Darwin et le ver de terre

Le naturaliste Charles Darwin aurait eu 200 ans le 12 février prochain et le Monde des livres (6 février), centré sur L’origine des espèces, s’attarde sur l’évolutionnisme, le mécanisme de sélection et le jeu du hasard. Grâce à Darwin et aux progrès de la génétique, il nous faut donc admettre que toutes les formes de vie descendent d’un même organisme : les gènes qui mettent en place le plan de fabrication d’un être humain sont les mêmes que ceux fonctionnant chez un ver de terre ou une céréale.

N’oublions pas un autre aspect de Darwin, son amour de la nature. Il a d’ailleurs consacré au ver de terre un de ses premiers articles et son dernier livre. Cette vie modeste,  faite d’ingestion, de reptation et de  déjection, transforme pourtant les paysages et rend fertile la planète. On doit en effet aux vers de terre l’humus, la terre cultivable, la possiblité des récoltes. Au Tibet, trouver un ver de terre sur le fer d’une bêche arrête le travail du jardiner qui prend soin de remettre la créature en lieu sûr dans le sol. Mais Richard Layard, dans Le prix du bonheur, pense encore comme tant d’autres que l’expression « ver de terre » dégraderait notre humeur alors que « musique » est un mot positif ! Cet anthropocentrisme forcené est caractéristique de notre éloignement actuel de la source de toute vie, la biosphère et ses vers de terre : humus plutôt qu’humeur.

Nous avons oublié l’essentiel du message de Darwin : « Le plaisir que l’on ressent lorsqu’on est assis sur un tronc en décomposition au milieu de la tranquille obscurité de la forêt est indicible et ne peut pas s’oublier. »