Bilan des municipales en France, l’introuvable tripartisme

L’objectif affiché de Marine Le Pen de faire élire au moins 1 000 conseillers municipaux sera largement rempli*. Ce serait selon LE MONDE** un séisme, le bipartisme serait mort, place au tripartisme PS, UMP, Front national. Encore une fois renaît le mythe de la tripolarisation, mythe poursuivi en vain pendant plusieurs présidentielles par le centriste Bayrou. Il n’y a pas de projet global de société au centre, mais il n’y a pas plus d’opposition réelle entre la droite et la gauche, il faut voir la politique autrement. En fait les thèmes de prédilection de l’extrême droite – le nationalisme, l’immigration, la sécurité – ont largement imprégné la droite comme la gauche. De plus ce trio a adopté la même théologie croissanciste, glorifiant le règne du productivisme, l’élévation du niveau de vie et la destruction des ressources naturelles qui en découlent. Il y a un conservatisme déclaré, une continuation de notre passé capitaliste et prédateur. Il n’y a pas de différence fondamentale entre une fabrique d’automobiles qui peut être nationalisée ou non et les ouvriers qui fabriquent les automobiles. Patrons, élus et travailleurs naviguent de concert sur la même autoroute, la seule différence c’est la part de la valeur ajoutée qu’on peut se mettre dans sa poche. De son côté Marine Le Pen symbolise l’extrême droite. Or c’est d’abord une opération de communication politique, lancée par son père il y a des lustres. Cela reste à la fois une affaire familiale et une entreprise de spectacle, cela n’en fait pas un véritable projet de société.

                Place donc à l’écologie. Après ces élections municipales marquée par un taux d’abstention historique (près de 39 %), il fait peu de doute qu’il y aura pour les six années à venir plus de municipalités écolo que frontistes. Dans un contexte de recul de la gauche après le premier tour des municipales, les écologistes d’EELV (Europe Ecologie – les Verts) sont en effet les seuls dans la majorité à voir leurs scores progresser. Ils ont présenté 265 listes avec des têtes de listes écologistes et obtenu un score aux alentours de 11,8 % des voix. En 2008, ils n’avaient que 124 listes pour moins de 9 % des voix***.  Pour quelques mairies FN, on table chez EELV sur près d’une cinquantaine de victoires après le deuxième tour. Certaines ont déjà été remportées dès le premier tour, comme à Bègles où Noël Mamère est reconduit tout comme les maires sortants de Loos-en-Gohelle, Arcueil, Mouans-Sartoux ou Pussay. Pourtant la présence des écologistes au gouvernement a été un boulet bien plus qu’une force.

La ligne directrice d’un classement politique oppose aujourd’hui les conservateurs, adeptes de la religion de la croissance, et les progressistes, qui veulent réconcilier l’homme et la nature. Il y a ceux qui sont obsédés d’économisme techno-scientifique et ceux qui considèrent les contraintes de l’écologie. Il y a ceux qui soutiennent la démesure de l’homme (autant la droite et son extrême que la gauche et son extrême) et ceux qui ont le sens des limites (les écologistes radicaux). Nous avons déjà traité cette problématique sur notre blog. Chez les votants comme pour beaucoup d’abstentionnistes, la préoccupation écologique sur l’état de la planète et notre avenir commun devient une sensibilité partagée. Quand les écologistes parlent de transports doux, de projets d’infrastructures non disproportionnés, de plans d’urbanisme au plus près des citoyens,de destruction des terres, d’alimentation bio et moins carnée, etc., les gens voient que des réponses positives émergent. Nous ne sommes plus dans l’idéologie abstraite, mais bien dans l’écologie du quotidien. Les limites de la planète exigent de nous tous un autre comportement, plus perspicace dans ses choix de production et plus modéré dans ses désirs de consommation. Le peuple écolo est en voie de constitution, il sera la force dominante du XXIe siècle… Encore faudrait-il qu’EELV ne soit plus un endroit où on ne parle presque jamais d’écologie !

* Le Monde.fr | 23.03.2014, Municipales : très forte poussée du FN, le PS en net recul

** Le Monde.fr | 24.03.2014, La poussée du FN aux municipales, un séisme politique ?

*** LE MONDE du 27 mars 2014, Les écologistes mettent la pression sur le PS

4 réflexions sur “Bilan des municipales en France, l’introuvable tripartisme”

  1. J’ ai lu sur François de souche que la modération de certains journaux dont le monde a été sous traitée en Afrique .

  2. salut biosphere,
    Les »Frontistes » que j’ ai cotoyés , écoutés et lus sont pour la plupart des malthusiens et sont sincèrement préoccupés de l’ état de la planète : il s prétendent d’ ailleurs avec raison que l’ écologie n’est pas une idéologie (de gauche ou droite) mais une science rigoureuse d’ une complexité effroyable
    Au contraire , les ecolos bobos de EELV hormis Yves Cochet (que fait-il avec ces branquignolles ?) ne s’ occupent que d’ immigration , de pseudo réfugiés , de métissage, homophilie / homophobie , multiculturalisme ,…)
    EELV est la honte de l’ écologie (surtout quand on voit quelle faune ce parti abrite en son sein) .
    Cela dit , je ne doute point du fait qu’ il y ait des environnementalistes de bonne foi dans ce parti mais ils doivent être en portion congrue .

  3. Serge Moscovici montre que le conformisme n’est pas le seul guide du comportement. Une minorité peut pousser de nouvelles normes. Ses progrès en matière d’influence sont d’abord invisibles, car c’est dans le domaine privé qu’ils agissent en premier. Pour ne pas paraître déviants, les membres de la majorité ne souhaitent pas afficher publiquement l’intérêt qu’ils portent à ces nouvelles nombres. On continue de nommer les choses de la même manière alors qu’elles ont changé par un travail souterrain se jouant au niveau des transcendances. Une première victoire est la normalisation. C’est l’attitude qui revient à reconnaître la minorité dans ses revendications. L’attitude est reconnue, elle n’est plus stigmatisée, voire criminalisée, elle a le droit de s’exprimer ouvertement dans l’espace public. Et puis un beau jour la majorité a changé, elle a adopté les normes impulsées par la minorité. D’où la devise de Guillaume d’Orange : « il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer ».
    (psychologie des minorités actives, 1979)

  4. « Avec leur logique du partage, leur refus de la violence militaire et technologique, leur volonté de donner des limites à la domination humaine, par leur éloge de la diversité, par leur foi en la démocratie comme seul mode légitime de régulation des sociétés, les écologistes constituent l’alternative diamétralement opposée à la logique d’affrontement du Front National. » (Antoine Waechter, Dessine-moi une planète, Albin Michel 1990)

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