ami des pêcheurs ou ami des poissons ?

Bruxelles est restée inflexible sur la fermeture de la pêche au thon rouge, Paris, Rome et Madrid récusent cette décision (LeMonde du 19.06.2008). Qui a raison ?

 

            Que ce soit en Europe, au Canada ou ailleurs, chaque pêcheur est aujourd’hui individuellement conscient que sa catégorie professionnelle va collectivement à la catastrophe. Mais chaque pêcheur sait également qu’en situation de rareté générale, le poisson qu’il ne prend pas immédiatement sera pris par un autre. Il est donc condamné à pêcher tout ce qu’il peut dans un minimum de temps tout en sachant pertinemment que cela aggrave le processus de catastrophe collective. Alors les Etats côtiers veulent étendre encore plus loin vers le large leur juridiction, mais cela ne suffit pas et ils doivent instaurer des quotas de pêche, puis subventionner une partie de leurs pêcheurs pour les empêcher de pêcher, enfin interdire un jour ou l’autre complètement la pêche à la morue et aux anchois… Il n’y a pas d’avenir pour un tel état de fait : la prise mondiale de poissons sauvages a déjà baissé de 17 % entre 1995 et 2002 et, malgré les programmes successifs, la flotte européenne est restée en surcapacité. Les captures le thon rouge atteignent 53 000 tonnes par an ; le quota de prise autorisé est fixé à seulement 32 000 tonnes et les scientifiques estiment qu’il ne faudrait pas en prélever plus de 25 00 tonnes pour préserver la capacité de reproduction de l’espèce. Même si l’opacité des chiffres de capture (sans doute sous-évaluée) persiste, l’Ifremer (institut français pour l’exploitation de la mer) estime que l’espèce est fortement surexploitée et gravement menacée. Bruxelles a donc raison contre Paris, Rome et Madrid.

 Il y a bien longtemps que les humains auraient du comprendre que les amis des pêcheurs et les amis des poissons fréquentent le même océan et que l’essentiel n’est jamais la dynamique de la pêche, mais la gestion collective d’un écosystème.