Définitions de la dette écologique

La dette économique est une somme d’argent due à un créancier. En termes simples, le créancier, c’est celui qui prête le capital emprunté. Pour le  capital naturel, le créancier est donc la Terre, ou la biosphère ou la nature, peu importe le nom. D’où une dette écologique des humains envers la Terre. Le fait par exemple de pêcher une espèce de poisson plus que ce qui permet son renouvellement est bien un découvert vis-à-vis des richesses de la mer. Ce découvert, on est normalement obligé de l’acquitter, par exemple en fixant un moratoire sur la pêche, sinon nos contemporains et successeurs seront appauvris. C’est comme si on avait brûlé notre maison… plus d’héritage possible !

On peut toujours refuser de rendre l’argent à l’oligarchie financière qui vit « au détriment des peuples ». Il n’en est pas de même avec la dette écologique : les richesses non renouvelables prêtées par la biosphère ont été définitivement dilapidées par les peuples qui vivent à l’occidentale. En effet l’humanité ne peut rendre les barils de pétrole, les tonnes de charbon ou les possibilités de recyclage naturel du CO2 qui permettent le niveau de vie actuel des « honnêtes gens ». C’est pourquoi la cure d’austérité que va traverser l’espèce humaine sera bien plus terrible que lors d’un tsunami financier où on peut refinancer l’économie en faisant tourner la planche à billet (nouveaux crédits).

Chaque année, la New Economics Foundation calcule la date à laquelle la consommation de ressources par l’humanité dépasse la capacité de renouvellement de la planète. au-delà de cette date, on est en situation d’épuisement des réserves. Cette date anniversaire a été baptisée « Jour de la dette écologique » ou Jour du dépassement (« Overshoot day« ). En 1987, l’humanité était passée dans le rouge le 19 décembre. En 1995, cette date était intervenue le 21 novembre. Pendant l’année 2008, l’humanité a basculé du côté obscur le 9 octobre, et le 27 septembre en 2011. Cette date intervient chaque année de plus en plus tôt, ce qui signifie que les ressources disponibles pour une année sont consommées de plus en plus vite. Nous vivons en ce moment écologiquement « à découvert ». En vivant au-delà de nos moyens environnementaux, nous privons des millions de personnes dans le monde de la possibilité de satisfaire durablement leurs besoins.

Historiquement, le concept de dette écologique a été conçu dans les années 1980 comme contre-partie à la dette financière des pays latino-américains : nous vous devons des dollars mais vous, pays riches, vous nous devez le trou de la couche d’ozone. Plus récemment, on a estimé qu’il faudrait comptabiliser dans les négociations internationales sur le climat toutes les émissions de gaz à effet de serre déjà effectuées par les pays développés pour rétablir plus de justice dans les émissions futures. Mais, lors de la Convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique à Rio en 1992, on a pris l’année 1990 comme « année zéro » : cela signifiait que l’on ne ferait aucune reconstitution du patrimoine des réserves mondiales de combustibles fossiles pillées auparavant. D’un trait de plume, on effaçait ainsi la dette écologique des pays riches. De toute façon, c’est impossible de rembourser cette dette en permettant aux pays pauvres d’émettre beaucoup plus de CO2 dans l’avenir. Les pays sous-développés ne peuvent reproduire la même erreur que l’Occident puisqu’il y aurait alors certitude d’un emballement climatique.

Concluons. La dette écologique, ce n’est pas des bouts de papier qu’on pourrait rembourser avec d’autres bouts de papier. La dette écologique est différente d’une dette financière, c’est concret, c’est l’affaiblissement de notre capital naturel. Cette perte est irrémédiable quand il s’agit de ressources non renouvelables comme le pétrole, le gaz, ou l’uranium. Elle sera très douloureuse à rembourser quand le système climatique sera déréglé. Il n’y a là rien de réjouissant, mais tant que les dirigeants feront croire aux peuples que « demain ça ira mieux », avec un peu plus de croissance économique, la situation ne pourra qu’empirer. S’il n’y a pas décroissance voulue et partagée, il y aura dépression économique subie par les exclus.