Démence digitale, l’addiction des petits aux écrans

« Voilà vingt ans que les effets délétères de la surexposition des enfants et adolescents à la télévision ont été démontrés : retard de communication et de langage devenant patent vers 18-30 mois, prosodie particulière, centrage d’intérêt de plus en plus exclusif sur les écrans, difficulté de contact avec les autres enfants, conduites d’allure agressive, agitation et instabilité d’attention, manque d’intérêt pour les jeux habituels… Chez les moins de 3-4 ans, c’est un phénomène nouveau, massivement amplifiée du fait de la multiplication des écrans qui sont présents à tout moment dans la vie quotidienne : dans les magasins, les salles ­d’attente, les transports et même lors du repas ou de l’endormissement. Pour certains, l’écran devient un « compagnon de vie ». Une évidence doit être rappelée : tous les écrans exercent une puissante attractivité qui entraîne une captation/fascination du regard chez le tout-petit. Devant la tablette, son corps est immobile, ses yeux grand ouverts et son visage souvent inexpressif, voire figé ! Ce pouvoir hypnotique s’explique par le fait que, dès la naissance, l’œil est attiré par le mouvement. Or, les vidéos programmées pour les enfants offrent un mouvement permanent. Entre 6 et 18 mois, cette captation s’effectue au détriment de l’exploration manuelle, sensorielle, sensuelle, buccale si importante à cet âge pour mieux appréhender les objets du monde. Par la suite, la même surexposition ampute le besoin vital d’interaction avec les proches, rompant l’échange parent-enfant et sa remarquable synchronie relationnelle bien décrite par les scientifiques. Cette période, dite de référence sociale, est pourtant essentielle à l’enfant pour comprendre « le sens du monde » dans un climat d’interaction partagée. Un faisceau d’arguments cliniques plaide en faveur de la description d’un trouble neuro-développemental nouveau : l’exposition ­précoce et excessive aux écrans (EPEE), lié à un perturbateur environnemental (l’écran sous toutes ses formes) qui interfère dans les besoins développementaux du tout-petit.

Avant 3-4 ans, les divers écrans devraient toujours être utilisés en présence de l’adulte et pendant un temps limité (entre cinq et quinze minutes, selon l’âge), au terme duquel l’écran devrait être coupé, et l’adulte devrait « reprendre la main » pour réintroduire une interaction vivante et ludique. Et le temps de « pose écran » devrait durer trois à quatre fois plus longtemps que le temps d’exposition. » Daniel Marcelli, président de la Société française de psychiatrie et professeur de pédopsychiatrie, s’est engagé aux côtés du Collectif Surexpositions écrans *

Nous avions déjà écrit sur ce blog « libérons nos enfants de l’emprise des écrans (2017)», « écrans ou éducation, il faut choisir le présentiel (2016)», « Est-il encore possibble de vivre sans écrans (2014) », « L’enfant face aux écrans, l’interdit est nécessaire (2013) », « Pourquoi vivre sans écrans (2011) », « LE MONDE soigne ses écrans (2010) », « L’emprise des écrans (2009) » et aussi « L’emprise des écrans »… en 2007. Bien sûr notre blog biosphere ne change pas la face du monde face aux marchands d’illusion, mais il y contribue !

* LE MONDE SCIENCE ET TECHNO du 3 mai 2018, « L’exposition précoce aux écrans est un nouveau trouble neuro-développemental »