Pour Sébastien Candel et Marc Fontecave, « Il est temps de reconsidérer favorablement la place de l’énergie nucléaire en France ». LE MONDE ouvre encore une fois ses colonnes à des nucléocrates : le professeur Candel est président du conseil scientifique d’EDF et le chimiste Fontecave est lui aussi membre du conseil scientifique d’EDF. Leur discours est récurrent, rien de nouveau dans leur parti-pris : « Une augmentation de l’électrification de notre système énergétique est inéluctable… Notre électricité est presque en totalité décarbonée grâce au nucléaire et à l’hydraulique… Le principal défi est celui de l’intermittence des énergies éolienne et solaire… L’acceptabilité sociale d’une réduction de la demande d’énergie n’est pas garantie… Il ressort de cette analyse que, dès 2030, la France ne disposera pas, sans construction de nouveaux moyens pilotables, de suffisamment d’électricité pour satisfaire les demandes de pointe moyennes… Tout indique qu’il est urgent de reconsidérer en France la place de l’énergie nucléaire, seule à même d’assurer sécurité d’approvisionnement, stabilité du réseau, souveraineté énergétique et faibles émissions de CO2. » CQFD !!!
Quand les nucléaristes seront capables de présenter leurs arguments de manière un tant soit peu objective, nous aurons fait un pas en avant. Mais on a ici affaire à la présentation classique : « construire de nouveaux EPR » (ça fait 15 ans qu’on rame pour en mettre un en service), « passer à la 4ème génération » (on y bosse depuis au moins Phénix en 1973…), « le vilain renouvelable utilise trop de terres rares » (là, nos Go Trouvetou ont raté le rapport de l’ADEME), les panneaux solaires et batteries sont condamnés à venir de Chine, etc. Le problème central, c’est que LE MONDE donne la parole à des lobbyistes patentés de façon structurelle, ce qui ressort de nos articles antérieurs sur Fontecave, extraits :
31 décembre 2018, Marc Fontecave, un pronucléaire en plein délire
Dans une récente tribune au « MONDE », le professeur au Collège de France et membre de l’Académie des sciences Marc Fontecave juge ainsi la pétition « L’Affaire du siècle » : « Attaquer la France en justice est à la fois injuste, idiot et inopérant ». Il a un seul argument : « l’Hexagone, grâce à l’énergie nucléaire, est un leader mondial en matière de limitation des gaz à effet de serre. » Il aurait été préférable que LE MONDE signale aux lecteurs l’appartenance de M. Fontecave au conseil scientifique d’EDF.
26 mars 2014, Prêcheurs d’apocalypse, Ph. Aghion et Marc Fontecave
LE MONDE offre une page entière à deux « experts » qui n’ont qu’une seule chose à dire : la transition énergétique reposera uniquement sur le nucléaire et le gaz de schiste !
LE MONDE n’est pas le centre du monde, ni une source fiable sur bien des sujets.
Candel et Fontecave sont dans leur rôle, leur job est de vendre du nucléaire, comme d’autres vendent des éoliennes ou des salades. Le problème central n’est pas que LE MONDE donne la parole à des lobbyistes patentés de façon structurelle (sic), il serait plutôt du côté des décideurs qui les écoutent.
Pour se faire une opinion au sujet du nucléaire, on peut lire aussi la chronique antinucléaire de Stéphane Lhomme. Dans le journal La Décroissance de ce mois-ci :
– « Au bord du gouffre, EDF va… de l’avant
Alors que le chantier de l’EPR de Flamanville et une catastrophe industrielle, accumulant malfaçons, retard et énormes surcoûts, EDF ambitionne de construire de nouveaux réacteurs en France. Les nucléocrates poursuivent aveuglément leur marche… jusqu’à la faillite ? »
Cette obstination des autorités françaises à poursuivre ce projet fait penser à la devise Shadok, «Plus ça rate, plus on a de chances que ça marche.»
En fait il s’agit d’un biais cognitif. Celui-ci est appelé «le biais des coûts irrécupérables», parfois appelé aussi «The Concorde fallacy» (l’erreur de jugement du Concorde).