Ayraultport, déni socialiste de l’écologie d’avenir

François Hollande se veut clair au sujet du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes : « (A Nantes), il y a la force du droit et la primauté de la volonté, non seulement de l’Etat, mais aussi des élus. » Belle illustration du centralisme démocratique ! Nous savons très bien que l’Etat peut faire n’importe quoi, à commencer par lancer de Grands Projets Inutiles dont l’histoire de France est farcie. Ensuite les élus ne sont pas tous favorables à un nouvel aéroport à Nantes, loin de là.

– Pascal Canfin, ministre du développement de François Hollande : « Si je n’avais pas été membre du gouvernement, je serai allé manifester à NDDL comme l’ensemble des parlementaires écologistes disponibles. »

– Ronan Dantec, sénateur écologiste, ancien adjoint à l’environnement de Jean-Marc Ayrault : « Le problème principal, c’est que le débat démocratique n’a pas été respecté. Lors de l’enquête coût-bénéfice sur le projet, l’Etat a manipulé les chiffres. L’enquête publique a démenti l’hypothèse d’une saturation de l’aéroport existant. Il n’y a aucun urgence à envoyer 500 CRS piétiner une zone humide. Le gouvernement ne peut pas passer en force. Le coût politique de cette affaire est totalement disproportionné. »*

– José Bové, député européen : « Quand M.Hollande dit que le décret d’utilité publique doit être respecté, je lui rappelai que, pour le Larzac, le décret avait été pris et que le politique, en l’occurrence François Mitterrand, était revenu dessus. »

– Jean-Paul Naud, maire de la commune de NDDL : « La condition pour être sur ma liste était d’être contre le projet d’aéroport… La saturation de Nantes Atlantique, c’est faux. L’aéroport de San Diego en Californie, avec une seule piste, accueille 30 millions de passagers chaque année. »

Plusieurs dirigeants de partis politiques se sont aussi déclarés contre le projet NDDL. Le parti de gauche avec Jean-Luc Mélenchon, le Modem avec Jean-Luc Bennahmias, EELV avec son secrétaire national Pascal Durand… Pourtant ce n’est pas le nombre des élus ou des dirigeants politiques qui font la validité d’une opinion, encore moins la « volonté de l’Etat », c’est la durabilité d’une infrastructure construite normalement pour plusieurs années. Or la crise du pétrole est imminente, le kérosène nécessaire aux avions va devenir bientôt inabordable, les avions vont rester au sol pour la plupart, et les émissions de gaz à effet de serre sont déjà trop importantes… Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault, anciennement maire de Nantes, fait preuve depuis trop d’années d’un aveuglement néfaste à propos de NDDL. Mais quand il a viré sa ministre à l’écologie, Nicole Bricq, à peine nommée, il avait déjà montré qu’il ne supporte pas la contradiction, surtout si on lui dit ses quatre vérités.

*LE MONDE du 17 novembre 2012, entretien avec Ronan Dantec (à lire absolument)

2 réflexions sur “Ayraultport, déni socialiste de l’écologie d’avenir”

  1. Actualisation 30/11/2012 : une commission sans concertation
    Europe Ecologie Les Verts, à l’origine de plusieurs semaines de la demande de mise en place d’un espace de dialogue sur le projet d’aéroport à notre Dame des Landes, a appris au détour d’une dépêche de presse la désignation de la commission dite « du dialogue » sur Notre Dame des Landes.
    Cette désignation, décidée sans la moindre concertation, contrevient à toutes les assurances données et augure mal de la future légitimité et de la crédibilité de la commission.
    Prendre par surprise l’ensemble des acteurs et des parties prenantes du dossier, y compris au sein de sa majorité, constitue un véritable passage en force à l’opposé d’une revendication d’apaisement et d’ouverture pourtant affirmée au plus haut sommet de l’Etat.
    Ce procédé ne facilitera certainement pas la tâche des membres d’une commission dont la mission et la désignation resteront marquées
    Pascal DURAND, secrétaire national EELV

  2. Entretien (résumé) avec Ronan Dantec pour tout savoir sur Ayraultport :
    L’écologiste Ronan Dantec est le vice-président de la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire au Sénat, où il a été élu en 2011. Il connaît parfaitement le dossier de Notre-Dame-des-Landes et son principal défenseur, Jean-Marc Ayrault : Ronan Dantec a été, pendant dix ans (de 2001 à 2011), adjoint à l’environnement de l’actuel premier ministre lorsqu’il était maire de Nantes.
    Que reprochez-vous au projet de Notre-Dame-des-Landes ?
    Le problème principal, c’est que le débat démocratique n’est pas respecté. C’est très important pour comprendre l’ampleur de l’opposition. Jean-Marc Ayrault a soutenu ce projet pour une raison principale : la crainte que les nuisances sonores empêchent l’urbanisation de l’île de Nantes. Le problème, c’est que le projet a été vendu avec pour argument la saturation de l’aéroport existant. Or l’enquête publique a démenti cette hypothèse. Mettre en avant de mauvaises raisons a conduit à convaincre dès l’origine les opposants que ce projet n’avait pas de justification !
    Aucun argument ne justifierait cet aéroport ?
    Le motif avancé a de fait été rendu encore plus fragile par la stagnation du transport aérien. Mais l’argument du bruit est lui aussi tombé : le plan d’exposition au bruit était fondé sur une hausse du trafic qui ne s’est pas produite. D’ailleurs, l’île de Nantes est aujourd’hui largement urbanisée. Les porteurs du projet ont toujours refusé d’expertiser les contre-propositions des associations. Aujourd’hui, l’argument de la chambre de commerce et d’industrie, c’est que les travaux vont être bons pour l’industrie locale, pas pour le désenclavement aérien !
    L’aéroport n’apporterait pas d’avantage économique à la métropole nantaise ?
    Lors de l’enquête coût-bénéfice sur le projet, l’Etat a manipulé les chiffres. Au moment de calculer la valorisation en euros des gains de temps permis par le nouvel aéroport, les sommes ont été au moins doublées. Sans cela, l’enquête coût-bénéfice aurait été négative. Cela a été fait sous la responsabilité du préfet de l’époque, Bernard Hagelsteen, aujourd’hui conseiller chez Vinci… Cela contribue à l’extrême fragilité de la légitimité démocratique de ce projet.
    Comment peut-on sortir de cette situation ?
    Dans son rapport rendu en octobre, la commission d’enquête sur l’eau estime que Vinci n’a pas démontré sa capacité à mettre en place des mesures de compensation écologique et émet des réserves importantes. C’est un moratoire de fait. Utilisons le temps nécessaire à l’expertise scientifique et au travail sur les mesures compensatoires pour reconstruire le débat public et politique, sur la base de ce qu’est aujourd’hui le transport aérien. Il n’y a aucune urgence à envoyer 500 CRS piétiner une zone humide.
    Vous doutez de la capacité de Vinci à répondre aux réserves de la commission d’enquête ?
    Les informations que nous avons, c’est qu’en ce moment Vinci cherche à embaucher non pas des biologistes, mais des avocats, en prévision des contentieux qui s’annoncent. Si Vinci passe en force, c’est la négation de trente ans de protection de l’environnement et de la biodiversité dans ce pays. Pour les écologistes, c’est une ligne rouge. J’attends du premier ministre qu’il nous donne toutes les garanties.
    Vous pensez que Jean-Marc Ayrault est prêt à relancer le processus de concertation ?
    Jean-Marc Ayrault a construit Nantes sur le dialogue et la concertation. C’est la coproduction entre les écologistes et le PS qui a permis à la ville d’être nommée  » capitale verte de l’Europe  » pour l’année 2013. Cela me désole qu’on soit incapables d’avoir la même qualité de dialogue sur l’aéroport. Le gouvernement ne peut pas passer en force, ce serait un désastre. C’est la crédibilité de la gauche sur l’environnement qui se joue ici. Le coût politique de cette affaire est totalement disproportionné.
    Propos recueillis par Grégoire Allix

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