Acceptons la fin de vie, par nature notre lot commun

Le temps de l’agonie est-il nécessaire à la mort sociale d’un individu et au respect des lois naturelles ? Au procès Bonnemaison, cet urgentiste qui a provoqué la mort, les agonisants sont entrés dans le prétoire pour porter témoignage : « Combien de temps mon agonie va-t-elle durer ? A quoi donc sert mon agonie ? …Ce n’est pas la fin de vie que j’attendais ! …L’oxygène quittait mon corps, mon râle devenait spectaculaire, terrible, ….plus aucun médicaments ne faisait effet… » L’auteur de la loi de 2005 qui porte son nom, Jean Leonetti, intervient à la barre : «  Ce dont il est débattu ici n’est pas si simple. Et moi, au bout de dix ans, plus ça va, moins je sais. » Il est vrai qu’on en restait à l’euthanasie passive, l’arrêt des traitements pour attendre la mort, parfois au prix d’une terrible agonie ! Un gastro-entérologue résume le dilemme : « Si l’agonie ne dure pas vingt-quatre heures ; on va dire que c’est de l’euthanasie. Si elle dure plusieurs jours, on va dire que c’est de l’accompagnement de fin de vie. »*

Sur la fin de vie, l’Elysée botte en touche, encore une fois**. Une mission devrait être confié aux deux députés Jean Leonetti (UMP) et Alain Claeys (PS). Après une première mission confiée au professeur Didier Sicard, puis un avis demandé aux CCNE (Comité consultatif d’éthique) et une conférence de citoyens, cela commence à faire beaucoup… d’indécisions ! Il est vrai qu’entre respect de la vie, obstination déraisonnable et suicide assisté, le débat se poursuit… depuis des années. Le rapport Sicard (décembre 2012) dressait une critique sévère envers les défenseurs des soins palliatifs. Le rapport s’en prenait également fortement au « laisser mourir » de la loi Leonetti. Il proposait une sédation terminale et ouvrait la voie au suicide assisté. Par contre l’avis n°221 du CCNE (juin 2013), s’il repose sur le respect des directives anticipées émises par la personne et le droit de la personne qui en fait la demande à une sédation profonde jusqu’au décès, recommande de ne pas modifier la loi actuelle, estimant qu’elle opère une distinction entre « laisser mourir » et « faire mourir » (en ajoutant que la frontière entre les deux est « floue »). Notons quand même une nette évolution, cette commission désapprouvait en 1991 qu’un texte législatif puisse légitimer l’acte de donner la mort à un malade.

Pourquoi tant d’inquiétude pour aider à mourir dans la dignité alors que l’espèce humaine est championne dans l’art de trucider son prochain et experte dans l’art de décimer les autres espèces ? Ecoutons plutôt les citoyens pour qui l’aide aux suicide constitue un droit légitime. En décembre 2013, une conférence citoyenne de 18 personnes tirées au sort pour représenter la diversité de la société ont fait émerger une réflexion collective sur la fin de vie après avoir auditionné des experts. Leurs recommandations finales marquaient une rupture. Le panel a jugé la notion de sédation complexe car « elle constitue un aspect relevant essentiellement de la technique médicale et par là semble échapper à la maîtrise et à la responsabilité du patient »… La possibilité de se suicider par assistance médicale, reposant avant tout sur son consentement éclairé, constituerait un droit légitime du patient en fin de vie (ou souffrant d’une pathologie irréversible). » Quand le consentement direct n’est pas possible, la conférence citoyenne préconisait une « exception d’euthanasie ». Bravo ! D’un point de vue écologiste, il faut savoir reconnaître la mort qui vient car elle est par nature notre lot commun. Mais François Hollande est connu pour faire preuve d’indécision… sauf quand il s’agit d’envoyer des soldats se faire tuer à l’étranger.

* LE MONDE du 21 juin, Au procès Bonnemaison, le temps de l’agonie

** LE MONDE du 22-23 juin 2014, En nommant une mission parlementaire, l’Elysée gagne du temps

2 réflexions sur “Acceptons la fin de vie, par nature notre lot commun”

  1. Et pour le choix de l’individu, un film à revoir: Mar adentro de Alejandro Amenábar.

  2. Reprenant un à un les cas des patients dont l’ancien urgentiste de Bayonne était accusé d’avoir accéléré la fin de vie, l’avocat de Bonnemaison avait martelé la même question. « Est-ce un meurtre ? Est-ce un soin ? » L’avocat général avait requis cinq ans d’emprisonnement avec sursis. Les jurés ont répondu que ce n’était pas le médecin qu’il fallait condamner mais la loi qu’il fallait changer. A l’ensemble des questions qui lui avaient été soumises sur la culpabilité de l’accusé, le jury avaient répondu « non ». La cour : « Cela signifie, monsieur Bonnemaison, que vous êtes acquitté. » … Conclusion : prise de pouvoir triomphante des citoyens sur la rigueur de la loi Leonetti du « laisser mourir » !
    (LE MONDE du 27 juin 2014, « Monsieur Bonnemaison, cela signifie que vous êtes acquitté »)

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