Bientôt un diplôme de « savoirs verts » !

La difficulté intrinsèque de l’éducation à l’écologie vient principalement du fait que les trois domaines que sont l’économie, la nature et le développement social, déjà complexe en eux-mêmes, doivent être appréhendés dans une perpétuelle interaction. Une approche globale, systémique, est donc indispensable. Dans une société où les règles de pensée sont extrêmement binaires (le monde est divisé en bons et méchants, entre pays riches et pays pauvres, etc.), la complexité n’est pas évidente à admettre. L’idée de complexité s’accompagne de la prise de conscience des interactions, des interdépendances, des systèmes ouverts et dynamiques.

L’école est bien loin de ce qu’il faudrait faire, on commence juste à envisager pour la 3e un apport de connaissances verdissantes…

Sylvie Lecherbonnier : A l’occasion de la remise des prix des écodélégués, le 23 juin 2023, le ministre a listé vingt mesures pour faire de l’école « le premier lieu d’engagement pour la transition écologique ». Les élèves de 3e pourront passer, à partir de 2024, une certification des « savoirs verts », sur le modèle de ce qui existe pour les compétences numériques. Les modalités concrètes de cette certification restent floues à ce stade. L’« éducation au développement durable » n’a cessé d’être musclée ces dernières années à coups de circulaires et de refontes des programmes scolaires, mais le système éducatif français pâtit de sa construction disciplinaire et tubulaire, là où la transition écologique appelle à des compétences plus transversales. Mathieu Gonord, coordinateur du Collectif français pour l’éducation à l’environnement vers un développement durable (EEDD), le note : « Une approche systémique commence à être proposée. Tout dépendra de comment elle est déclinée concrètement.

Le point de vue d’un écologiste

Michel SOURROUILLE sur ce blog il y a 17 ans résumait bien  l’incompréhension institutionnelle de l’urgence écologique et de la nécessité d’une rupture civilisationnelle :

En avril 2006, j’étais LE référent d’un lycée quant à l’EEDD (Education à l’environnement et au développement durable). J’ai fait connaître ma position « Comme je suis un adepte de la pédagogie de la catastrophe (pour que ce ne soit pas la catastrophe qui serve de pédagogie), je me permets de vous envoyer les statistiques suivantes à utiliser sans modération (Statistiques tirées du livre de Jancovici et Grandjean, « Le plein s’il vous plaît ! » au Seuil, 2006) ».

La responsable académique EEDD dans son rôle institutionnel : « La notion de « pédagogie de la catastrophe » est totalement contraire à la circulaire de juillet 2004  : « L’éducation à l’environnement pour un développement durable doit être une composante importante de la formation initiale des élèves, dès leur plus jeune âge et tout au long de leur scolarité… La prise de conscience des questions environnementales, économiques, socioculturelles doit, sans catastrophisme mais avec lucidité, les aider à mieux percevoir l’interdépendance des sociétés humaines avec l’ensemble du système planétaire et la nécessité pour tous d’adopter des comportements propices à la gestion durable de celui-ci ainsi qu’au développement d’une solidarité mondiale. »

Ma réponse : Bien reçu tes précisons sur le catastrophisme. Mais à mon sens, ce n’est pas faire du catastrophisme (termes du texte officiel) que de montrer la réalité aux jeunes que nous éduquons (épuisement des ressources fossiles, choc climatique, stress hydrique, perte de biodiversité… sans compter le poids des dettes que nous léguons en France aux générations futures. C ’est pourquoi je continue de penser (avec des connaissances très précises sur la question, pas seulement environnementales, mais aussi économiques, sociales et politiques) que malheureusement la catastrophe va bientôt sonner à notre porte parce que nous aurons été trop mou pour envisager notre avenir proche et lointain.

Dernier courriel de la responsable académique : « Le terme de « pédagogie de la catastrophe » me semble trop fort et peu adapté. Je suis comme toi globalement inquiète sur l’avenir  mais  le catastrophisme ne peut, selon moi convenir pour les enfants ou même les jeunes à qui nous laissons un monde difficile, ce n’est pas à eux de porter ce fardeau que nous n’avons su assumer. Leur avenir professionnel est déjà tellement sombre… »

Nous sommes en 2023, nos institutions n’ont rien appris depuis l’époque…

Voici quelques commentaires des « savoirs verts sur lemonde.fr

jamaiscontent : « L’« éducation au développement durable » n’a cessé d’être musclée ces dernières années « . Rien n’est plus faux. A certains niveaux, en 5ème par exemple, il y a de l’EDD au programme de géographie: gèrer et préserver les ressources, blablabla… Puis en 4ème, toujours en géo, qu’est-ce qu’on apprend aux élèves? La mondialisation, le commerce maritime international et l’explosion des mobilités, touristiques en particulier. Sans que les programmes prévoient le moins du monde de faire un lien entre cette mondialisation et l’épuisement des ressources, la perte de biodiversité, le réchauffement climatique.

Voltaire : En 3e, il y a déjà l’ASSR, la certification informatique, le stage, le rapport de stage, voire l’oral de stage, l’oral de brevet, le brevet blanc, voire le 2e brevet blanc, le brevet. L’année est rythmée par de nombreuses exigences qui se sont rajoutées au fur et à mesure. Cela devient difficilement gérable.

E.3.41 : Je parie que la seule vérité, à savoir baisser drastiquement nos niveaux de consommation dans tous les domaines, ne sera jamais enseigné. La conscience vert oui, mais au service de la croissance, hein.

Zenith : Je propose une certification du « savoir vert » pour être élus ou dirigeants d’entreprise, la presque totalité n’y connaît pas grand chose .

Michel SOURROUILLE : Les disciplines, telles qu’elles sont enseignées aujourd’hui, sont issues d’un découpage artificiel, conséquence de l’explosion des connaissances. Chaque professeur sa spécificité. Le fonctionnement disciplinaire de l’école est un résidu encore tenace de la fragmentation cartésienne. L’affaiblissement de la perception du global conduit à l’affaiblissement de la responsabilité, chacun tendant à n’être responsable que de sa tâche spécialisée. Née dans un monde séquence, découpé, l’écologie a  été inventée pour nous rappeler que rien ni personne ne peut survivre en vase clos. Cette capacité à sortir des cadres de la pensée unique ne peut se forger qu’en prenant du recul. Nous touchons là un point crucial, l’importance du développement d’un esprit critique pour dépasser la soumission à la vulgate libérale et permettre à l’individu d’aller de la simple obéissance au système à la responsabilité, et pourquoi pas, à la désobéissance civile.

En savoir plus grâce à notre blog biosphere

Scolarité, l’éducation à l’écologie absente

extraits : La catastrophe va bientôt sonner à notre porte parce que nous aurons été beaucoup trop mous pour s’engager dans une autre voie qu’un croissancisme mortifère. Mais chut, il ne faut pas le dire aux élèves.

La difficulté de l’école à enseigner l’écologie

extraits : Apparue en France en 1977, l’éducation à l’environnement y a été reprise sous l’intitulé plus euphémisé d’« éducation au développement durable » avec une succession de circulaires. L’interdisciplinarité pour aborder la question de l’environnement est une modalité constante de ces sept textes. Or, le caractère interdisciplinaire rend compliquée leur mise en œuvre .

2027, ministère des Générations futures

extraits : La Charte de l’environnement de 2005 a été incluse dans la constitution française. Son article 8 explicite clairement que « l’éducation et la formation à l’environnement doivent contribuer à l’exercice des droits et devoirs définis par la présente Charte ». L’éducation à l’environnement et au développement durable (EEDD), introduite dans le Code de l’éducation (article L.302-19) comme mission générale de l’école, devrait déboucher sur la transversalité de l’éducation et la polyvalence des enseignants.

3 réflexions sur “Bientôt un diplôme de « savoirs verts » !”

  1. Avec un joli cadre, que l’Éducation Nationale pourrait même offrir, le Diplôme des «savoirs verts» accroché entre la Télé et le poster de Mbappé sera d’un bel effet. Et plus tard sur le CV ce sera toujours mieux que rien. Après tout, les quelques 10% de ces pauvres gamins qui échouent au Brevet pourront peut-être décrocher celui-là. Même les cancres ont droit à un peu de réussite et de fierté, non ? Encore faut-il qu’il ne soit pas trop dur à décrocher.
    Chez les jeunes aussi (le temps ne fait rien à l’affaire) certains ont besoin qu’ON leur explique longtemps pour comprendre vite. Ce serait trop con qu’il y en ait encore quelque uns qui le loupent juste à cause de ça. Finalement le mieux c’est de le filer à tout le monde. Et ainsi d’économiser les frais de cette nouvelle connerie, ou foutaise. ( à suivre)

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    1. Quand j’en vois certains balancer leurs merdes (Mc Do emballages canettes etc.) dans le caniveau et la nature… qu’ON ne me dise pas que c’est parce qu’ils ne savent pas.
      Qu’ON ne me raconte pas que les jeunes n’ont jamais entendu parler d’écologie, de pollution, de tri sélectif, de bagnoles, de vélos et de trottinettes électriques, vertes, durables etc.
      Bref, que TOUS les jeunes ne savent pas ce fumeux B.A BA. Et que le Diplôme des «savoirs verts» va faire de ces gorets de bons écolos.
      Sauf que Le B.A BA … serait un véritable projet de société. Or, de ça … ON n’en a pas !
      ON veut faire de l’école « le premier lieu d’engagement pour la transition écologique ».
      Cette nouvelle foutaise n’est donc encore que du trompe-couillons, du greenwashing et du bourrage de crânes et en même temps. ( à suivre )

      1. Du matin au soir nous sommes TOUS sollicités par une infinité de tentations, notamment par la Pub. Pour beaucoup (de plus en plus) ces tentations ne sont que des frustrations, notamment par le manque de moyens. Comme si ça ne suffisait pas, nous sommes soumis à de plus en plus d’injonctions contradictoires. Achète la dernière Peugeot ! Et en même temps, pense à covoiturer et à prendre les transports en commun. (N’importe quoi !) Et de plus en plus d’intox et d’infox.
        Et bien sûr il n’y a pas que le Climat, le CO2, les oiseaux etc. Résultat, même s’il ne fait pas de tout ça une analyse bien sérieuse, le dernier des cancres voit bien qu’ON se fout de sa gueule. Et inévitablement chacun exprime sa colère comme il peut.
        Et c’est dans cet environnement là (Le Système) que nos gorets en (dé)formation vont grandir. Comment un alcolo pourrait-il décrocher… tout en continuant à fréquenter les bars et des alcolos ?

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