A l’égal du fleuve Whanganui, un tribunal dans le nord de l’Inde a ordonné que le Gange et la Yamuna, un de ses affluents, soient reconnus comme des « entités vivantes ayant le statut de personne morale » avec les droits correspondants. Ces deux cours d’eau sacrés de l’hindouisme sont asphyxiés par les rejets des industries textiles et des égouts. L’espoir est que des groupes de citoyens saisissent la justice et bataillent pour obliger le gouvernement à protéger ces nouveaux « sujets de droit » contre les atteintes humaines. Un écosystème possède, comme les fleuves et les humains, « le droit d’exister et de maintenir ses cycles vitaux ». Il nous faudrait désormais respecter la « loi sauvage », c’est-à-dire que la loi humaine doit s’accorder avec la « jurisprudence terrestre », plus vaste, qui exige la survie de tous les êtres vivants sur le long terme, au cœur d’écosystèmes résilients. Voici quelques commentaires sur lemonde.fr :
le sceptique : Je suis toujours amusé de ces démarches qui prétendent échapper à « l’anthropocentrisme » alors qu’elles en sont une expression. La rivière ne pense pas, ne juge pas, ne ressent pas, elle est. Des humains autour d’elle peuvent lui attribuer ou non des statuts, en accepter ou non des usages, mais cela reste toujours des choix humains. Et puis creusons un peu, les indigènes ne négocient aucun bénéfice monétaire ni aucun usage particulier dans ces démarches ? Allons donc.
MICHEL SOURROUILLE @ le sceptique : Il y a déjà les « droits » des riverains à un cours d’eau non pollué. Ce qui ne pèse pas dans la balance, c’est le dommage subi par le cours d’eau, ses poissons et toutes ses formes de vie. Tant que l’environnement lui-même est dépourvu de droits, ces questions ne relèvent pas de la compétence d’un tribunal. S’il revient moins cher au pollueur de verser une amende plutôt que d’opérer les changements techniques nécessaires, il pourra préférer payer les dommages-intérêts et continuer à polluer.
Nous prenons chaque jour des décisions pour le compte d’autrui et dans ce qui est censé être son intérêt ; or autrui est bien souvent une créature dont les souhaits sont bien moins vérifiables que ceux des rivières ou des arbres. »
Ulysse : C’est marrant parce que l’on revient aux concept des vieux peuples, esquimaux, aborigènes…qui leur ont permis de vivre en harmonie avec leur environnement pendant des siècles.
Sergio : Marrant je sais pas; plutôt navrant d’en être arrivés à un tel point, qu’il nous faille envisager désormais de reconnaître des droits à des écosystèmes pour nous contraindre nous-même à respecter ceux-ci. Notre civilisation est à ce point marquée du sceau de l’écrit et de l’anthropocentrisme, que nous avons besoin de textes pour nous contraindre à respecter notre environnement comme s’il était un être humain. Comme s’il nous fallait des lois pour nous contraindre à respirer et à nous nourrir.
le sceptique : On peut aussi voir l’histoire humaine comme une compétition de systèmes socio-techniques. Vivre en harmonie avec l’environnement n’est pas une garantie suffisante pour préserver une société, il faut que le modèle ne soit pas bousculé ou marginalisé par un autre qui procure davantage de bénéfices aux sociétaires.
Jean-Claude TIREX : Il faut préserver certains écosystèmes utiles à l’homme, bien sûr. Mais la nature, « dépourvue de bonté comme de malice » (d’Holbach) n’a ni volonté ni intention, et n’est en rien une personne, et il en est de même des écosystèmes. Ces approches ne sont que des impasses.
MICHEL SOURROUILLE @ JC TIREX : Bien sûr, pour convaincre un tribunal de considérer une rivière menacée comme une « personne », il sera besoin d’avocats aussi imaginatifs que ceux qui ont convaincu la Cour suprême qu’une société ferroviaire était une « personne » au sens du quatorzième amendement (qui garantit la citoyenneté à toute personne née aux Etats-Unis).
* LE MONDE idées du 27 novembre 2017, Le Gange juge ses pollueurs
C’est bizarre que cet article Du Monde ne considère pas cet arrêt de la court suprême indienne du mois de juillet mais appuie ses dires juste sur la décision de mars 2017. Ce serait fournir un titre et une info un peu déformée. Il doit y avoir des infos entre juillet 2017 et l’article Du Monde que j’ai dû louper mais je ne vois pas.
Un article sur l’arrêt de juillet 2017.
https://www.ndtv.com/india-news/no-yamuna-and-ganga-are-not-living-entities-says-supreme-court-1721833
Je n’ai pas plus de renseignement.
Biosphère,
J’aimerais beaucoup me laisser convaincre par vos mots, vous aider dans votre travail et non m’opposer ici. Cependant, j’ai essayé votre pensée (aussi différentes pensées indiennes), vos arguments, ceux de ceux qui portent vos idées. Et du coup, je préfère personnellement défendre le vivant, non l’enfoncer davantage, et donc combattre votre pensée. Avez-vous vous essayer de penser que le vivant est différent du non-vivant avant de, en trois lignes, contredire ce qui semble être la réalité? C’est quand même vous, disant que le non-vivant est égal au vivant qui diffusez une pensée alternative au réel et non moi qui pense que le vivant est différent du non-vivant, nous sommes bien d’accord sur ce point, n’est-ce pas?
Vous avez tort quand vous dites qu’il n’y a pas de différence entre le vivant et le non vivant. Cela est tellement évident que je ne sais quoi vous dire à part vous demander de plus développer. J’imagine que vous êtes comme Prof. Gilles Boeuf qui devant le CESE déclare carrément que le vin est vivant. Comment nos élus vont pouvoir se dépatouiller avec une telle pensée? Sérieusement? Le vivant, c’est le truc qui vit, qui se reproduit ou plus simplement qui appartient au buisson du vivant. Plus concrètement, ce sont nos parents, au sens littéral du terme. Je veux bien que le singe soit mon cousin mais pas trop le vin. Le vin n’est pas vivant. Croire que le non-vivant est vivant, c’est comme croire au pastafarisme et que le spaghetii-boulette est une ontologie. C’est prendre de l’absurbe pour une théorie sérieuse, ne pas voir le loufoque ou plus simplement et tout aussi dangereusement laisser les mots partir en vacances.
Aussi, votre principe prônant que, comme nous « sommes fait des mêmes atomes, électrons, neutrons, protons, etc », il n’y aurait pas de différence entre toute matière est une tuerie anti-vivant. Cela ne me fait penser à rien d’écolo mais, au contraire, à plein de poncifs anti-écolo.
Par exemple, le principe dit de Lavoisier (le papa de la chimie, des fertilisants artificiels, de l’agriculture industrielle, etc.), « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ». Pour bien faire comprendre les ravages intellectuels et écolo de ce cliché qui met tout sur le même plan et détruit la vie en esprit avant de la détruire en pratique, on peut prendre un être vivant, le brûler et on s’aperçoit que si tout s’est bien transformé, quelque chose disparaît quand même : La vie. Et la vie, c’est justement ce qu’on prétend défendre tous les deux (l’un des deux à donc tort. J’aimerais sincèrement que vous démontriez qui. Je suis prêt perso à admettre mes erreurs). Ce qui a disparu dans cette expérience de pensée, c’est la vie, cette civilisation, cette construction, cet héritage… tout cela fait par le vivant et non par le non-vivant.
Votre démonstration me fait penser aussi à la pensée de la machine vivante. Pour argumenter au mieux, vous auriez dû énumérer les points communs entre vivant et non-vivant en sens inverse, du plus petit au plus grand. Comme ceci : Mêmes protons, ok. Même électrons ok, même atomes ok, et puis… mêmes macro-molécules, mêmes cheveux, même cœur, même gênes… Pas sûr. J’ai comme l’impression que la démonstration a déraillé ici, qu’elle ne vaut donc pas argument, qu’il ne faut pas l’utiliser ou alors pour justement prouver le contraire de ce que vous voulez prouver.
Vous dites aussi que nous sommes rattachés à la décomposition des roches. Voilà encore un vieux cliché depuis longtemps abandonné, celui de la roche mère. Ce n’est même plus enseigné à l’école car la réalité est un peu plus compliquée que cela. Une fois les roches décomposées, nous en serions alors plutôt détachées qu’attachées et on essaye de garder cette décomposition avec nous le plus possible, de ne pas la rendre (bon à part les écolo qui brulent les biocarburants en s’appuyant sur Lavoisier). De plus, qui détruit ces roches en grande partie? Le vivant. C’est bien donc l’écosystème qui dépend du vivant et non l’inverse. La roche ne nous nourrit pas. Le vivant détruit indirectement la roche pour s’en nourrir. La nuance fait ou défait la crise écologique. Pourquoi en faire abstraction?
Dire que nous sommes rattachés aux roches, à la chaleur de la Terre et en conclure qu’il n’y a pas de différences entre tout est votre croyance, votre interprétation et non la réalité des choses. Ce n’est pas parce que nous tirons profit du non-vivant que ce non-vivant est vivant. Ce serait comme argumenter que deux camps ennemis en guerre sont en fait le même camp uni par la guerre, que comme les uns réagissent aux actions des autres, ils sont entremêlés, rattachés donc ils sont les mêmes. Ben non, justement, ils sont pas les mêmes, ils sont même pour le coup en guerre l’un contre l’autre. La nuance est importante.
Vous dites que la biosphère, c’est le vivant et le milieu de vie. Et alors? Cela veut dire quoi? Qui dépend de l’autre? Qui crée l’autre? Le milieu de vie est-il une ontologie ou un truc au mi-lieu justement entre le vivant et la Terre toxique (on est d’accord que la Terre sans le vivant est toxique pour le vivant?). Il y a plein d’interpretations possibles. Il faut préciser. C’est la précision du modele de pensée qui fera la sortie de crise. Ou vouliez-vous dire que la biosphère est vivante. c’est cela? Ce serait comme dire que le sol est vivant sans voir que seul le vivant est vivant. C’est comme revenir à avant Pasteur, croire à la génération spontanée, ne pas voir l’importance de la vie pour la vie, ne pas faire la différence entre l’apparition de la vie et la vie.
Et vous finissez par une phrase qui me semble être du relativisme intellectuel ou culturel, je ne saisis pas. Biocentrisme et écocentrisme seraient complémentaires. C’est comme dire que la Terre est plate et aussi ronde, que ce sont deux modèles complémentaires. Ou que le géocentrisme et l’héliocentrsime sont deux modèles compatibles. que les différencier n’est pas important. Apres tout on marche chaque jour sur du plat et on voit bien le soleil tourner autour de nous. Sauf que pour que la civilisation avance, se développe, il faut justement jeter à la poubelle les mauvais modèles, apporter des nuances. Celui qui dit que le vivant est dépendant des écosystèmes est un mauvais modèle. Il transforme le vivant en créature alors que le vivant est créateur, qu’il n’y a rien au dessus de lui, ni écosystème, ni nature. Par contre, il y a l’inerte face à lui. La nuance est juste énorme et l’oublier est l’origine de la crise écologique.
PS: Je ne suis pas biocentriste. Ce n’est pas parce que je pense que l’écocentrisme est un mauvais modele pour le vivant (et donc tout simplement un mauvais modele) que je suis pour le biocentrisme.
PS2: Vous avez accès à l’article du monde. Pourriez-vous svp apporter réponse aux deux questions de mon premier commentaire? Cet article est-il basé sur une décision de justice contredisant celle de la haute court de juillet 2017? toute cette histoire en Inde vaut bien mieux qu’un petit article. Il y a tant à dire ici.
@ Michel M, l’article du MONDE ne dit rien de l’arrêt de juillet 2017 dont vous parlez…
Je n’ai pas accès à l’article complet du Monde. Est-ce qu’il prend en compte la décision (juillet 17) de la haute court de justice indienne annulant la décision (mars 17) de faire du Gange un sujet de droit humain? Il y a-t-il une nouvelle décision?
Autre point : Est-ce que cet article mentionne le problème éthique de rabaisser encore une fois le vivant (le vrai vivant) à moins qu’il n’est? En faisant de la rivière un sujet de droit, on fait croire qu’elle est vivante. Hors, elle ne l’est pas, seul le vivant des rivières est vivant. La différence est une nuance mais c’est cette nuance qui fait ou défait la crise écologique.
Prendre des mouvement de l’inerte pour des mouvements de vie (holisme) revient au même que de prendre les mouvements du vivant pour de ceux de l’inerte (l’animal machine). Ceci n’est d’ailleurs pas une progression mais une régression intellectuelle ou culturelle. La progression serait de différencier vivant et non vivant et de voir qui dépend de l’autre. Les défenseurs du droit de la nature pense que ce sont les êtres vivants qui dépendent de l’inerte, hors cette pensée est la cause de la crise écologique. Ce sont les écosystèmes qui dépendent du vivant, et donc les droits devraient être mis sur la vie et non sur le non vivant.
Michel M,
il n’y a pas de différence entre le vivant et le non vivant, nous sommes fait des mêmes atomes, électrons, neutrons, protons, etc. Et les différentes formes du vivant ont besoin du substrat non-vivant pour vivre, nous sommes rattachés à la décomposition des roches, à la montée des nuages, la chaleur du centre de la Terre… La biosphère, c’est l’ensemble des êtres vivants ET leurs milieux de vie. Le bio-centrisme est un chose, l’écocentrisme son nécessaire complément.
Quand la nature jugera les hommes ça va barder pour notre matricule.
On peut bien sûr discuter à l’infini de la forme, mais le fond est, par ces initiatives, de montrer que les choses de la nature ont une valeur en elles-mêmes et doivent être respectées indépendamment de leur rôle d’outil pour les humains.
Le sceptique peut dire que les rivières ne pensent pas et que le concept de droit ne s’applique pas, pour autant le concept de respect a sa raison d’être et il me semble au-dessus de tous les autres.