Une Cour d’appel américaine a jugé, vendredi 17 janvier, à une majorité de deux juges contre un, qu’il n’est pas du ressort du pouvoir judiciaire fédéral de contraindre le gouvernement des États-Unis à agir contre les changements climatiques*. Dans le dossier « Juliana contre les Etats-Unis », 21 jeunes requérants reprochaient au gouvernement fédéral d’avoir manqué à leur devoir de les protéger du dérèglement climatique, en soutenant depuis plus de cinquante ans l’utilisation des énergies fossiles. Pour sa défense, le gouvernement a fait valoir que ni la loi ni l’histoire des États-Unis ne peuvent étayer la revendication des plaignants pour un droit fondamental à un « climat vivable ». Remédier au changement climatique, explique la cour d’appel, exige « des décisions politiques complexes confiées, pour le meilleur ou pour le pire, à la sagesse et à la discrétion » de la Maison Blanche et du Congrès. Mais moralement les jeunes ont gagné car il est aussi écrit dans le jugement : « Les plaignants ont fait valoir de façon convaincante la nécessité d’agir ; il sera de plus en plus difficile, à la lumière de ce dossier, pour les branches politiques de nier que les changements climatiques se produisent, que le gouvernement a joué un rôle dans leur apparition et que nos élus ont la responsabilité morale de chercher des solutions, développe la décision. Nous concluons, à contrecœur cependant, que les arguments des plaignants doivent être présentés aux branches politiques ou à l’ensemble de l’électorat, ce dernier pouvant modifier la composition des branches politiques par le biais des urnes. »
La troisième juge a, pour sa part, manifesté ainsi son désaccord : « C’est comme si un astéroïde se dirigeait vers la Terre et que le gouvernement décidait de nous priver de tous nos moyens de défense. En cherchant à annuler ce procès, le gouvernement insiste lourdement sur le fait qu’il a le pouvoir absolu et irrévocable de détruire la nation. (Or) la Constitution américaine ne tolère pas la destruction délibérée de la nation par le changement climatique.» Et pourtant c’est le cas ! Ainsi va la démocratie dans nos systèmes complexes, dans le mur. Le peuple envoie par les urnes à la présidence des États-Unis un climato-sceptique assez ignorant de l’intérêt public pour subir actuellement un procès en destitution. Le peuple élit aussi un sénat aux ordres car fondamentalement conservateur ; il défendra un président en train de mettre la planète en feu avec ses coups de sang type type » assassinat de l’Iranien Ghassem Soleimani. » Poison dans la pomme, Trump démantèle méthodiquement toute la législation américaine de protection de environnement depuis son arrivée au pouvoir.
C’est à cause de cette pseudo-démocratie de citoyens sous-informés et sur-conditionnés que l’année 2019 a été la plus chaude enregistrée (avec 2016) depuis les premiers relevés de température au milieu du XIXe siècle, que la température moyenne à la surface du globe a augmenté de 1,1 °C par rapport à l’époque préindustrielle (1850-1900), tandis que la chaleur accumulée par les océans a atteint un nouveau sommet. Selon l’OMM (Organisation météorologique mondiale) « nous nous dirigeons vers une augmentation de la température de 3 °C à 5 °C d’ici à la fin du siècle au rythme actuel des émissions de dioxyde de carbone. »
* LE MONDE du 19-20 janvier 2020, Réchauffement climatique : de jeunes citoyens américains perdent leur combat devant la justice
Aux Etats-Unis, les villes et Etats fédérés ont des pouvoirs étendus, une majorité continue à avoir des politiques climatiques ; ce système d’équilibre inter-territorial est meilleur que le nôtre en France, trop centralisé.
Malheureusement la question climatique est un problème mondial. Comment réagir démocratiquement et de façon transnationale quand le premier pays émetteur de CO2 par habitant (Arabie Saoudite) n’est pas démocratique et que le premier pays en terme de croissance des émissions de CO2 depuis 30 ans (Chine) ne l’est pas davantage.
Comment réagir … démocratiquement et de façon transnationale … ?
Je dirais tout simplement que c’est IMPOSSIBLE.
C’est là un débat de juristes. Deux juges jugent que … et un troisième ne l’entend pas comme ça, ce qui n’est pas nouveau. Toutefois, comme le fait Biosphère, on peut toujours considérer que «moralement les jeunes ont gagné.» Ce qui bien sûr ne change rien à cette course folle. Cette course folle à laquelle tout le monde ou presque participe, ne serait-ce qu’en élisant de véritables fous.
Notez un jugement bien différent le 20 décembre 2019 où la Cour suprême néerlandaise, la plus haute juridiction des Pays-Bas, a confirmé les décisions antérieures dans l’affaire Urgenda, concluant que le gouvernement néerlandais avait l’obligation de réduire de manière urgente et significative les émissions du pays. Elle a déclaré que l’État avait des obligations claires de protéger l’environnement en vertu des articles 2 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme impliquant le droit à la vie et le droit à une vie privée et familiale.
Mais les Etats-Unis d’Amérique ont un système judiciaire moins performant qu’en Europe, et encore ce n’est pas le top dans tous les pays européens !
Ben oui, la justice n’est pas la même partout. Et nous voyons aussi les limites de la Cour internationale de justice.