Perturbateurs endocriniens, organismes génétiquement modifiés ou encore diesel…, les réponses* des présidentiables ne sont pas à la hauteur de l’urgence écologique. Depuis 1972, le rapport sur les limites de la croissance avertissait que sans changement radical de cap, nous allions à la catastrophe. Nous avons au contraire pris tous les moyens pour maintenir la croissance à un niveau insupportable pour les possibilités de la planète. Si le monde entier avait le niveau de consommation du Français moyen, nous aurions besoin de 3 ou 4 planètes, ce qui veut dire que dans un contexte d’égalisation des conditions, il faudrait diviser notre niveau de vie en France par 3 ou 4. Autant dire que l’écologisme des présidentiables 2017 n’effleure même pas le sujet. La pire expression vient de Nathalie Arthaud, pour un « refus de la décroissance » ! Comme si la pénurie des matières premières, la surexploitation des eaux, des sols et de l’air n’allait pas nous obliger à maîtriser la décroissance du PIB ou de nous battre sauvagement entre nous. Rester bloquer à l’époque de la lutte de classes n’aide pas à la compréhension du monde contemporain. Marine Le Pen fait toujours du populisme mortifère, promettant la baisse de 5 % des tarifs du gaz et de l’électricité ou en refusant la hausse de la fiscalisation du diesel alors que la transition énergétique nécessiterait de programmer une hausse constante du prix de l’énergie pour apprendre aux personnes à l’économiser. Elle préfère un moratoire sur les éoliennes, qu’elle qualifie « d’immondes ». François Fillon est si peu convaincu des réalités biophysiques de la planète qu’il veut supprimer le principe de précaution pourtant constitutionnalisé sous Jacques Chirac. Jacques Cheminade croit aux miracles technologiques en croyant à un avenir de la fusion thermo-nucléaire contrôlée alors qu’on sait que c’est l’abondance de l’énergie fossile qui nous a mené au désastre actuel : nous ne savons pas faire bon usage des moyens technologiques quand ils sont disproportionnés par rapport à notre faible penchant pour des relations conviviales. Nicolas Dupont-Aignan est sur la même ligne, il veut abandonner l’objectif de réduction du nucléaire. Comme quoi la droite et le trotskisme sectaire se rejoignent dans leur ignorance de l’impératif écologique même si leurs programmes font diverses ouvertures vers la protection de l’environnement.
Quant à la gauche, elle se situe un peu mieux dans la bonne direction. La « règle verte » de Jean-Luc Mélenchon est la meilleure, il s’agit de ne pas prendre à la nature davantage que ce qu’elle peut donner. Mais comme par ailleurs il veut favoriser le pouvoir d’achat, il ne se rend même pas compte de ses contradictions internes : le consumérisme va de pair avec la consumation de la planète. Benoît Hamon présente quelques mesures ponctuelles pour l’environnement, mais il veut aussi faire plaisir aux revendications catégorielles comme le fait traditionnellement un bon socialiste. Pour le candidat de l’écologie politique, nous n’avons pas trouvé trace de son programme si ce n’est dilué dans celui de Benoît Hamon. Philippe Poutou est le seul à s’attaquer à notre niveau de consommation en voulant interdire la publicité énergivore et aussi réduire la place de la voiture dans les déplacements. De son côté Emmanuel Macron est loin de prôner le dé-voiturage, il veut offrir une prime de 1000 euros pour acheter un véhicule moins polluant. Comme toujours il ménage la chèvre et le chou en proposant d’interdire les perturbateurs endocriniens… à condition qu’il existe des « solutions moins toxiques ». Nous n’avons trouvé chez aucun présidentiable trace d’une vision structurelle de l’avenir de l’humanité. Le sort des générations futures est laissé aux générations futures alors que nous profitons aujourd’hui en France de l’immense accumulation de capital produite par les générations précédentes.
En conclusion, chacun fera ce qu’il veut dans le secret de l’isoloir, mais de toute façon les présidentiables n’auront rien fait de sérieux en 2017 pour enrayer la course au désastre socio-écologique. Il aurait été nécessaire d’affirmer haut et fort comme Nicolas Hulot que l’écologie ne devrait plus être un vulgaire enjeu partisan, elle est un enjeu politique au sens le plus noble. Ce n’est un sujet ni de gauche, ni de droite, ni du centre, c’est un sujet supérieur. C’est simplement l’avenir et la sauvegarde de la famille humaine et de son écosystème, la planète. Puisque nous avons fait la guerre à la planète, Il s’agit d’instaurer une logique d’état d’urgence, équivalente à celle des Américains après Pearl Harbor qui ont même cessé de construire des véhicules et autres productions inutiles. Il s’agit de mener une politique de réduction massive de notre empreinte écologique. Le parti « Europe Ecologie Les Verts » serait-il prêt à mener ce combat dans les prochaines années ? Car qui d’autre ?
* LE MONDE du 18 avril 2017, #AvantLeVote, les réponses aux défis environnementaux