Julie Celnik, Biorégion de Cascadia, territoire de la décroissance
Le biorégionalisme est un courant de pensée qui repose sur l’idée d’une réorganisation de la société à l’échelle d’un territoire défini par des frontières naturelles, appelé biorégion. C’est notamment le cas de la biorégion de Cascadia, située sur la côte pacifique, à cheval sur les États-Unis et le Canada. Le terme Cascadia vient du nom de la chaîne des Cascades, qui s’étend du Canada jusqu’au nord de la Californie. Une revendication indépendantiste est portée par une certains nombre de Cascadiens, un parti politique fut officiellement créé dans ce but en 2011. Des groupes plus informels promeuvent l’idée (essentiellement sur Internet) d’une Republic of Cascadia, reposant sur une confédération coopérative et biorégionale. La mobilisation citoyenne en Cascadia s’oppose notamment à des projets d’extractions d’énergies fossiles. La ré-habitation repose sur une relation d’interdépendances avec l’écosystème de la biorégion qui implique l’apprentissage du vivre-sur-place. Autrement dit il s’agit d’adopter un mode de vie et de consommation (eau, nourriture, énergie, habitat) autosuffisant à l’échelle d’une biorégion, tout en perturbant le moins possible l’écosystème local. Par ailleurs l’autonomie politique constitue un principe important, la démocratie directe y joue un grand rôle. Différentes actions sont menées, allant de la pétition à la désobéissance civile non violente, en passant par le lobbying auprès des décideurs politiques. La Cascadia est probablement la région la plus verte d’Amérique du Nord, ce qui est dû à la fois à des politiques volontaristes de transition énergétique, à des citoyens conscients des enjeux écologique et mobilisés, mais surtout à une conscience du lieu très forte. Dans l’imaginaire collectif, cette région possède une identité propre, en termes à la fois de paysages naturels et de culture commune, mais les institutions de cette biorégion restent pour la plupart à inventer, à officialiser.
Le projet biorégionaliste se rapproche fortement du mouvement des Transition Towns britanniques, qui met l’accent sur des actions multiples à l’échelle communale : potagers urbains, gestion des déchets, production d’énergies renouvelables. Pour le mouvement de la transition, il s’agit avant tout de préparer chaque communauté locale à l’après pic pétrolier et à l’ère d’une frugalité énergétique contrainte.
Benoît Thévard, entre utopies et catastrophes, instituer la résilience locale
C’est à l’État de jouer un rôle protecteur permettant aux territoire qui le composent d’envisager une transition écologique et pacifique. L’État doit pas ailleurs assurer une péréquation territoriale car la diversité topographique, démographique climatique et économique n’est pas favorable à une totale autosuffisance locale. Cet État doit également fixer des objectifs contraignants pour les collectivités territoriales (pourcentage d’autosuffisance, d’agriculture biologique, etc.). La création d’une agence de relocalisation permettrait de réunir et accompagner les dynamiques au niveau local, car relocaliser signifie construire à contre-courant du processus de globalisation.
in Gouverner la décroissance, collectif, 14 euros pour 234 pages (éditions SciencePo 2017)