Né en 1947 en France, je ne vivrai pas l’année 2100 mais je peux déjà l’imaginer. J’ai vécu la période des Trente Glorieuses (1944-1973), puis les Trente Piteuse après les premiers chocs pétroliers. Nous allons désormais vivre un XXIe siècle de désespoir croissant qui sera à l’image de cette fin d’année 2022 : guerres, famines et épidémies, État en faillite, mouvements anti-écolos, victoire des populismes, défaite de la pensée, etc. L’amoncellement des catastrophes est terrible, terrifiant, pourtant les résidus de la pandémie Covid ne sont plus qu’épiphénomènes.
L’Ukraine est toujours sous les bombes russes et Poutine promet à ses généraux un financement illimité : la guerre s’installe au cœur d’une Europe qui aurait du aller paisiblement de l’Atlantique à l’Oural. 53 % de la population européenne est en surpoids, 22 % souffre d’obésité, les maladies chroniques liées à l’alimentation.explosent, pourtant l’Italie est à l’avant-garde de la bataille contre le Nutri-score, le logo nutritionnel adopté par son voisin français et d’autres pays européens. A Bruxelles, des milliers de demandeurs d’asile sont abandonnés à la rue. Et l’Europe ne reçoit pas encore de réfugiés climatiques ! Au Royaume-Uni, une puissance dominante qui avait statut d’empire, les personnels de santé sont épuisés par le sous-investissement dans les hôpitaux publics, et la famine touche certaines personnes. La tempête hivernale Elliott, charriant des vents glacés et balayant le centre et l’est des États-Unis depuis des jours, refroidit un pays climato-sceptique alors que 27 années de parlottes internationales sur le climat n’ont servi à rien. Ne parlons pas des conférences internationales sur la biodiversité qui sont encore moins déchiffrables.
La Chine cherche à minimiser le nombre de morts liés au Covid-19. Les crématoriums sont débordés depuis les annonces du 7 décembre mettant fin à l’impossible politique « zéro Covid » ; les autorités ont cessé de procéder aux tests systématiques de la population, le thermomètre est cassé. Mais la Chine pense toujours à envahir Taïwan ! La Corée du Sud a fait décollé chasseurs et hélicoptères d’attaque après que des drones nord-coréens ont empiété sur son espace aérien.En accélérant la relance des réacteurs existants et la construction de nouvelles tranches, le premier ministre japonais tourne le dos à l’engagement pris après Fukushima de sortir de l’atome. La Syrie est paralysée par les pénuries de carburants, les caisses de l’État sont vides ; à défaut de recettes, le régime syrien multiplie les mesures d’austérité alors que 90 % de la population vit déjà sous le seuil de pauvreté.
Face à la crise alimentaire, le Kenya se tourne vers l’importation de maïs OGM contrairement à une interdiction prononcée en 2012. Le ministre du commerce commente : « Dès lors que vous vivez au Kenya, vous êtes un candidat à la mort car il y a beaucoup de raisons de mourir dans ce pays, donc il n’y a rien de mal à ajouter les OGM à la longue liste. »
La crise politique au Pérou révèle un pays ingouvernable, le président Castillo a été arrêté par ses propres gardes du corps. Arrestations, « disparitions », tabassages, tortures, viols, la théocratie iranienne déploie toute l’expertise qui est la sienne dans la répression de ses administrés ; un militant de 23 ans a été pendu en place publique pour « inimité envers Dieu », il voulait seulement que les femmes puissent ne pas porter de foulard islamique. Les Afghanes sont désormais bannies de l’université, et même de l’action dans des ONG. On peut donc encore complètement effacer des femmes de la vie sociale dans un monde où on laissait croire que le mouvement #Metoo était omniprésent et triomphant. Nétanyahou est à la tête du cabinet le plus à droite de l’histoire d’Israël, le suprémacisme juif triomphe, des pogroms anti-palestiniens se préparent, on veut même exclure les mathématiques et l’histoire de l’éducation scolaire, l’intelligence humaine balbutie.
La poussée inflationniste mondiale s’accompagne de récessions économiques, les taux d’intérêt montent, la vie à crédit c’est fini. Le choléra se propage dans le monde ; la maladie, transmise par les eaux souillées et les mauvaises conditions d’hygiène, est alimentée par les conflits et la pauvreté, et amplifiée par le changement climatique. L’amour du prochain devient moins qu’une goutte dans un océan d’hébétudes. d’indifférences, d’ignorances, de tentatives de simple survie, et de méchancetés avérées.
Bien sûr ce blog biosphere continuera à porter la voix des écologistes le temps qui me reste à vivre, mais cette voix ne peut qu’être inaudible dans un monde de 8 milliards d’êtres humains qui s’entre-déchirent et s’entre-tuent. Qui pourrait croire qu’on pourra sereinement arriver au 10 milliards… en 2100.
Autant dire que ce réveillon de fin d’année 2022 devrait être placé sous le signe de la sobriété généralisée. Mais avec la distribution des cadeaux de Noël et la protection du pouvoir d’achat par le gouvernement, le mot sobriété n’est pas encore rentré dans le vocabulaire courant en France. Et dans le monde la sobriété est trop souvent obligée, on appelle cela pénurie ou même crever de faim.
Bonne année 2023 oseront encore certains ! Je vous la souhaite engagée pour préserver ce qui peut l’être.
Michel Sourrouille
La culpabilisation des mouvements écologistes est un tropisme habituel de la conversation publique, et la figure de style préférée des propagandistes du laisser-faire. Plus le déroulement des événements donne rétrospectivement raison aux environnementalistes, plus leurs adversaires doivent les stigmatiser pour leur faire pièce. « C’est la faute aux écolos ! » , élément de langage de l’année 2022.
C’est un cas classique d’inversion orwellienne. « La guerre, c’est la paix », « l’esclavage, c’est la liberté .» Si les centrales sont en carafe, ce serait à cause de l’hostilité historique des écologistes pour l’atome. On ne sait pourtant trop à quel moment « les écologistes » ont pu être en position d’entraver sérieusement le développement de l’industrie nucléaire !
La culpabilisation abusive des environnementalistes est un trope néolibéral ancien. L’interdiction du DDT, dans les années 1970, a par exemple été deux décennies plus tard rendue responsable d’une résurgence du paludisme, causant des centaines de milliers de morts en Afrique et en Asie. Mais là encore, l’acte d’accusation est fondé sur une tromperie, le DDT n’ayant jamais été interdit dans la lutte contre les moustiques vecteurs de maladies. Au contraire : si le DDT a progressivement été abandonné dans la lutte contre le paludisme, c’est bien souvent parce qu’il avait été trop utilisé, induisant l’apparition de résistances chez les insectes !
Bienvenu en l’an 2100 ! Les fake news ne vieillissent pas…
Tout ça est très pessimiste, je dirais même que ça frise le nihilisme. Et ça non plus ce n’est pas bon. Ne plus croire en rien ou alors en n’importe quoi est un signe de grande fatigue. Je parle bien sûr de notre vieille civilisation. Pour vous rassurerdites-vous que tout le monde n’en est pas là. Moi non plus je ne verrais pas 2100, la belle affaire. Quant à 2200. Putain mais je n’y avais pas pensé, le changement de millénaire, l’an 3000, la méga teuf mondiale… Ah que j’aurais aimé voir ça ! Du coup j’ai une envie folle d’hibertanusation.
De cryogénisation quoi. En attendant, déjà dit hier, si je suis encore là le 30 décembre 2023, eh ben je serais super con tant. 🙂
Sérieusement, mis à part bien sûr Madame Irma, et autres remarquables extra-lucides, mais qui donc est capable de nous prédire à quoi ressemblera le monde en 2100 ? Nous dire déjà combien la planète comptera d’humains. D’éléphants, de tigres, d’ours, de loups… à quoi ressembleront les Pyrénées etc.
Eh ben moi je vous prédis que la Terre continuera de tourner. Et que là haut la lune aussi. Et je vous parie tout ce que vous voudrez qu’en bas il y aura toujours des idiots pour regarder le doigt. Qu’est-ce que je risque de parier, hein ?
Ben rien. Rien à foot de passer pour un con ou un charlatan !
Puisqu’en 2100 je ne serais plus là.
Et si … au lieu de voir tout en noir … on essayait de relativiser.
Juste un peu. La juste mesure bordel !
– « Il ne s’agit pas de repeindre notre monde en rose bonbon, ni de l’identifier à celui des bisounours. Ce dont il est question, c’est de comprendre certains mécanismes à l’œuvre dans le catastrophisme ambiant et d’éviter de tomber tant dans le déni ou l’aveuglement, que dans l’alarmisme ou la résignation. »
( LE MONDE VA-T-IL DE PLUS EN PLUS MAL? 1 février 2019 – tremintin.com )
Allez-va, et ce sera fait, bonne ânée 2023 quand même !
Je vous souhaite à toutes zé à tous ce que je me souhaite à moi-même.
La santé, bien sûr, le moral, qui va avec, et puis beaucoup de lumière. 🙂
Olivier Hamant, dans une tribune au « Monde », propose une mise à jour sémantique : « développement durable » devient « postcroissance », « réchauffement climatique » est une « crise » climatique, « érosion de la biodiversité » est un effondrement. Il propose l’expression « monde fluctuant », dans un monde instable, où la priorité bascule vers la gestion des pénuries, des accidents climatiques et sociaux, ou des conflits géopolitiques.
Encore un concepteur en retard d’une guerre des mots. (à suivre)
Olivier Hamant parle de post-croissance alors qu’on entre dans la décroissance économique. Il parle de crise climatique mais n’envisage pas la dé-mobilité, le dévoiturage et la désurbanisation, comme source de réduction des GES. Il parle d’effondrement de la biodiversité alors qu’il s’agit de la 6ème extinction. Il nous propose « monde fluctuant » pour nous rassurer, mais ne sait pas que le plateau ondulant des prix du pétrole ne peuvent qu’aboutir à une chute brutale quand il faudra décarboner à tout va.. Une descente énergétique , ce n’est pas une fluctuation, c’est la fin de la civilisation thermo-industrielle, le chômage de masse, des guerres et encore des guerres, des famines ici et là et des États défaillant si ce n’est en faillite.
La seule sémantique qui compte, ce n’est pas l’adaptation ou la résilience, c’est le partage équitable de la pénurie ou la guerre de tous contre tous.
Noar sur lemonde.fr ; Je vous suggère de commencer par convaincre les Chinois et les Indiens. Bonne chance.
Notre réponse : Certains territoires feront dans l’avenir preuve d’une plus grand résilience aux chocs que d’autres. Si la France mettait en pratique la sobriété partagée, elle aurait une avance par rapport aux pays empêtrés dans le productivisme. Mais on préfère, business as usual, la décroissance subie plutôt qu’une vision du long terme.
C’est vrai qu’ Olivier Hamant ne révolutionne pas grand chose avec cette tribune au MONDE. Qu’il faille arrêter enterrer le «développement durable», bien sûr. Par contre qu’est-ce que ça change qu’on parle de «crise» au lieu de «réchauffement» ou de «changement», climatique. D’autant plus que le mot «crise» porte l’idée que le problème n’est que passager, comme la crise d’adolescence ou la crise d’hémorroïdes.
Pour la résilience, l’adaptation, la sobriété partagée… pour moi c’est pareil.
Bien sûr qu’il faut s’habituer à vivre avec moins. Mais à part ça, bien malin celui qui pourrait dire qu’elle serait la meilleure façon de faire, en attendant.
Comme toujours, certains s’en sortiront mieux que d’autres. Mieux vaut être solide et bien portant, bien préparé, plutôt qu’au bout du rouleau, c’est sûr. Mais même si je l’étais, je n’irais pas pour autant me construire un bunker sur une île déserte.