Analyses (im)pertinentes du discours de Cécile Duflot

Cécile Duflot a un grand mérite. Leader des Verts puis d’Europe Écologie (EELV) pendant six ans, de 2006 à 2012, elle avait réussi à imposer une certaine cohérence dans un parti éclaté. Mais son accession au rang de ministre dans un gouvernement socialiste qu’on savait déjà profondément productiviste avait brouillé son image au sein des militants comme aux yeux de la population. Son départ du gouvernement lors de l’arrivé de Manuel Valls comme Premier ministre pouvait annoncer un renouveau du mouvement écologique puisque la parole d’EELV n’était plus muselée par l’inféodation au Parti socialiste. Malheureusement Cécile veut représenter plutôt des idées « de gauche » et non préparer véritablement la société aux grands changements écologiques qui ont déjà commencé : raréfaction des ressources fossiles, réchauffement climatique, stress hydrique, famines, etc. Voici notre réponse à quelques-unes de ses prises de position.

1/2) Son interview par LE MONDE*

 Cécile Duflot : « Les suppliques quotidiennes à la croissance ne peuvent pas fonctionner car la crise est aussi écologique. Si on ne construit pas un modèle intense en emplois avec un bas niveau de croissance, nous n’arriverons pas à sortir de la crise et à lui apporter des réponses pérennes. Le temps de la social-écologie est venu. »

Biosphere : Si le temps de la social-écologie donne encore la priorité au social sans se soucier des ressources naturelles qui permettent d’assurer la pérennité des avantages sociaux, l’impasse est assurée. En conséquence un modèle « intense en emplois » doit être bien défini, et ce n’est pas facile. D’autant plus que dans une société où l’écologique devient une référence, beaucoup d’emplois seront supprimés. Il faut le dire, la transition écologique ne sera pas simple et demandera beaucoup d’efforts à tous. C’est là un discours que la gauche n’a jamais su tenir. Enfin le « bas niveau de croissance » est un euphémisme. Après plusieurs décennies de croissance à crédit et d’abondance facile procurée par des énergies fossiles non renouvelables, il y aura obligatoirement une profonde récession. UnE écologiste sincère dirait qu’il faut organiser une décroissance voulue plutôt que subir une crise imposée par les marchés.

En partant de son ministère du logement, Cécile avait déclaré : « Je me mets à la disposition de la gauche. » Elle ne serait donc pas d’abord au service de l’écologie ?

Cécile Duflot : « La pauvreté explose et traverse de nombreuses classes sociales. La peur de l’avenir, les inégalités entre les territoires mais aussi le malaise identitaire préparent un grand danger. La France peut faire face à un tsunami social et la classe politique regarde ailleurs. »

Biosphere : Encore une fois, le logiciel de Cécile est de penser d’abord social avant même de penser écologie. Rappelons que Jacques Chirac avait été plus pertinent lors d’un sommet de la Terre : « La planète brûle et nous regardons ailleurs » !

Nous devrons organiser une sobriété partagée, c’est la seule manière d’avoir un autre discours que celui du Front national.

Cécile Duflot : « Il ne faut pas perdre de vue l’essentiel : la gauche doit transformer la société. »

Biosphere : La « gauche » est une notion devenue floue, avec des définitions qui peuvent être contradictoires. Cécile avait bien posé le problème : « Depuis le 6 mai 2012, les socialistes attendent le retour de la croissance. Tout se déroule comme s’ils appartenaient à un vieux monde et qu’ils ne voulaient pas comprendre qu’il fallait en construire un nouveau. Ils campent sur des positions désuètes et croient encore au mirage productiviste qui retrouvera son âge d’or avec la reprise économique et le retour de la croissance. »  UnE écologiste ne peut donc pas se revendiquer de la gauche, cela peut prêter à méprise sur ses intentions.

Cécile aurait du dire et répéter que l’écologie ouvre une troisième voie qui n’est proposée ni par les partis de gauche, ni par les partis de droite. La gauche reste croissanciste et productiviste… comme la droite ! Les écologistes veulent rétablir l’équilibre entre activités humaines et équilibres dynamiques de la biosphère. Avec un discours vague comme celui de Cécile, nous tournons le dos à cette nécessité cruciale.

Cécile Duflot : « Les enjeux de la transition énergétique sont législatifs et financiers. Sans moyens d’agir, la loi se résumera à des mots mis les uns à la suite des autres. »

Biosphere : Dans ses différentes déclarations, Cécile montre qu’elle a une conception du pouvoir « par le haut », venant de décisions étatiques. La transition énergétique est au contraire d’abord une affaire de comportements individuels, sobriété énergétique, modification de ses besoins en déplacement et en chauffage, relocalisation de ses achats et de ses loisirs, etc.

Cécile Duflot : « La transition écologique attend des mesures. Ce n’est pas ce que le gouvernement propose aujourd’hui. »

Biosphere : cette phrase confirme nos propos précédents, une croyance infondée en l’efficacité gouvernementale.

2/2) Son livre, De l’intérieur **

Cécile Duflot : « Le récit politique de ce quinquennat devient le récit de la lutte sans fin contre la dette. François Hollande contre la dette, c’est pire que Sisyphe et son rocher. Un discours d’affichage, non suivi d’effets. »

Biosphere : En tant que ministre, Cécile savait pertinemment qu’il n’y avait plus un rond dans les caisses publiques. Elle critique dans son livre le fait de s’engager à un déficit limité à 3 % du PIB alors qu’il s’agit toujours d’un déficit annuel qui s’ajoute à la dette acculée antérieurement. Elle croit qu’une telle politique s’éloigne de la pensée de la gauche. Or l’Etat vit constamment au-dessus de ses moyens dans un contexte où la population planétaire a dépassé la capacité de charge de la planète depuis le 19 août dernier.

UnE écolo s’occupe d’abord de cette dette écologique qui ne peut  qu’être aggravée par une dette financière. C’est aux créanciers de perdre de l’argent puisqu’ils ont prêté imprudemment à un Etat dépensier : dans un système libéral, il faut savoir assumer les risques ! Quant au déficit courant, l’Etat doit réduire ses dépenses pour arriver à un déficit inexistant. Mais il faut avoir le courage d’affronter certaines catégories sociales et réduire par exemple le gouffre financier que représente l’armée et la défense nucléaire.

Cécile Duflot : « Je suis sortie de ces deux années avec la certitude que l’austérité ne sera jamais la solution, que le courage en politique ne sera jamais de faire payer aux pauvres les cadeaux que l’on donne aux riches, qu’il n’y a aucun courage à piétiner les acquis sociaux. Le courage serait d’affronter la crise climatique, de réorienter l’Europe, de faire face aux vrais problèmes. »

Biosphere : Cécile croit dans son livre que « l’austérité n’est pas une fatalité ». En tant qu’écologiste, elle devrait savoir que quand on a vécu au-dessus de ses moyens, il faut vivre autrement. Les « acquis sociaux » sont souvent de trop.

Pour réduire le poids du consumérisme français sur la planète (et sur le climat), il faut nécessairement accepter une réduction de son pouvoir d’achat et une modification de son train de vie. UnE écologiste appelle cela « sobriété partagée », les riches devant faire d’énormes efforts (qu’il faut leur imposer) alors que pour les catégories en difficulté on fait jouer la solidarité.

Cécile Duflot : « Au fond, rigueur et écologie, austérité et environnement ne peuvent pas faire bon ménage. Ce sont des notions antinomiques. Delphine Batho avait raison : le budget du ministère de l’Ecologie, en baisse continue depuis 2012, est un mauvais budget.»

Biosphere : Cette phrase est biaisée. On énonce une généralité pour l’appliquer à un cas très particulier. Oui, il fallait soutenir Delphine Batho quand cette ministre socialiste de l’écologie a été virée par le Premier ministre Ayrault. Or Cécile n’a pas démissionné à ce moment et cela a été un recul de plus pour l’écologie.

                Non, on ne peut pas dire qu’austérité et environnement sont en général antinomiques. La limitation des besoins sur une planète surexploitée devrait être au contraire le credo premier des écolos. Il ne faut pas confondre austérité imposée (aux plus démunis) et simplicité volontaire (dans une société conviviale)…

* LE MONDE du 22 août 2014, « La France peut faire face à un tsunami social » (interview de Cécile Duflot)

** De l’intérieur (Voyage au pays de la désillusion) de Cécile Duflot

1 réflexion sur “Analyses (im)pertinentes du discours de Cécile Duflot”

  1. Vous avez bien du mérite d’ encore essayer de la comprendre alors que comme gauchiste, elle est irrécupérable et de type anthropocentrée !
    Il est vain et inutile de raisonner un gauchiste , son cerveau ou ce qui en fait office est malade de façon irréversible !

Les commentaires sont fermés.