« Les engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre par les pays qui en sont responsables ne seront pas tenus… Le système de gouvernance climatique mis en place voilà plus de vingt ans est complètement déconnecté du monde réel… Ce formidable hiatus, ou « schisme de réalité », en temps de crise, entre d’un côté la continuation apparente du processus démocratique et de l’autre la violence et l’arbitraire… D’un côté l’enchaînement des conférences sur le climat, de l’autre l’exploitation forcenée des ressources d’énergie fossiles et l’affirmation farouche des souverainetés… Le Protocole de Kyoto, signé en 1997 avec entrée en vigueur en 2005, n’a eu aucun effet : en 2005, le monde émettait 29 milliards de tonnes de dioxyde de carbone (CO2) ; en 2013, il en émettait près de 37 milliards de tonnes… Une forme de schizophrénie conduit les responsables politiques à rivaliser de déclarations alarmantes sur le climat tout en continuant à subventionner massivement les énergies fossiles : 5 000 milliards de dollars par an au niveau mondial.. Nous voici dans la « double pensée » imaginée par Orwell dans 1984, cette faculté à mettre en veilleuse la plus élémentaire logique pour accepter des faits contradictoires, et pour cela être capable d’« oublier tout ce qu’il est nécessaire d’oublier, puis le rappeler à sa mémoire quand on en a besoin, pour l’oublier plus rapidement encore ». »
Dans cet article*, Stéphane Foucart emploie deux dénominations parlantes : « schisme de réalité » et « double pensée ». Une autre expression est similaire, « dissonance cognitive ». Le psychosociologue Leon Festinger a appelé ainsi la situation de notre psyché lorsque se mettent à l’habiter deux croyances contradictoires, ce qui entraîne un malaise profond. De ce sentiment d’inconfort, que fait la conscience ? Ou bien elle intègre les informations nouvelles et veille à en tirer les conséquences : les politiques savent que nous allons dépasser le seuil de 2°C, passage vers des perturbations ingérables. Ou bien la conscience trouve le moyen d’éviter d’y penser en participant à une mascarade nommée COP21. Il y a une telle opposition entre ce qu’on sait de dramatique (ou catastrophique) de source sûre et le besoin absolu de pouvoir conserver son statut social qu’on veut ignorer ce qui fait mal pour croire à ce qui n’est qu’illusoire. Les politiques choisissent la voie du moindre effort.
Mais avec cette chronique planète de Stéphane Foucart, journaliste reconnu, on nous donne pour la première fois une vision claire de la réalité des choses. Les journalistes eux aussi sont trop souvent les premiers à tenir un double langage : ainsi Pujadas au journal télévisé nous promet pour bientôt des robots domestiques. Son cerveau schizo fait-il un seul instant le lien avec les monstrueuses quantités d’énergie qu’il va falloir pour cela ? Quel lien avec son précédant sujet, réussir la conférence climat ? La seule vérité qui devrait être reconnue à la fois médiatiquement et politiquement : impossible de lutter contre le réchauffement sans décroissance drastique du niveau de vie de tous ceux qui peuvent se payer une bagnole.
* LE MONDE | 08.06.2015, Un « schisme de réalité »
Bonjour invite2018,
concentrer la moitié des richesses mondiales ne signifie pas en consommer la moitié. Il faut bien entendu réduire drastiquement leur immense capacité de nuisance – personnellement j’ai une bonne pratique de la machette -, mais nous dédouaner de notre responsabilité relève soit du populisme soit de la bêtise (la combinaison des deux est très répandue). Ça me rappelle cette femelle « sapiens » qui justifiait l’utilisation de son gros 4×4 en arguant qu’il y avait plus riche et plus pollueur qu’elle (pas la peine de lui parler d’impératif catégorique, elle était sûrement plus à l’aise avec Closer). Quand on n’arrive pas à se débarrasser de cette mentalité, on finit comme ces couples qui se déchirent ou divorcent parce qu’ils chargent l’autre de tous les torts, une façon de conserver son propre « train de vie mental », alors que l’harmonie ne tiendrait qu’à peu de chose: regarder de temps en temps dans une autre direction que celle de son nombril.
Bonjour @biosphere,
Conserver le train de vie des classes moyennes serait parfaitement réaliste, si celui des hyper-riches était baissé suffisamment. Je vous rappel qu’un être humain sur 20 millions concentre la moitié des richesses mondiales.
La logique de maximisation des profits des milliardaires engendre des consommations qui ne protège en rien le pouvoir d’achat du peuple. Je pense notamment à l’inutile, néfaste, et gourmandissime en énergie, entretien de l’armement militaire destinés à protéger les intérêts des gros industriels.
Que les actionnaires du CAC40 réduisent leurs fortunes extravagante, et la consommation global sera divisé par 4 voir davantage.
De la part de Pascal B.
La dynamique Alternatiba part aussi du principe que la COP ne donnera rien, la première aurait du suffire, ce n’est pas la 2ème qui y arrivera, ni la 3257ème non plus. Donc les cityen-ne-s se prennent en main sur cette problématique qui englobe bien autre choses que la fonte des glaces et le dérèglement du climat. Les Alternatiba sont des villages des solutions, qui posent les problématiques réelles et importantes mais aussi « des solutions locales qui marchent ».
Je crois en une écologie, qui n’appartient à personne et à tout le monde à la fois, bref …à l’opposé des Placé et autres apparatchicks… Me concernant je postule que l’écologie politique a faillie, car l’écologie ne se négocie pas, ne se marchande pas, même pour quelques strapontins..
Mais ne baissons pas les bras, c’est plus dur ainsi pour relever les manches…
Les injonctions contradictoires, dont celles qui concernent le climat sont les plus dramatiques, ont envahi tout l’espace, autant professionnel que public ou privé. Le mieux (la quantité)a remplacé le bien (la qualité) dans toutes les sphères de la Société. Les discours sont constamment trompeurs (exemple, les fameuses valeurs dans une entreprise pour mieux asservir le salarié), le développement durable pour mieux faire perdurer la société de consommation. Le bien est mis au service du mal, on peut dire que nous sommes dans une Société totale, donc totalitaire par expansion, ou rien n’est différencié puisque faux. Tout se vaut SAUF ce que l’on veut mettre en avant au service de LA seule cause: le gain, la croissance, le seul confort matériel. Et pouvez-vous développer une critique qui ait prise face à ces pseudos valeurs que l’on fait passer pour les seules vérités afin de les maintenir?
En entreprise on retrouve constamment la séduction et la menace tout comme la demande d’adhérer au mythe de la quantité ET de la qualité avec un manque de moyens. La responsabilité Sociétale de l’Entreprise (RSE)au service de l’écologie tente de nous faire croire que seule notre vertu individuelle lors de nos déplacements nous sauvera du réchauffement. Adapté à l’écologie plus globale, ces doubles discours donnent la croissance ET le non réchauffement. Tenter de contrer tout cela c’est essayer de déconstruire ce dogme de la toute puissance que s’est octroyé l’homme depuis quelques siècles (ne se prend-il pas pour Dieu lui qui parle maintenant d’immortalité) alors qu’il n’est qu’un produit de l’évolution, somme toute aléatoire et au sein d’un tout.
Vous écrivez : « impossible de lutter contre le réchauffement sans décroissance drastique du niveau de vie de tous ceux qui peuvent se payer une bagnole ».
Ce serait possible si on piochait dans les portefeuilles des grands patrons milliardaires. Cela permettrait de sauvegarder le train de vie des classes moyennes occidentales et des plus pauvres tout en laissant la décroissance du PIB mondial se faire.
Bonjour Invite
Votre expression « Sauvegarder le train de vie des classes moyennes occidentales » nous étonne. Ce n’est pas réaliste sauf à vouloir brûler la planète. Il faudrait diviser par trois au niveau mondial les émissions de gaz à effet de serre, donc de beaucoup plus quand on vit à l’occidentale.