Le présidentiable PS Benoît Hamon souhaiterait instaurer un revenu de base pouvant atteindre à terme 750 euros par personne. « Pour le candidat Hamon, l’affaire est entendue : la révolution numérique et les bouleversements technologiques à venir vont raréfier le travail, à mesure que les tâches s’automatisent et que les formes d’emploi évoluent. Une situation aggravée, selon lui, par une croissance de plus en plus molle dont il serait illusoire de penser qu’elle retrouverait ses niveaux d’avant-crise. La question du coût du financement du revenu universel pour les finances publiques a été balayée d’un revers de la main par M. Hamon. Utilisant un argument qu’il a maintes fois rodé, il a rappelé que la Sécurité sociale apparaissait, elle aussi, impossible à financer lors de sa création.(LE MONDE du 14 janvier 2017, Primaire à gauche : le revenu universel crée un nouveau clivage) »
Cette position politique nous semble non fondée. La révolution numérique n’est qu’une parenthèse historique, elle repose sur une illusion technologique qui veut faire croire à des avantages nets. Mais quand la banque et bien d’autre secteurs d’activité perdent des emplois à cause de l’informatisation, quand un garagiste ne peut plus réparer une voiture vu l’imbrication du numérique et des pièces détachées, cela veut dire qu’une société fait fausse route. L’écologie, c’est-à-dire économiser les ressources de la planète, nécessite que le travail physique des humains doit l’emporter sur la multiplication d’esclaves énergétiques, cela veut dire que la simplicité des procédures doit permettre réparation et recyclage. Quant au financement, on ne peut pas comparer la mise en place de la sécurité sociale après 1945, dans un contexte de reconstruction qui a débouché sur les « Trente Glorieuses », avec des taux de croissance du PIB de 5 % en moyenne et un baril de pétrole à un coût anormalement bas, et le contexte actuel en 2017. Nous sommes endettés au niveau financier autant qu’écologique et nous connaîtront bientôt une raréfaction des ressources fossiles. Il est d’ailleurs paradoxal de prévoir comme le fait B.Hamon la fin de la croissance et ne pas se soucier réellement du financement d’un revenu universel.
Autant la proposition de certains écologistes décroissants en faveur d’un revenu inconditionnel (sans aucune contre-partie) es contestable, autant la formulation du programme de l’écologiste Yannick Jadot pour la présidentielle est satisfaisant : « Assurer à tou-te-s un revenu d’existence.→ Expérimenter un revenu de base dont les conditions seront définies lors d’une conférence de consensus suivie d’un débat national. Cette question n’est pas celle des minima sociaux, il faut changer la place du travail et reconnaître l’utilité sociale de chacune et de chacun. (mesure n° 20) » L’excellente procédure d’une conférence de consensus est un gage de réalisme et de démocratie éclairée. L’utilité sociale de chacun est aussi une bonne approche, on ne peut obtenir un avantage sans contre-partie, un droit est toujours rattaché à des devoirs.
Je partage l’analyse sur le revenu d’existence, mais pas sur le numérique. Ce n’est pas un point de détail, car l’un justifie l’autre d’après Hamon.
En particulier, il n’y aura des problèmes d’approvisionnement en énergie et métaux que si des milliards de personnes continuent à les utiliser. Mais il n’y aura plus de problèmes si seulement quelques dizaines ou centaines de millions de personnes les exploitent, et les utilisent pour assurer leur domination sur les autres grâce notamment à l’avantage militaire apporté par l’énergie et l’information.
En outre, rien de dis qu’un robot ou un algorithme nécessitera dans le futur plus d’énergie et de matière qu’un humain-consommateur qu’il remplacera.
En d’autres termes, la société thermo-industrielle peut s’effondrer dans plein d’endroits, mais pas nécessairement partout. Il est à mon sens simpliste de considérer LA société thermo-industrielle comme une entité unique qui va s’effondrer partout pareil. Tout comme des espèces survivent après une extinction massive car elles ont la ‘bonne’ information génétique, des sociétés complexes pourraient se maintenir après un effondrement dans un monde globalement simplifié, car elles ont le ‘bon’ stock de mèmes et d’algorithmes.
On peut aussi avoir une vision thermodynamique des choses comme Francois Roddier, en considérant que de telles sociétés sont des structures dissipatives
Donc oui, il faut raisonner à long terme, et pour ne pas trop simplifier. Une sobriété énergétique partagée n’est pas incompatible avec des robots et des algorithmes, et il est fort possible que les 2 coexistent. Voir mon papier.
Hamon a aussi cette conviction que le numérique s’imposera à nous et ne permetra pas le retour de la croissance. C’est un point différenciant par rapport à tous les autres candidats et hommes politiques, qui mérite d’être mieux étudié.
Thierry
Bonjour Michel
Je ne pense pas que « La révolution numérique n’est qu’une parenthèse historique ».
L’accumulation d’information qui est en train de se passer est un processus darwinien, les algorithmes informatiques étant un nouveau support dans la continuité des gènes et des mèmes. Elle se fait dans de nouvelles formes de structure dissipatives,résilientes malgré l’augmentation de l’entropie thermodynamique.
Bien sûr, on pourrait refuser cette ‘révolution numérique » et ces algorithmes. Mais les choses ne sont pas évidentes, car il n’est pas facile de distinguer les bon et les mauvais usages, et ces algorithmes continueront à ce développer ailleurs dans le monde, apportant des avantages considérables à ceux qui les maîtrisent, notamment en terme militaire pour s’assurer l’approvisionnement en ressources.
A mon avis Hamon a bien perçu le problème, même si on peut discuter de la solution.
J’ai écrit pour l’Institut Momemtum un article développant ces réflexions, et proposant des pistes pour faire face à cette double rupture que constitue la fin de l’énergie abondante et la multiplication des machines intelligentes: http://bit.ly/2jwiJWc
Tes commentaires sont les bienvenus.
Thierry Caminel
@ Thierry Caminel
L’article portait sur le revenu universel, et vous contestez un point de détail, la révolution numérique comme « parenthèse historique ». Ce blog se situe dans le long terme, et estime que la civilisation thermo-industrielle va s’effondrer. Donc s’effondrera toute l’infrastructure numérique qui lui est lié, avec un dommage socio-économique important dans la mesure où sans électricité l’information se perd, peu importe les algorithmes. Dans le moment présent, il est vrai que les écrans envahissent tous les domaines, depuis le cartable des enfants jusqu’aux caisses des supermarchés. Mais un écologiste conscient des problèmes d’approvisionnement en énergie et métaux sait que cela disparaîtra, la parenthèse se fermera. La société post-carbone connaîtra le dé-voiturage, la désurbanisation, la démondialisation, et bien entendu la désinformatisation.
Pour revenir au revenu d’existence, nous savons que le présent rend aujourd’hui difficile son financement, à plus forte raison quand le choc pétrolier et le réchauffement climatique feront leurs effets. Notre réflexion de fond va de toute façon bien au-delà du revenu, elle porte sur la socialisation actuelle, formatée pour fabriquer une génération de l’écran alors que nous aurions besoin d’une population qui raisonne en termes de sobriété énergétique partagée… et de long terme.