Bloom et Nicolas Hulot, même combat en mer

Claire Nouvian, fondatrice de l’association Bloom vient de recevoir le prix Goldman, considéré comme la plus haute distinction internationale dans le domaine de l’environnement.* Bloom est une petite association de 8 salariés entièrement vouée « aux océans et à ceux qui en vivent », avec pour ambition d’établir « un pacte durable entre l’homme et la mer ». Si la madone des poissons se fait autant remarquer, c’est surtout parce qu’elle remporte les campagnes qu’elle mène. L’interdiction de la pêche profonde en dessous de 800 mètres décrétée par l’Union européenne en 2016 est très largement à mettre à son crédit. L’interdiction de la pêche électrique est en bonne voie. L’attitude à son égard est variée, il y a ceux qui la détestent : « Je suis hyperclivante. Les pêcheurs néerlandais m’appellent Hitler…  » Il y a ceux qui la comprennent. « C’est une adversaire respectable, concède Alain Cadec (LR), président de la commission pêche au Parlement européen. Elle est attachante même si elle est parfois chiante. Sur le chalutage profond, nous avions fini par être d’accord… Nous défendons tous les deux – différemment –, la ressource et une activité économique à laquelle je crois… » Il y a ceux qui veulent la compromettre. Pour Isabelle Thomas (PS-Hamon), vice-présidente de cette commission, « Claire Nouvian doit s’interroger sur le mode de financement de certaines structures militantes dont on ne sait plus très bien qui elles représentent. » Notons quIsabelle Thomas, conseillère municipale de Saint-Malo, avait défendu la poursuite du chalutage en eau profonde en 2013. Elle était la marraine de Blue fish, association bretonne créée cette année là ! On a les sponsors qu’on mérite.

Les succès relatifs de Bloom n’empêchent pas la désertification des océans. La pêche industrielle concerne 73 % de la superficie des océans. Rien qu’en 2016, 40 millions d’heures de pêche ont consommé 19 milliards de kWh d’énergie et parcouru plus de 460 millions de kilomètres, soit 600 fois la distance aller-retour de la Terre à la Lune. 31 % des stocks de poissons sont surexploités dans le monde, ce qui signifie que ces espèces sont prélevées plus rapidement qu’elles ne peuvent se reproduire. Une véritable tuerie de poissons. Si, chaque année, nous tuons 64  milliards de vertébrés terrestres pour les manger, nous exterminons entre 970 et 2 740  milliards de vertébrés marins. Malgré la forte croissance des armements, la diffusion des techniques industrielles de pêche jusque dans les coins les plus reculés de la planète et la sophistication toujours plus poussée du matériel, les tonnages des captures ne cessent de diminuer. En 1995, la capture de poissons a atteint son tonnage maximum avec 95 millions de tonnes. Depuis, la pêche mondiale plafonne autour de 90 millions de tonnes. On peut parler de pic du poisson ou peak fish comme il y a un pic pétrolier.

Sur ce point aussi, Nicolas Hulot savait parler vrai : « Je me souviens d’une discussion avec un haut personnage de l’État à propos de nos ressources halieutiques. Il se disait confiant, assurant que nous pêchions autant de poissons qu’autrefois. Certes. Sauf qu’il oubliait un élément essentiel : on les pêche avec dix fois plus de moyens. On utilise la détection par satellite, des hélicoptères traquent les bancs de sardines… Ce qui veut dire que l’océan se vide un peu plus, tous les jours. La biomasse des océans, c’est-à-dire la quantité de matière vivante, a été divisée par dix entre 1955 et 2005. La culture occidentale admet difficilement que notre puissance puisse générer notre propre vulnérabilité. »

* LE MONDE du 24 avril 2017, Claire Nouvian, l’écolo-gagnante