiste français que l’on trouve des gens qui pensent qu’il faut densifier l’habitat.
Les jardins sont un luxe, je ne vois pas de meilleure façon de décrire l’impasse où nous sommes arrivés.
Tout cela me semble très juste
Mais le plus triste est qu’il faille pour pratiquer cette écologie là… avoir un jardin.
Et nous sommes aujourd’hui si nombreux sur la Terre que cela n’est plus possible et c’est même au sein du principal parti écologiste français que l’on trouve des gens qui pensent qu’il faut densifier l’habitat.
Les jardins sont un luxe, je ne vois pas de meilleure façon de décrire l’impasse où nous sommes arrivés.