D’un coté les injonctions à changer de modèle pour cause de crise écologique, de l’autre de nombreux ouvrages pour contester cette vision alarmiste, catastrophiste. Ces deux visions sont pourtant compatibles. Tandis que les uns fondent leur optimisme sur les acquis du demi-siècle écoulé, les autres craignent, avec raison, celui qui vient. Les effets négatifs du système technique commencent à en concurrencer les effets bénéfiques car ses dimensions sont désormais telles qu’elles se heurtent aux limites physiques de la terre.
Quelques exemples. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, les rendements de blé n’ont cessé d’augmenter en France. Mais depuis le milieu des années 1990, cette courbe plafonne, non par absence de progrès technique, mais parce que les derniers progrès ont été effacés par les effets du changement climatique, sous-produit du système technique. De même les prises de pêche ont continûment augmenté lors du dernier demi-siècle, mais le volume des captures a atteint un sommet au milieu des années 1990 et, depuis, décline en dépit des flottes de pêche plus nombreuses. Les champs pétroliers en exploitation ont atteint leur pic en 2006, et depuis déclinent. Arrivé au sommet des courbes, on peut voir le déclin se profiler. De manière croissante, les services rendus au système technique par la biosphère s’érodent sous l’effet du même système technique.
C’est ainsi que s’exprime Stéphane Foucart* dans LE MONDE du 29 juillet. Bravo. Mais dans le même numéro Jean-Philippe Rémy** appelle de ses vœux une voiture made in Africa. Il s’attache ainsi à une conception dépassée de l’économie qui repose sur la production manufacturière et les « retombées bénéfiques de l’exploitation des ressources naturelles ». Jean-Philippe Rémy contemple l’évolution passée des courbes, il ne voit pas encore qu’il n’y aura plus de pétrole quand les voitures africaines voudront rouler !
* état de la planète : bienvenue au sommet des courbes
** Vite, il faut rouler africain