Analyse du sujet et annonce du plan : Ce sujet du bac 2012 (Amérique du Nord) tranche avec les sujets précédents basés sur l’innovation, la compétitivité ou le progrès technique comme éléments essentiels de la croissance. D’ailleurs en métropole, le sujet de dissertation reste dans la lignée croissanciste : « Comment l’accumulation du capital peut-elle être source de croissance économique » !!! Mais ne gâchons pas notre plaisir, pour la première fois la croissance est remise en question, même si nous sommes encore loin de l’idée de décroissance.
L’expression « dans quelle mesure » nous incite au plan nuancé « oui, mais, ou « non, cependant ». De plus ce sujet ne remet pas en question la croissance dans les pays en voie de développement, ce qui veut dire implicitement que les pays développés sont arrivés au summum de la croissance possible, laissant aux autres le soin de rattraper leur retard de développement. Le terme « souhaitable » pose problème ; en effet, il est de l’ordre subjectif du désir, et laisse donc une grande latitude d’interprétation. Il n’est donc pas question de s’appesantir sur l’idée d’une croissance nécessaire et suffisante, le sujet nous amène même à nous interroger sur une croissance qui s’apparenterait de plus en plus à l’heure actuelle à une religion. Enfin une ambiguïté terrible pèse sur l’interprétation de ce sujet, il n’est pas question de croissance économique, mais d’une indéfinissable « croissance ». Le sujet ne porte donc pas essentiellement sur la croissance du PIB puisque nous pouvons aborder aussi bien la croissance des services non marchands par exemple, ou la croissance du bonheur ! C’est pourquoi l’expression « développement », plus neutre que croissance, aurait-elle été mieux en phase avec un sujet formulé de façon très vague, ce qui rend son traitement difficile. Nous choisissons un plan du type « Non… cependant ».
Pour résoudre la problématique complexe de la croissance, nous aborderons dans un premier temps l’idée que la croissance économique dans un monde fini est devenue une absurdité pourtant relayée par des politiques comme François Hollande, dont le programme est principalement basé sur la volonté de croissance. C’est une erreur d’autant plus grave que nous savons déjà que le niveau de vie moyen des Français, s’il était généralisé, nécessiterait trois ou quatre planètes… que nous n’avons pas ! L’échec en cours de Rio + 20 marque la tragique évolution de nos mentalités qui préfère une croissance aveugle à un développement en harmonie avec les possibilités de la biosphère.
Dans une deuxième partie, nous aborderons l’idée de croissance différenciée : il y a des choses qu’il est souhaitable de voir s’améliorer et d’autres au contraire que nous devrions abandonner. Dans un pays développé, il est par exemple inutile d’accumuler les biens marchands au détriment du bonheur et des conditions de travail. Par contre, il serait préférable de valoriser les liens interpersonnels plutôt que les biens marchands (« plus de liens, moins de biens ») ou même de développer des pratiques comme l’art du silence et de la méditation.
Dans quelle mesure la croissance est-elle souhaitable au sein des pays développés ? (sujet de bac SES 2012)
Analyse du document 6 : Ce tableau de statistiques sur l’empreinte écologique et les émissions de dioxyde de carbone montre parfaitement que toutes les illusions sur les bienfaits de la croissance n’étaient qu’un mythe poursuivi sur la lancée des idées keynésiennes. Une politique de relance de l’activité économique par l’expansion monétaire et/ou le déficit budgétaire devrait appartenir dorénavant à un passé révolu. Il n’est plus le temps où on croyait que les ressources naturelles étaient illimitées et que les hommes pouvaient impunément croire qu’ils dominaient la planète et tous les non-humains. Il n’est plus le temps de la croissance à crédit, il est venu le temps de l’inflation et des pénuries. Les politiques keynésiennes ont abouti à la stagflation (stagnation de l’activité économique, chômage et inflation) dans les années 1970, les relances envisagées par les présidents Hollande ou Obama vont faire pschiiiit.
Soyons clair, non seulement le PIB n’est pas un bon indicateur de la durabilité d’une civilisation, mais l’IDH (indicateur de développement humain) n’est pas du tout garant des possibilités de bonheur dans un pays. Non seulement la croissance économique des pays développés n’est pas souhaitable, il faudrait même envisager une décroissance pour réduire les problèmes écologiques causés par ces pays. Si la France paraît résorber ses émissions de gaz à effet de serre, c’est surtout le fait de l’énergie nucléaire qui n’en émet pas mais qui cause bien d’autres problèmes. Notre empreinte écologique mondiale a déjà dépassé les capacités biophysiques de la biosphère depuis 1983. L’Allemagne a une empreinte écologique de 5,3 ha/hab et une biocapacité disponible de 1,9 ha/hab, son déficit écologique est donc de – 3,4 ha/hab. On pourrait faire les mêmes calculs pour tous les pays développés, leurs activités économiques dépassent largement leurs possibilités géophysiques. Derrière les émissions de dioxyde de carbone, il y a le réchauffement climatique. Notons que les pays développés ne sont plus seuls en cause, la Chine est devenu le premier émetteur de CO2.
L’échec actuel de Rio + 20 montre que nous sommes mal partis. Car les habitants des pays riches s’accrochent encore à un modèle croissanciste qui a fait faillite, et les pays émergents ne rêvent que d’une chose, rattraper notre niveau de développement et accélérer ainsi la détérioration de l’environnement. Les générations futures qui sont en train de passer leur bac SES aujourd’hui ne devraient souhaiter qu’une chose : sortir de l’idéologie croissanciste.
Dans quelle mesure la croissance est-elle souhaitable au sein des pays développés ? (sujet de bac SES 2012)
Analyse du document 5 : Ce document nage dans l’optimisme béat : la croissance serait nocive pour l’environnement dans un premier temps, mais tellement favorable à la qualité de l’eau et de l’air par la suite ! Notons que l’auteur du texte, Serge Lepeltier, n’y croit pas trop. Il ne parle que d’hypothèse et la trouve seulement « plausible », il utilise le conditionnel et le terme « sans doute ». Nous savons que la réalité est différente. Tous les indicateurs environnementaux sont au rouge, même dans les pays développés. L’Europe n’a pas pu enrayer la perte de biodiversité, la France est connue pour l’état déplorable de ses rivières, la richesse entraîne en fait plus de moyens pour détruire la planète et plus de besoins consuméristes pour dilapider le capital naturel.
Notons que Serge Lepeltier a été ministre de l’écologie. Fin 2004, il a échoué à mettre en œuvre un bonus-malus automobile vu l’opposition des parlementaires et du Premier ministre Raffarin. Quand il a proposé une taxe azote pour étayer une véritable loi sur l’eau, le ministre de l’agriculture a rétorqué que l’agriculture n’était pas en mesure de supporter un prélèvement supplémentaire. Ce que disait Serge Lepeltier dans son allocution de départ en 2005 reste toujours d’actualité :
« J’ai réalisé que les enjeux environnementaux sont plus considérables qu’on ne le dit et qu’il est urgent de mettre l’environnement au cœur de toute politique. Les décisions qu’on a prises ne sont pas suffisantes, loin de là, mais j’ai dû entrer dans le système existant, et je pense qu’il faut totalement le changer. Mon ministère est un ministère qui dérange, l’empêcheur de tourner en rond. Alors ceux que l’on dérange, les représentants d’intérêts particuliers, ne souhaitent qu’une chose, c’est qu’il n’existe pas. C’est ma crainte. On ne le supprimera pas, c’est impossible politiquement. Mais, sans le dire, on risque de n’en faire qu’une vitrine. »
Dans quelle mesure la croissance est-elle souhaitable au sein des pays développés ? (sujet de bac SES 2012)
Analyse du document 4 : encore une fois ce document porte sur des considérations économiques alors que le sujet ne porte pas explicitement sur la croissance du PIB. Que ce soit l’idée de développement durable ou de « croissance » en soi, tout nous ramène aux diktats de l’économie. Dommage ! Les analystes Blanchard et Fitoussi disent de toute façon n’importe quoi. Nous avons déjà souligné que la croissance ne diminue pas directement le taux de chômage comme ils semblent le croire, tout dépend du rythme de la productivité dans le pays. Ensuite ils prévoient un taux supérieur à 4 % « pendant plusieurs années consécutives si l’on veut résoudre le problème du chômage » alors que le doc. 1 a montré que ce taux n’a existé que pendant la période des Trente Glorieuses. Un document écrit en 1998 ne peut d’ailleurs refléter la crise de l’endettement et les politiques d’austérité mises en œuvre actuellement. Les dogmes vieillissent très vite de nos jours.
Ce document reste orienté vers la religion croissanciste alors qu’on sait qu’il y a bien d’autres moyens de résoudre le chômage autrement que par la croissance. Il y a par exemple la réduction du temps de travail, l’acceptation d’une productivité moindre, le retour à des activités qui renforcent l’autonomie (jardin potager, SEL…) plutôt que l’addiction aux produits du marché, etc. De plus en plus de personnes soulignent la nécessité de changer de système, alors, faisons-le ! Insistons sur le fait que la croissance n’est pas souhaitable quand on doit prévoir l’après pétrole.
Dans quelle mesure la croissance est-elle souhaitable au sein des pays développés ? (sujet de bac SES 2012)
Analyse du document 3 : Apparemment cette statistique sur la lente diminution de la superficie forestière mondiale n’est pas inquiétante en soi. La diminution annelle 2000-2010 (- 0,13 %) serait même moindre que sur la période précédente 1990-2000 (- 0,2 %). Mais il faut considérer que la superficie des forêts continue de s’accroître dans les pays développés alors que la déforestation devient une catastrophe dans certains pays pauvres. Ensuite il y a une politique de reboisement, mais qui touche à des espèces invasives comme les palmiers pour l’huile de palme, à fort impact négatif social et environnemental. Enfin il faut considérer que les forêts sont des puits de carbone, absolument nécessaire pour atténuer l’ampleur du réchauffement climatique ; la superficie forestière devrait donc croître et non régresser. C’est ce qui était prévu lors du protocole de Kyoto, mais les conférences internationales montrent de Copenhague à Rio + 20 leur inefficacité.
La croissance économique dans les pays développés à des effets négatifs tant par les émissions de gaz à effet de serre que cela implique que par la main mise sur les forêts des pays pauvres. Ce n’est pas souhaitable.
Dans quelle mesure la croissance est-elle souhaitable au sein des pays développés ? (sujet de bac SES 2012)
Analyse du document 2 : Nous aimerions intituler ce doc « collision avec les limites géologiques de la planète », mais Daniel Cohen se polarise sur les aspects économiques. Le document constate que la croissance est reliée à la productivité, ce qui veut dire que le terme croissance utilisé tout seul est vide de sens. Par exemple il n’est pas souhaitable pour réduire le chômage de tout miser sur la croissance car si le rythme de la productivité est plus fort que celui de la croissance, le chômage augmente quand même ! Ensuite la productivité n’a pas un effet univoque sur la baisse des prix comme indiqué par le doc. Une entreprise performante peut augmenter sa masse salariale ou les primes de ses dirigeants, il n’y a pas répercussion à la baisse des prix pour les consommateurs. La baisse actuelle des prix est surtout la conséquence de l’ouverture des frontières avec la mondialisation et donc l’arrivée de produits en provenance de pays à bas salaires. Dans les pays développés, la productivité résulte d’une intensification des processus de production, ce qui s’accompagne d’un stress au travail de plus en plus répandu. S’il s’agit de productivité grâce aux machines, ce sont les réserves fossiles qui s’épuisent et le réchauffement climatique qui menace. Tout cela fait en sorte que la productivité (la croissance) n’est pas aussi souhaitable qu’on le dit.
Le document laisse de côté le fait que l’économie du jetable (célèbre Bic) n’est pas principalement due à la baisse des prix, mais à une politique de marketing basé sur la publicité qui conditionne les consommateurs à oublier les fondamentaux du durable et du fiable ; on vit au contraire l’obsolescence programmée. Enfin les solutions abordées par Daniel Cohen montre que les méfaits de la croissance restent sans garde-fous. La taxe carbone a été abandonnée par Nicolas Sarkozy dès que le Conseil constitutionnel lui a tapé sur les doigts et les subventions ne touchent pas que les nappes phréatiques, elles portent aussi sur l’utilisation des ressources fossiles pourtant offerte gratuitement (jusqu’à présent) par notre mère Nature ! D’où l’idée du texte de collusion avec les limites géologiques de la planète. La croissance n’est pas souhaitable car loin de remédier aux problèmes environnementaux et sociaux, elle les accroît.
Dans quelle mesure la croissance est-elle souhaitable au sein des pays développés ? (sujet de bac SES 2012)
Analyse du document 1 : Nous constatons que de période en période, le taux de croissance annuel moyen baisse au niveau des pays développés, même si le taux élevé aux Etats-Unis cache une croissance artificiellement entretenue par un endettement vertigineux dont nous connaissons mieux les conséquences depuis la crise des subprimes de 2008. La dernière période 1997-2010 nous fait croire à une reprise récente de l’activité économique (en France) alors que la crise financière de 2008 s’est généralisée à tous les pays. L’Europe d’Angela Merkel, avec des pays comme la Grèce ou l’Espagne, sont orientée actuellement vers des politiques d’austérité et non de croissance du PIB. D’ailleurs François Hollande, malgré ses incantations, a déjà été obligé de revoir à la baisse ses prévisions de croissance pour 2012. Il est donc dangereux de se fier à des statistiques chronologiques, tout dépend des points de référence choisis : la période des Trente glorieuses (1950-1973) appartient définitivement au passé des pays développés. Nous allons vers la croissance zéro dont le rapport du club de Rome célébrait en 1972 les vertus ; on montrait que les exponentielles de l’activité économique entraînaient l’explosion démographique, la pollution généralisée et la raréfaction des ressources naturelles. Les limites de la croissance sont atteintes, ce doc nous donne une vison déformée de la réalité même s’il s’agit du PIB « réel », c’est-à-dire qu’il est recalculé en enlevant les effets de l’inflation.
Notons enfin que le produit intérieur brut est un très mauvais indicateur puisqu’il compte en positif les dégâts de la croissance. Il est urgent de sortir du fétichisme accordé au PIB. C’est d’ailleurs ce que ce sujet de bac nous incite à faire, la croissance (économique) n’est plus souhaitable.