Démographie, énergie, climat : l’équation explosive

Une étude américaine s’interroge sur notre capacité à résoudre un casse-tête où se confrontent trois éléments : la croissance de la population mondiale, ses besoins en énergie et la nécessité de lutter contre le réchauffement climatique en réduisant drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre. Ses deux auteurs rappellent quelques chiffres. La population mondiale était de 1,6 milliard d’individus en 1900, elle devrait tourner autour de 11 milliards de personnes à la fin du siècle. En 1900, les besoins annuels en énergie de l’humanité à 6 400 milliards de kilowattheures (kWh), contre un peu plus de 150 000 milliards de kWh aujourd’hui. A chaque heure de chaque jour, nous extrayons des entrailles de la Terre 3,7 millions de barils de pétrole brut, 932 000 tonnes de charbon et 395 millions de mètres cubes de gaz naturel. Enfin arrive l’objectif de contenir le réchauffement climatique sous la barre des 2°C. Pour conserver 50 % de chances d’y parvenir, cela impose que l’humanité ne doit pas avoir émis plus de 2 900 gigatonnes de CO2 depuis 1870. Si les sociétés humaines parvenaient ne serait-ce qu’à stabiliser leur consommation de combustibles fossiles, cette barre des 2 900 gigatonnes de CO2 serait atteinte en 2038. A chaque heure de chaque jour, nous relâchons 4,1 millions de tonnes de CO2. N’importe qui aura déjà compris qu’on se berce d’illusions si l’on pense pouvoir atteindre les objectifs du traité de Paris, surtout quand on se souvient qu’il a été fixé par des personnes dont les convictions environnementales s’avèrent souvent très circonstancielles et dont l’agenda ne dépasse en général pas l’horizon de la prochaine élection.

Source : http://passeurdesciences.blog.lemonde.fr/2016/03/31/demographie-energie-climat-lequation-explosive/

Commentaires sur lemonde.fr

Buno Lefebvre : Aucune contrainte sur l’individu que je suis finalement, à lire cet article, aux élites de se débrouiller pour mettre en place la solution (qui sort le nucléaire de toute participation à la solution, même si elle ne serait que partielle, peut-on réellement y renoncer ?).

Pierre Barthelémy : Le nucléaire est volontairement mis de côté par les auteurs, d’une part parce que les ressources en uranium sont elles aussi limitées, d’autre part parce que le nucléaire représente à peine plus de 10 % de la production mondiale d’électricité, et donc un pourcentage encore plus faible dans la consommation d’énergie mondiale.

Jared : concernant les ressources en uranium :

  • – les chiffres de ressources restantes sont en général faites à prix d’extraction constant ; le coût du combustible ne représente qu’une faible partie du prix final de l’électricité provenant d’une centrale nucléaires ; si on augmente le prix qu’on est prêts à mettre pour l’uranium, les ressources accessibles augmentent considérablement.
  • – la surgénération, qui n’est pas forcément au point mais qui est loin d’être une utopie, on a quand même eu en France une centrale reliée au réseau, projet qu’on a malheureusement abandonné.

La surgénération (sic, Creys Malville a fonctionné en sous génération pour l’essentiel de sa durée de vie) est un échec dramatique. Cela fait 20 ans que Creys Malville est arrêté, la déconstruction est en cours, les chiffres d’EDF sont les suivants

elle produira 518 000 tonnes de déchets : 425 000 tonnes non radioactif et 93 000 tonnes radioactif dont 5 520 tonnes de sodium qui seront transformés en bloc béton au sodium, entreposés sur le site en attendant leur lente décroissance radioactive. Il y avait au moment de l’arrêt  2 cœurs de 6 tonnes chacun , on ne sait pas où sont stockées ces 12 tonnes de Plutonium 239

Quant au reste du nucléaire il suffit de compter. EDF et Areva ont fait perdre 22 milliards de capitalisation boursière en 15 mois au patrimoine national , chiffres qui n’apparaissent nulle part officiellement mais qu’il faudra solder un jour ou l’autre.

Ade : en l’occurence, les énergies dites « renouvelables » ne me semblent ni propres ni renouvelables dès qu’on s’intéresse aux bons ordres de grandeur, notamment

  • – la seule chose de « renouvelable » est la source d’énergie elle-même, et pas les matières qui servent à fabriquer la centrale. Certaines d’entre elles sont rares et/ou polluantes à extraire (e.g. neodyme pour l’aimant permanent dans l’éolienne, terres rares dans les panneaux PV à haut rendement et énergie pour fabriquer tout ça, lithium pour les batteries…). Bref pas sûr que ça passe à l’échelle ou que ce soit vraiment durable, et ces aspects sont la plupart du temps ignorés. Il faudrait aussi parler de la destruction de terres agricoles à cause de l’emprise au sol…
  • – le réseau électrique n’aime pas l’intermittence. S’il faut des batteries et des « smart grids » partout pour la gérer, j’aimerais voir le bilan écologique du machin en intégrant la *fabrication* de ces éléments et leur durée de vie…

Bref, le seul « vrai » renouvelable est pour moi les choses dont on est sorti depuis la 1e révolution industrielle : moulins à vent, bateaux à voiles, biomasse (le seul panneau PV vraiment écologique s’appelle… un arbre !). Sauf que… l’énergie du soleil arrive de manière très peu concentrée, et la puissance qu’on peut en tirer est infiniment moins efficace qu’avec les ressources fossiles => l’accepter signifie accepter un retour à un mode de vie beaucoup plus sobre (avec des conséquences en terme de baisse du pouvoir d’achat et de rémunération/valorisation du capital, d’espérance de vie, de qualité de vie / confort, de voyages, de chômage et de structure des métiers, etc. bref, la « croissance » c’est fini !). Est-ce que la population (qui élit ses représentants politiques) est prête à l’entendre et à l’accepter… ?

Yogi : L’humanité ne comprend rien en dessous de 100 millions de morts. Il faudra en passer par là.